Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 septembre 2017, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ILE-DE-FRANCE, représentée par Me Recoules, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de lui accorder la restitution de la TVA collectée à tort sur les commissions perçues sur les opérations liées aux avis à tiers détenteurs et autres saisies attribution effectuées sur les comptes de ses clients, d'un montant de 120 018 euros pour l'année 2013 et de
154 959 euros pour l'année 2014 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4° de surseoir a statuer sur sa requête dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat sur le pourvoi concernant l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles n°16VE02479 du 18 mai 2017 ;
5° à titre subsidiaire, de surseoir a statuer et de poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
- L'exonération prévue à l'article 135, paragraphe 1, sous d), de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 pour les opérations concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, s'applique-t-elle aux actes réalisés par un établissement financier au vu des actes de saisie par le Trésor public français dont font l'objet ses clients '
- Lorsque la banque, dépositaire des fonds de son client, accomplit son obligation légale, qui consiste dans le blocage du compte de son client, le calcul du montant disponible, et le cas échéant, le paiement au profit du Trésor, réalise-t-elle un service de recouvrement au profit du Trésor distinct de celui de tenue de compte et de paiement réalisé au profit de son client '
- A cet égard, le fait que la banque opère en vertu d'une obligation légale a-t-il une incidence '
- Dans l'affirmative, le fait que la loi nationale prévoit que la banque est un débiteur de substitution et doit verser au Trésor Public les sommes en lieu et place de son client défaillant a-t-il une importance '
La CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ILE-DE-FRANCE soutient que la seule circonstance qu'un avis à tiers détenteur soit une mesure permettant au Trésor d'obtenir le recouvrement forcé d'une créance n'implique pas pour autant qu'une telle opération en cause ait la nature objective d'une opération de recouvrement ; la banque, débiteur de substitution de par la loi dans le cadre d'un avis à tiers détenteur, et contractuellement liée à son client par une convention de tenue de compte qui couvre ce type d'incidents, exécute une opération qui présente les caractéristiques spécifiques essentielles d'une opération de paiement, à savoir un transfert de fonds et une modification juridique et financière de la situation de son client, laquelle bénéficie de l'exonération de TVA prévue au c du 1° de l'article 261 C.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Campoy,
- les conclusions de Mme Belle, rapporteur public.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société coopérative de banque à forme anonyme CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ILE-DE-FRANCE qui exerce une activité financière et bancaire, a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les commissions perçues sur les opérations liées aux avis à tiers détenteurs et autres saisies-attribution effectuées sur les comptes de ses clients pour la période du 1er janvier 2013 au
31 décembre 2014 ; que, le 30 décembre 2015, elle a sollicité la restitution de la TVA correspondante qu'elle estimait avoir collecté à tort au motif que ces opérations entraient dans le champ de l'exonération de TVA prévue pour les opérations bancaires et financières par les dispositions du c du 1° de l'article 261 C du code général des impôts ; que sa réclamation ayant été rejetée le 24 mai 2016, elle a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution de l'imposition correspondante ; qu'elle relève appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 261 C du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : (...) c. Les opérations, y compris la négociation, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du recouvrement de créances (...). " ;
3. Considérant, d'une part, que les opérations auxquelles procède la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ILE-DE-FRANCE lorsque le compte de l'un de ses clients fait l'objet d'un avis à tiers détenteur sont rémunérées par des frais prévus à la convention de compte conclue avec ce client et constituent l'un des éléments du prix de la prestation de tenue de compte facturée à ce dernier ; que ces frais sont représentatifs d'un service rendu à son client sous la forme, notamment, d'opérations consistant à vérifier, au bénéfice de ce dernier, si le solde du compte permet le paiement total ou partiel de l'acte de poursuites, à procéder momentanément au blocage de ce solde ainsi qu'à calculer le solde effectivement disponible sur les comptes en fonction des opérations en cours et, à l'issue de cette procédure, à effectuer le paiement requis auprès du Trésor public lorsque le solde du compte le permet ; que ces frais constituent la contrepartie effective d'une prestation individualisable fournie dans le cadre d'un rapport juridique où des prestations réciproques sont échangées ; qu'alors même que les prestations au titre desquelles ces frais sont perçus ne constituent pas un service rémunéré rendu par la banque au Trésor public, elles entrent ainsi dans le champ de la TVA ;
4. Considérant que si le service rendu par la banque à ceux de ses clients faisant l'objet d'un avis à tiers détenteur comprend, le cas échéant, des paiements, il comporte, comme il a été dit au point précédent, diverses opérations visant notamment à vérifier le solde du compte saisi, à procéder au blocage de ce solde et à calculer le solde disponible en fonction des opérations en cours ; que le service rendu ne se limite donc pas à un simple transfert de fonds entre le compte du client et celui du Trésor public qui peut d'ailleurs parfaitement ne pas intervenir si l'approvisionnement du compte client est insuffisant, mais vise, quelle que soit l'issue de la procédure, à assurer le paiement d'une dette d'argent ; qu'il constitue, de ce fait, une mesure de recouvrement de créances au sens des dispositions précitées de l'article 261 C du code général des impôts ;
5. Considérant que les termes employés pour désigner les exonérations prévues au c. du 1° de l'article 261 C du code général des impôts sont d'interprétation stricte dès lors qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur la valeur ajoutée est perçue sur chaque livraison de biens et chaque prestation de services effectuées à titre onéreux par un assujetti ; que la notion de " recouvrement de créances " en tant qu'exception à une disposition dérogatoire à l'application de la taxe sur la valeur ajoutée ayant pour effet de soumettre à cette taxe les opérations qu'elle vise, qui constitue la règle de droit commun de la sixième directive, doit dès lors recevoir une interprétation large ; que, par suite, et alors même que les opérations susmentionnées incluent des paiements, en principe exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, les frais facturés par la caisse à ses clients faisant l'objet d'avis à tiers détenteur, constituent une opération unique de recouvrement soumise à la taxe sur la valeur ajoutée sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir, sur ce point, de la définition des frais bancaires donnée par l'article L. 312-3 du code monétaire et financier ;
6. Considérant, d'autre part, que si la société requérante demande la restitution de la TVA qu'elle soutient avoir collectée sur les commissions perçues sur les " autres opérations de saisies-attribution effectuées sur les comptes de ses clients " pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, elle n'indique pas la nature exacte de ces opérations, ni leur montant et se borne à renvoyer, s'agissant de ces prestations, à son argumentation relative à l'exonération de TVA des avis à tiers détenteurs qui a été écartée aux points 3 à 5 ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, ni de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ILE-DE-FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ILE-DE-FRANCE est rejetée.
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N° 17VE02867