Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2019, le préfet des Yvelines doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler les article 2 et 3 du jugement n° 1902448 du 9 mai 2019 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 11 mars 2019 en tant qu'il fixait la Mauritanie comme pays de retour et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Versailles.
Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'absence de production, par Mme B..., d'éléments précis et circonstanciés de nature à établir les risques de mariage forcé qu'elle allègue encourir en cas de retour dans son pays d'origine.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me D... pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., ressortissante mauritanienne née le 26 mai 1983, a sollicité le 27 octobre 2017 son admission au séjour au titre de l'asile dans le cadre des dispositions du 1° de l'article L. 313-13 et du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile par décision notifiée le 22 août 2018, confirmée par une décision de la cour nationale du droit d'asile notifiée le 28 février 2019. Par un arrêté du 11 mars 2019, le préfet des Yvelines a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet des Yvelines relève appel du jugement n° 1902448 du 9 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe la Mauritanie comme pays de retour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
3. Pour retenir la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale au titre du risque de mariage forcé auquel elle serait exposée en Mauritanie, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a relevé que Mme B... produit des éléments de nature à démontrer les traitements inhumains et dégradants qu'elle y a antérieurement subis.
4. Mme B... soutient qu'elle risque d'être soumise à un mariage forcé ainsi qu'à des violences physiques et psychologiques de la part de sa famille adoptive en cas de retour en Mauritanie, où elle a été excisée lorsqu'elle était très jeune et que ces craintes dégradent son état de santé psychique. Elle produit le certificat médical d'un médecin gynécologue d'un hôpital parisien en date du 13 octobre 2015 qui atteste de son excision ainsi qu'un certificat établi par un médecin exerçant dans un service de psychiatrie et neurosciences d'un groupe hospitalier parisien qui indique, sans autre précision, que Mme B... est suivie au centre médico-psychologique d'Alésia depuis janvier 2019 " pour des troubles psychologiques en lien avec son histoire traumatique ". Cependant, ces pièces et ces circonstances, si elles attestent de l'excision subie par Mme B... et de son suivi psychiatrique toutefois très récent et ne faisant pas état du lien entre un retour dans son pays et ce suivi, ne permettent pas d'établir la réalité des risques de mariage forcé et de violences allégués par Mme B..., âgée de trente-six ans à la date de l'arrêté en litige. Il en va de même du document rédigé par la présidente d'une association militant pour les droits des femmes en Mauritanie qui atteste de la vraisemblance du récit de Mme B... sans certifier l'exactitude de celui-ci par une connaissance personnelle de la situation de l'intéressée. En outre, il ressort de la décision de l'OFPRA rejetant la demande d'asile de l'intéressée, que les déclarations relatives à ses craintes de subir un mariage forcé étaient apparues dépourvues d'éléments étayés et convaincants dans la mesure où elle affirmait alors que sa famille l'aurait laissée terminer ses études sans la contraindre au mariage, sans apporter d'explications concluantes sur les raisons pour lesquelles elle serait désormais exposée à ce risque. Par suite, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, Mme B... n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour en Mauritanie. Le préfet des Yvelines est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Versailles à l'encontre de la décision fixant la Mauritanie comme pays de destination.
Sur les autres moyens de la demande de Mme B..., dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel :
6. Pour contester la décision fixant le pays de destination, Mme B... invoque l'illégalité de la décision portant refus de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français dont elle avait demandé l'annulation en première instance. Le tribunal administratif de Versailles a écarté, aux points 3 à 7 de son jugement, l'ensemble des moyens invoqués par la requérante à l'encontre de la décision portant refus de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Mme B... n'a pas formé d'appel incident à l'encontre de cette partie du jugement. Dès lors, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter l'ensemble des moyens dirigés, par la voie de l'exception, contre la décision portant refus de séjour et contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité desdites décisions à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 11 mars 2019 en tant qu'il fixe la Mauritanie comme pays de destination et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1902448 du 9 mai 2019 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... B... devant le tribunal administratif de Versailles, tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines en tant qu'il désigne la Mauritanie comme pays de destination de la mesure d'éloignement est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme B... est rejeté.
N° 19VE02082 2