Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 juillet 2017 et le 22 février 2018, la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT, représentée par Me A...et MeB..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de la décharger des impositions litigieuses ainsi que des pénalités y afférentes ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAEM SEQUANO AMENAGEMENT soutient que :
- la SAEM SIDEC aux droits de laquelle elle vient, a agi, dès l'origine, pour le compte de la ville de Villejuif en souscrivant au crédit-bail afin de réaliser un centre technique municipal (CTM) ;
- le loyer payé à la SAEM SIDEC qui équivalait au loyer versé par cette dernière au crédit-bailleur incluait un élément de financement ; un prix de cession correspondant à la valeur vénale ne tenant pas compte de cet élément de financement, entraînerait un enrichissement sans cause de la SEM SIDEC au détriment de la commune de Villejuif ;
- la cession du CTM à la commune de Villejuif pour un prix inférieur à sa valeur réelle n'est pas constitutive d'un acte anormal de gestion dès lors que l'opération répondait à des motifs d'intérêt général et qu'elle a permis à la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT de réaliser un profit du fait de la réalisation de l'opération d'aménagement ;
- le déplacement de l'ancien centre technique municipal de la ZAC de l'Hôtel de la capitainerie des chasses vers la ZAC de Monsivry conditionnait la mise en oeuvre de ces deux opérations ainsi que, par voire de conséquence, l'obtention par la SAEM SIDEC des marchés relatifs à l'aménagement de ces deux périmètres d'aménagement ;
- le CTM est un équipement public ayant vocation à devenir propriété de la ville de Villejuif si bien qu'il n'existe aucun comparable sur lequel l'administration fiscale peut se fonder pour déterminer une valeur vénale ;
- la valeur vénale de 7 722 000 euros, si elle devait être retenue, devrait être entendue comme une valeur TTC, le rehaussement devant alors se limiter au prix HT ;
- une charge probable justifie la constitution d'une provision, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur les chances de succès de l'action en justice susceptible d'entraîner une telle charge ; dès lors qu'il existait un risque de condamnation à la suite des deux actions en justice dont elle a fait l'objet tant de la part de l'Association française de normalisation (AFNOR) que de la société Campenon Bernard Construction, elle était fondée à déduire de son résultat une provision d'un montant égal aux demandes de réparation formulées par chacun de ses adversaires.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Campoy,
- les conclusions de Mme Belle, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT.
1. Considérant que la société anonyme d'économie mixte (SAEM) SEQUANO AMENAGEMENT qui est issue de la fusion, en 2009, de deux sociétés d'économie mixte départementales de la Seine-Saint-Denis, la société SODEDAT93 et la SAEM Societe d'ingénierie et de développement économiques (SIDEC), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a réintégré dans le résultat imposable de son exercice clos en 2010 la différence entre le prix de 548 816 euros HT auquel le bâtiment abritant le centre technique municipal (CTM) de la commune de Villejuif avait été cédé le
30 décembre 2010 à cette collectivité et la valeur vénale de ce bâtiment, évaluée à
7 722 000 euros ; qu'elle a également remis en cause, à hauteur de 180 745 euros, une provision pour litige constatée à la clôture du même exercice ; que la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT relève appel du jugement du 28 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales ainsi que des intérêts de retard correspondants, résultant de ces deux chefs de rectifications ;
Sur la cession du CTM :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une convention en date du
19 décembre 1996, modifiée le 27 avril 2010, la SAEM SIDEC s'est engagée à louer à la commune de Villejuif (Val-de-Marne) du 1er mars 1998 au 31 octobre 2010 contre paiement d'un loyer principal hors charges de 343 010 euros HT, indexé sur l'évolution annuelle du coût de la construction, un ensemble immobilier destiné à abriter les locaux du nouveau centre technique municipal situé dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de Monsivry sur le territoire de cette collectivité ; que, pour financer la construction de cet ouvrage, elle a conclu le 14 mai 1998 un contrat de crédit-bail immobilier courant du 1er novembre 1998 au 31 octobre 2010, prévoyant qu'à l'issue de ce contrat, la SAEM SIDEC avait la possibilité de devenir propriétaire de l'immeuble moyennant un prix de levée d'option de 548 816 euros ; que le 16 décembre 2010, la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT a levé l'option d'achat de l'immeuble moyennant le versement de la somme de 548 816 euros HT (656 384 euros TTC) stipulée au contrat ; que le 30 décembre 2010, la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT a cédé l'immeuble à la commune de Villejuif contre paiement par cette dernière d'une somme de même montant ;
3. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que ces principes sont applicables aux sociétés anonymes d'économie mixte, qui, comme la société requérante, relèvent de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 du code général des impôts, dès lors que leurs opérations n'entrent pas dans le champ de l'exonération prévu par le 1 de l'article 207 du même code ; que la renonciation à des recettes du fait d'une cession à prix minoré d'un bien, ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de recettes consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
4. Considérant que l'administration a estimé qu'il existait un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé de 7 722 000 euros ainsi qu'il ressort tant de l'acte procédant à la levée de l'option d'achat que de l'acte de vente à la commune de Villejuif ; que les critiques des méthodes de l'administration pour déterminer la valeur vénale du bien sont inopérantes dès lors que c'est la valeur déclarée dans l'acte de vente qui a été prise en compte et non la somme de 7 900 000 euros résultant de la moyenne de la méthode par voie de comparaison et de celle par voie de capitalisation qui n'ont servi qu'à corroborer le chiffre retenu par France Domaine figurant dans l'acte de vente, lequel n'est pas sérieusement contesté ;
5. Considérant que la société requérante soutient que le prix retenu identique à celui de la levée d'option d'achat n'était pas minoré, compte-tenu de la spécificité du bien construit au nom et pour le compte de la commune de Villejuif dans l'unique but de devenir un équipement public, propriété de la commune ; que toutefois, il ne résulte d'aucune des pièces versées au dossier que les bâtiments destinés à abriter le centre technique municipal dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils seraient édifiés sur le domaine public, ni qu'ils faisaient partie des équipements publics que devaient prendre en charge l'aménageur, ni même qu'ils comportaient des aménagements propres à la seule activité de ce centre, ne pouvaient être utilisés en tant que tel par une personne privée ou loués à d'autres utilisateurs publics ou privés, et que faute de marché de référence pour un tel ouvrage, il ne pouvait y avoir de valeur vénale pour un tel ouvrage ; que si la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT fournit une copie d'une partie du dossier de réalisation de la ZAC de l'Hôtel de la capitainerie des chasses, ce document qui ne comporte pas la partie de ce dossier relative au programme des équipements à réaliser dans la zone, ne permet pas d'établir que le centre technique municipal faisait partie de ces équipements, ni, de toute manière, que le centre faisait partie des équipements dont la commune devait prendre possession contre paiement du prix de levée d'option à l'issue de cette opération d'aménagement ; qu'ainsi, en se fondant sur la valeur du bien cédé, tel qu'elle était stipulée par les parties elles-mêmes dans l'acte de cession et dont le montant est confirmé par les deux méthodes d'évaluation susmentionnées, l'administration établit, comme elle en a la charge, que la valeur de l'immeuble cédé à la commune le 30 décembre 2010 était sous-évaluée ; que, dans ces conditions, la renonciation à recette à laquelle la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT a consenti au profit de la commune de Villejuif ne peut relever d'une gestion commerciale normale que s'il est établi qu'en consentant un tel avantage, cette société a bénéficié en retour de contreparties suffisantes, quand bien même l'opération dans son ensemble satisferait l'intérêt général des habitants de la commune ;
6. Considérant que s'il résulte de la convention de mandat du 19 septembre 1995 que la commune de Villejuif a envisagé de réaliser la construction d'un nouveau centre technique municipal dont elle aurait confié la construction à la société requérante, il est constant que ce projet a été abandonné faute de capacité d'investissement suffisante par cette collectivité ; que si une note technique du 18 décembre 1996 indique qu'une convention entre la commune de Villejuif et la SAEM SIDEC était à l'étude afin que cette collectivité puisse devenir propriétaire de cette installation à l'issue d'une opération de crédit-bail mise en oeuvre par la société, cette convention n'a jamais été conclue ; qu'il n'est pas contesté que l'article 4 du contrat de crédit-bail stipule que la SAEM SIDEC, en sa qualité de crédit-preneur, a pris elle-même l'initiative de l'opération de construction dont elle conserve l'entière maîtrise technique et économique, qu'elle a décidé seule du choix de l'immeuble et qu'elle assume tous les risques et obligations découlant de l'utilisation de l'immeuble ainsi que tous les risques et obligations, de quelque nature que ce soit, incombant au propriétaire ou au constructeur ; que le deuxième alinéa de l'article 3-1 du contrat de location du 19 décembre 1996 prévoyait d'ailleurs la possibilité pour la SAEM SIDEC de ne pas lever l'option d'achat à l'issue de l'opération et de se substituer un crédit-bailleur ; que ce n'est qu'à compter de sa séance du 7 octobre 2010 que l'organe