Première procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2013 sous le n° 13VE02985, la société requérante, représentée par Me Mandicas, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 234 910,99 euros en indemnisation du préjudice qu'elle a subi ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la lettre du préfet des Yvelines du 13 septembre 2007 a eu pour effet une rupture d'égalité devant les charges publiques ; la responsabilité sans faute de l'Etat est ainsi engagée.
Par deux mémoires complémentaires, enregistrés les 29 décembre 2014 et 5 juin 2015, la société requérante, représentée par Me Rochefort, avocat, conclut aux mêmes fins que précédemment en demandant en outre que la somme demandée en indemnisation soit portée à 245 642,36 euros et soit augmentée des intérêts au taux légal depuis l'exercice du recours indemnitaire et de la capitalisation des intérêts et que la somme due en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 3 500 euros.
Elle soutient par ailleurs que :
- la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute dès lors que la lettre du préfet des Yvelines du 13 septembre 2007 est entachée d'un vice d'incompétence, l'autorité signataire ne disposant pas d'une délégation de signature et le préfet n'étant pas habilité à prendre une telle décision ;
- la lettre du préfet du 13 septembre 2007 est par ailleurs fautive dès lors que le préfet a imposé un changement d'usage à l'exploitant et qu'en outre, il a retenu que l'usage prévu par l'exploitant n'était pas conforme avec les documents d'urbanisme de la commune de Poissy ;
- la pollution aux métaux lourds n'était pas incompatible avec un usage industriel ;
- le préjudice subi comprend le coût des loyers non perçus pendant la période allant du 13 septembre 2007 au 18 mars 2009 ; ce préjudice constitue par ailleurs un préjudice anormal et spécial.
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Par un arrêt n° 13VE02985 du 30 juin 2015, la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête de la SOCIETE IMMOBILIERE GABRIEL WATTELEZ.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par un pourvoi, enregistré le 31 août 2015, la SOCIETE IMMOBILIERE GABRIEL WATTELEZ a demandé au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Par une décision n° 393088 du 30 janvier 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité et renvoyé l'affaire devant la Cour, où elle a été enregistrée le 26 juillet 2016 sous le n° 17VE00315.
Seconde procédure devant la Cour :
Par deux mémoires complémentaires, enregistrés les 7 avril 2017 et 1er octobre 2018, la société requérante, représentée par Me Rochefort, avocat, conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens. Elle demande en outre que la condamnation de l'Etat soit portée à titre principal à la somme de 646 716 euros et à titre subsidiaire à la somme de 245 642,36 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation, et à 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de Me Rochefort pour la SOCIETE IMMOBILIERE GABRIEL WATTELEZ.
Considérant ce qui suit :
1. La SOCIETE IMMOBILIERE GABRIEL WATTELEZ a donné en location à la société Usines Wattelez un terrain situé à Poissy et cette dernière société y a exploité une installation classée pour la protection de l'environnement réalisant une activité de production de pièces mécaniques en caoutchouc et élastomère galvanisé. La société requérante, après avoir adressé au préfet des Yvelines une déclaration de cessation d'activité de sa locataire au 31 mars 2017, accompagnée notamment d'un diagnostic sur l'état des sols, a reçu de ce dernier un courrier du 13 septembre 2007 l'informant que, compte tenu du niveau de pollution des sols, notamment par des métaux lourds, et dans l'attente des travaux de dépollution, il n'était pas possible de procéder à une nouvelle location des locaux en cause. Par un second courrier, du 18 mars 2009, le préfet des Yvelines a indiqué à la société requérante que l'état des sols de la parcelle en cause devait être, au vu de l'avis rendu par l'inspection des installations classées, regardé comme compatible avec un usage comparable à celui de la dernière période d'exploitation et que des mesures de gestion des pollutions mentionnées plus haut n'étaient pas nécessaires à ce stade. La demande indemnitaire préalable, formée le 20 juillet 2009 par la SOCIETE IMMOBILIERE GABRIEL WATTELEZ, tendant au versement par l'Etat de la somme de 204 910,99 euros, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'interdiction qui lui a été faite de louer les locaux en cause du 13 septembre 2007 au 18 mars 2009, a été rejetée par le préfet des Yvelines le 3 novembre 2009. La société requérante a relevé appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'indemnisation par l'Etat. Par un arrêt en date du 30 juin 2015, la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête de la société requérante. Par une décision du 30 janvier 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité de la Cour et a renvoyé l'affaire devant elle.
Sur la responsabilité pour faute :
2. Le requérant doit énoncer, dans le délai d'appel, la ou les causes juridiques sur lesquelles il entend se fonder. Il suit de là que, postérieurement à l'expiration dudit délai et hors le cas où il se prévaudrait d'un moyen d'ordre public, l'appelant n'est recevable à invoquer un moyen nouveau que pour autant que celui-ci repose sur la même cause juridique qu'un moyen ayant été présenté dans le délai d'introduction de l'appel.
3. Il ressort des pièces du dossier que le moyen, qui n'est pas d'ordre public, relatif à la faute qu'aurait commise l'administration en donnant une information erronée par courrier du préfet des Yvelines du 13 septembre 2007, ne se rattache pas à la même cause juridique que le moyen, seul invoqué dans le délai d'appel par la société requérante, tiré d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, lequel est relatif à la responsabilité sans faute. Ainsi, la société requérante n'est pas recevable à soulever le moyen relatif à la faute commise par l'administration après l'expiration du délai d'appel.
Sur la responsabilité sans faute :
4. La société requérante se prévaut d'une impossibilité de louer le site en litige pour une exploitation industrielle entre septembre 2007 et mars 2009 pour un montant de 245 642 euros, en raison de l'impossibilité invoquée par le préfet des Yvelines dans sa lettre du 13 septembre 2007.
5. Toutefois, si la société requérante invoque le régime de la responsabilité sans faute lié à la violation du principe d'égalité devant les charges publiques, le préjudice dont elle demande réparation en l'imputant à une décision illégale du préfet n'est pas susceptible d'être réparé sur un tel fondement.
6. Par ailleurs, et à supposer que le courrier précité du préfet du 13 septembre 2007 ne soit entaché d'aucune illégalité fautive, la société requérante n'établit pas le caractère certain du préjudice subi en se bornant à faire état de pièces qui établissent uniquement qu'elle a loué un entrepôt de 112 m² à compter d'octobre 2012, un terrain de 1 000 m² à compter de décembre 2013, un terrain de 800 m² à compter d'octobre 2013 ou un emplacement de parking à compter de septembre 2013, alors que le terrain en litige comprend une superficie totale de 5 500 m² et des locaux qui auraient pu être loués dès mars 2009. Elle n'établit pas non plus qu'elle avait proposé ce terrain et les locaux à la location ou qu'un bail aurait été signé avant que n'intervienne le courrier du 13 septembre 2007. Par suite, le moyen tiré de ce que la responsabilité de l'Etat serait engagée sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que la SOCIETE IMMOBILIERE GABRIEL WATTELEZ n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE IMMOBILIERE GABRIEL WATTELEZ est rejetée.
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N° 17VE00315