Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 18 mars 2021, sous le n° 21VE00775, le préfet des Yvelines demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007994 du 4 mars 2021 du tribunal administratif de Versailles ;
2°) de confirmer son arrêté du 28 octobre 2020 par lequel il a refusé un titre de séjour à M. B... et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de 30 jours.
Il soutient que :
- il justifie de la notification à M. B... de l'arrêté en litige ;
- il n'a pas commis une erreur de droit dès lors qu'il n'a pas opposé à M. B... le défaut de communauté de vie avec son épouse pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; l'enquête de communauté de vie qu'il a sollicitée a permis d'établir qu'il s'est marié avec Mme C... dans le seul but d'obtenir un titre de séjour ;
- il est ainsi avéré qu'il a tenté d'obtenir un titre de séjour par fraude, en l'occurrence un mariage gris ; en l'absence de stipulation sur la fraude dans l'accord franco-algérien, il peut légalement faire usage de son pouvoir général de refuser une décision individuelle créatrice de droits obtenue par fraude ; il appartient alors à l'administration d'apporter la preuve de la fraude commise, ce qu'il a fait par la réalisation de l'enquête de communauté de vie ; le moyen tiré de la violation du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit en conséquence être écarté ;
- en outre, au regard des déclarations de vol faites à son encontre, M. B... ne saurait être regardé comme justifiant d'une intégration particulière dans la société française ;
- enfin, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où résident ses parents et ses trois frères et sœurs ; l'arrêté en cause n'a ainsi pu porter une atteinte disproportionnée aux intérêts et aux droits de l'intéressé, qui a déclaré vouloir revenir en Algérie lorsqu'il a été entendu.
II. Par une requête enregistrée le 18 mars 2021, sous le n° 21VE00776, le préfet des Yvelines demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, dans l'attente de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que :
- il a relevé appel du jugement en litige ;
- il soulève des moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation qu'il a accueillies, puisque le tribunal administratif ne pouvait pas juger qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien, né le 30 juin 1986, s'est marié en Algérie le 14 août 2018 avec une ressortissante française, Mme C..., née le 21 septembre 1982. Il est ensuite entré en France le 2 février 2019, sous couvert d'un visa de court séjour délivré le 16 janvier 2019. Il a sollicité, le 28 mai 2019, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français. Par un arrêté du 28 octobre 2020, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la requête enregistrée sous le n° 21VE00775, le préfet des Yvelines relève appel du jugement du 4 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté. Par la requête enregistrée sous le n° 21VE00776, il demande le sursis à exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 21VE00775 et n° 21VE00776, présentées par le préfet des Yvelines, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution d'un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. L'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 stipule que : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2°) Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2° ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ". L'article 7 bis du même accord stipule que : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour (...) : Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues au l'article 6 alinéa 2 et au dernier alinéa de ce même article ; (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces stipulations, d'une part, qu'elles ne font pas obstacle à ce que le préfet, s'il est établi de façon certaine que le mariage d'un ressortissant étranger avec un conjoint de nationalité française a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour, fasse échec à cette fraude, d'autre part, que si la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans est subordonnée, notamment, à une communauté de vie effective entre les époux, cette condition n'est pas exigée pour la première délivrance du certificat de résidence d'un an aux ressortissants algériens.
5. En l'espèce, pour refuser de délivrer à M. B... le titre sollicité, le préfet des Yvelines motive sa décision par la volonté de faire échec à une fraude, M. B... ayant contracté mariage pour bénéficier d'un premier certificat de résidence d'algérien en qualité de conjoint de Français. Il se fonde sur les éléments d'une enquête de communauté de vie, établie sur sa demande par la direction départementale de la sécurité publique des Yvelines, dont il ressort que Mme C... dénonce le désintérêt de son conjoint après plusieurs mois de vie commune, des menaces de sa part et de graves disputes, et affirme que l'intéressé aurait procédé à des vols de marchandises chez ses employeurs, en soulignant qu'elle engage une procédure de divorce, alors qu'il ressort des déclarations de M. B..., dans le cadre de cette enquête, qu'il ne conteste pas la profonde dégradation des relations avec son épouse et dénonce la surveillance de ses relations et activités qu'elle a entendu exercer, rendant impossible selon lui la poursuite d'une vie commune, en précisant qu'il souhaite désormais pouvoir travailler en France ou y poursuivre des études et qu'il n'exclut pas non plus de retourner en Algérie. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, même si son épouse, avec laquelle ses relations s'étaient sérieusement dégradées, a déposé une main courante au commissariat de police d'Elancourt le 9 janvier 2020, que M. B..., qui a poursuivi la vie commune d'abord à l'étranger, après le mariage contracté en août 2018 en Algérie, puis en France, où il est arrivé en février 2019, d'abord à Trappes, chez les parents de son épouse, puis à Maurepas, dans leur logement commun, jusqu'à la fin de l'année 2019, se serait marié dans le but exclusif d'obtenir une carte de séjour. En outre, si à la date du refus de séjour, la communauté de vie des époux avait cessé, cette communauté ne conditionne pas la délivrance du certificat de résidence d'un an aux ressortissants algériens.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Yvelines n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 28 octobre 2020 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur le sursis à exécution :
7. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 21VE00775 du préfet des Yvelines, tendant à l'annulation du jugement n° 2007994 du 4 mars 2021 du tribunal administratif de Versailles, les conclusions de la requête n° 21VE00776 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont dès lors privées d'objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21VE00776 du préfet des Yvelines.
Article 2 : La requête n° 21VE00775 du préfet des Yvelines est rejetée.
N° 21VE00775, 21VE00776 3