délibérant de la collectivité a envisagé d'acquérir le centre technique municipal à l'issue de l'opération de crédit-bail et du bail de location longue durée ; que les circonstances que la commune ait formulé des demandes particulières à la SAEM SIDEC afin que les installations devant lui être louées répondent à ses besoins ou qu'elle ait participé à la réception de l'ouvrage ainsi qu'à l'établissement des réserves ne suffit pas à établir qu'elle se serait comportée en tant que maître de cet ouvrage, ni, en toute hypothèse, qu'elle était appelée à en devenir propriétaire au prix de la levée d'option par le véritable crédit-preneur ; qu'ainsi, la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT n'établit pas qu'elle se serait bornée en l'espèce à procéder au " portage " d'une opération montée et décidée par la commune elle-même ;
7. Considérant qu'à supposer même que le déplacement de l'ancien centre technique municipal de la ZAC de l'Hôtel de la capitainerie des chasses vers la ZAC de Monsivry conditionnait la mise en oeuvre de ces deux opérations ainsi que, par voie de conséquence, l'obtention par la société requérante des marchés relatifs à l'aménagement de ces deux périmètres d'aménagement, il résulte des pièces versées au dossier et, en particulier, des mentions non contestées de la proposition de rectification que les recettes perçues par la SAEM SIDEC au titre de l'opération d'aménagement du Relais de Poste et la réalisation de la ZAC de Monsivry ne se sont élevées qu'à environ 460 000 euros et 570 000 euros ; que, même en y ajoutant le bénéfice de 600 000 euros réalisé par la requérante à l'occasion de l'opération de crédit-bail du fait de l'indexation des loyers facturés sur le coût de la construction alors que les redevances de crédit-bail étaient constantes, les contreparties ainsi obtenues de la commune de Villejuif sont hors de proportion avec l'avantage de plus de 7 millions d'euros consenti à cette collectivité, eu égard, de surcroît, aux risques pris par la société dans cette opération ; que l'administration établit de la sorte, en toute hypothèse, que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'ainsi, l'administration était fondée à réintégrer dans les résultats de l'exercice clos en 2010, la différence entre la valeur vénale de l'immeuble et son prix de cession ;
8. Considérant qu'à titre subsidiaire, la société requérante demande que la valeur vénale retenue soit ramenée à la somme hors taxe de 6 456 522 euros pour le calcul du rehaussement dès lors que la commune de Villejuif n'est pas en mesure de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée ; que, toutefois, cette circonstance est sans incidence sur la détermination de la valeur vénale du bien et, par, suite, de l'avantage à réintégrer dans le résultat de la société requérante ;
Sur la provision pour risque :
9. Considérant que si, dans le cadre d'un litige lié a la réalisation d'une extension des locaux de l'Association française de normalisation (AFNOR) en Seine-Saint-Denis, cette association a sollicité le 25 novembre 2009 du Tribunal de grande instance de Bobigny la condamnation de la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT à lui verser la somme de
916 871 euros HT, majorée de la somme de 24 100 euros au titre des frais d'expertise et de la somme de 10 000 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile, tandis que, dans le cadre du même litige, la société par actions simplifiée (SAS) Campenon Bernard Construction (CBC) a sollicité le 4 mars 2010, la condamnation de la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT à lui verser une indemnité de 239 030 euros en réparation de son propre préjudice, il résulte de l'instruction que le préjudice dont la SAS CBC demandait l'indemnisation avait été intégré à hauteur de 180 745 euros dans la somme de 916 871 euros dont l'AFNOR réclamait le versement à la société requérante, la société CBC ayant d'ailleurs demandé au tribunal que, dans la mesure où il ferait droit à l'action de l'AFNOR à l'encontre de la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT, l'AFNOR lui reverse directement la somme précitée de 180 745 euros ; qu'ainsi, si la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT entendait constater, dans le cadre du litige l'opposant à l'AFNOR, une provision de 950 971 euros au titre de son exercice clos en 2010, elle ne pouvait prétendre, au titre du même exercice, constater une provision équivalente à la totalité de la demande de condamnation de la SAS CBC qui intégrait, à hauteur de 180 745 euros, un risque déjà provisionné au titre de l'autre contentieux ; que c'est par suite à bon droit que l'administration qui n'a pas procédé à une quelconque appréciation des chances de succès des actions de l'AFNOR et de la SAS CBC en remettant en question une partie de ces provisions, a réintégré, à hauteur de 180 745 euros, dans le résultat de la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT, la provision pour litige avec la SAS CBC constatée à la clôture de l'exercice 2010 ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAEM SEQUANO AMENAGEMENT est rejetée.
2
N° 17VE02495