Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 août 2019, Mme B..., représentée par Me Goeau-Brissonnière, avocat, demande à la cour :
1° de l'admettre au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle ;
2° d'annuler ce jugement ;
3° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
4° d'enjoindre à l'Etat d'enregistrer sa demande d'asile ;
5° de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière dès lors que l'entretien individuel n'a pas été mené par un agent qualifié ;
- le préfet a méconnu les dispositions combinées des articles 3.2 et 17.1 du règlement UE n° 604/2013 ainsi que les stipulations des articles 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le système d'accueil italien des réfugiés étant défaillant.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... ressortissante ivoirienne née le 2 mars 1982 a sollicité son admission au séjour au titre du droit d'asile le 21 janvier 2019 auprès de la préfecture du Val-d'Oise. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressée avait auparavant sollicité l'asile auprès des autorités italiennes, le préfet du Val-d'Oise a saisi le
15 février 2019 les autorités italiennes, lesquelles ont implicitement accepté, le 1er mars 2019, de prendre en charge Mme B.... Par un arrêté du 11 juin 2019, le préfet du Val-d'Oise a décidé du transfert de Mme B... aux autorités italiennes. Mme B... fait appel du jugement du 16 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
3. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 novembre 2019, postérieure à l'enregistrement de sa requête d'appel. Ces conclusions étant ainsi devenues sans objet, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la détermination de l'état membre responsable de la demande d'asile :
4. Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat (...) ". Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée (...). / (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté (...) à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". La Cour de justice de l'Union européenne (grande chambre) a en outre dit pour droit, dans son arrêt du19 mars 2019, Jawo (C-163/17), que : " L'article 29, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, doit être interprété en ce sens qu'un demandeur " prend la fuite ", au sens de cette disposition, lorsqu'il se soustrait délibérément aux autorités nationales compétentes pour procéder à son transfert, afin de faire échec à ce dernier ".
5. Il ressort de l'attestation versée au dossier par le préfet le 13 février 2020 que Mme B... a pris la fuite, portant, ainsi, le délai de sa reprise en charge par les autorités italiennes à dix-huit mois à compter du 16 juillet 2019, date à laquelle le jugement du tribunal administratif qui a statué sur sa demande a été notifié au préfet. Par conséquent, l'Etat français n'est pas devenu l'État membre responsable de la demande d'asile de Mme B... et la décision de transfert de l'intéressée vers l'Italie est toujours susceptible de recevoir exécution.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
7. Mme B... soutient que la procédure préalable à l'arrêté aurait méconnu l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé, en faisant valoir qu'il est impossible d'identifier la personne qui a réalisé l'entretien et donc de vérifier qu'elle était bien qualifiée pour exécuter cette tâche. Toutefois, la requérante, assistée d'un interprète, a bénéficié de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement n° 604/2013, conduit par un agent de la préfecture du Val- d'Oise, dans les locaux de la préfecture, le 11 juin 2019. Dans ces conditions, les modalités dans lesquelles cet entretien s'est déroulé, impliquent que l'agent de préfecture qui a mené l'entretien doit être regardé, d'une part, comme ayant été mandaté à cet effet par le préfet et, d'autre part, comme étant une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens de l'article 5 paragraphe 5 du règlement n° 604/2013, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'identité de cet agent ne serait pas portée au compte-rendu de cet entretien. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 2. de l'article 3 du règlement n°604/2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Enfin, aux termes des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. Mme B... reprend en appel, en des termes identiques et sans élément nouveau, les moyens soulevés en première instance tirés de ce que les autorités italiennes, confrontées à un afflux de migrants, ne seraient pas en mesure de traiter les demandes d'asile qui leur sont soumises en méconnaissance des articles 3-2 et 17 du règlement n°604/2013, des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, l'Italie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si Mme B... soutient, comme en première instance, être malade et produit des documents médicaux attestant que son état de santé nécessite des soins médicaux, l'intéressée n'établit pas qu'elle encourrait des risques tenant notamment à l'absence de prise en charge de ses pathologies, en cas de transfert en Italie. Dans ces conditions, la requérante n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation motivée portée par le premier juge. Il suit de là que ces moyens doivent être écartés pour ces motifs et par adoption de ceux retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 13 du jugement en litige.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ne peuvent qu'être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme B... tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions la requête de Mme B... est rejeté.
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N° 19VE02935