Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 octobre 2018, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des articles 12 et 13 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et a retenu la responsabilité de la France pour l'examen de la demande d'asile du requérant ;
- les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil ne sont pas fondés.
La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a été adressée à la dernière adresse indiquée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 internationale et l'échange de notes du 14 août 2013 entre la Suisse et l'Union européenne concernant la reprise de ce règlement ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Tronel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant turc, né le 29 août 1974 à Erzincan, est entré irrégulièrement en France le 28 novembre 2017 pour demander l'asile. La consultation du système Eurodac a permis au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de constater que les empreintes digitales de l'intéressé ont été relevées par les autorités suisses qui ont refusé la reprise en charge du requérant en invoquant la responsabilité de la Finlande. Saisie le 9 avril 2018, cette dernière a reconnu sa responsabilité et a accepté la reprise en charge de M. A... le 10 avril 2018. Par arrêté du 31 juillet 2018, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a ordonné la remise de M. A... aux autorités finlandaises, pour l'examen de sa demande d'asile. Le préfet relève appel du jugement du 20 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
2. Aux termes de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " (...) 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce règlement : " 1. Si le demandeur est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre État membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Dans ce cas, l'État membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / 3. Si le demandeur est titulaire de plusieurs titres de séjour ou visas en cours de validité, délivrés par différents États membres, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe, dans l'ordre suivant : / a) à l'État membre qui a délivré le titre de séjour qui confère le droit de séjour le plus long ou, en cas de durée de validité identique, à l'État membre qui a délivré le titre de séjour dont l'échéance est la plus lointaine ; / b) à l'État membre qui a délivré le visa ayant l'échéance la plus lointaine lorsque les visas sont de même nature ; / c) en cas de visas de nature différente, à l'État membre qui a délivré le visa ayant la plus longue durée de validité ou, en cas de durée de validité identique, à l'État membre qui a délivré le visa dont l'échéance est la plus lointaine. / 4. Si le demandeur est seulement titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres. / Lorsque le demandeur est titulaire d'un ou plusieurs titres de séjour périmés depuis plus de deux ans ou d'un ou plusieurs visas périmés depuis plus de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre et s'il n'a pas quitté le territoire des États membres, l'État membre dans lequel la demande de protection internationale est introduite est responsable. / 5. La circonstance que le titre de séjour ou le visa a été délivré sur la base d'une identité fictive ou usurpée ou sur présentation de documents falsifiés, contrefaits ou invalides ne fait pas obstacle à l'attribution de la responsabilité à l'État membre qui l'a délivré. Toutefois, l'État membre qui a délivré le titre de séjour ou le visa n'est pas responsable s'il peut établir qu'une fraude est intervenue après la délivrance du document ou du visa ". Aux termes de l'article 13 dudit règlement : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ".
3. Il ressort des dispositions du paragraphe 2 de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que la détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre de l'Union européenne. En vertu des dispositions du paragraphe 2 de l'article 12 de ce règlement, l'Etat qui a délivré un visa à un étranger est responsable de l'examen de sa demande de protection internationale si ce visa est en cours de validité à la date de cette demande et si l'étranger n'a pas quitté le territoire des Etats membres. Les dispositions de ces articles sont également applicables à la Suisse en tant qu'Etat associé à l'accord dit Dublin III, en vertu de l'échange de notes du 14 août 2013 entre la Suisse et l'Union européenne concernant la reprise du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale.
4. Les autorités finlandaises ont délivré à M. A... un visa valable du 29 avril 2017 au 29 mai 2017. Ainsi ce visa n'était pas périmé lorsqu'il a, pour la première fois, déposé une demande d'asile le 5 mai 2017 en Suisse. En vertu des dispositions précitées, la Finlande était par conséquent responsable de l'examen de sa demande d'asile sans que la circonstance que le demandeur ait introduit une nouvelle demande le 28 novembre 2017 en France ne puisse y faire obstacle. Il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté litigieux au motif que la France était devenue responsable de cet examen.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que, le cas échéant, les moyens d'ordre public que le juge d'appel est tenu de soulever d'office.
Sur les autres moyens de la demande présentée par M. A... :
En ce qui concerne la légalité externe :
6. Mme C..., adjointe à la cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux et signataire de la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation de signature du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS du 12 janvier 2018, régulièrement publiée au numéro spécial du bulletin d'informations administratives le même jour. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait.
7. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...). ".
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de l'entretien individuel produit par le préfet que M. A...a été reçu à la préfecture le 27 mars 2018 pour un entretien individuel au cours duquel il a été assisté d'un interprète en langue turque. Si le requérant, qui a signé ce compte-rendu sans produire d'observations, affirme devant le juge que la confidentialité de l'entretien n'a pas été respectée, il n'apporte aucune précision sur les conditions dans lesquelles cet entretien a eu lieu. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
9. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A... n'a pas franchi illégalement la frontière pour faire une première demande d'asile en Suisse. Il ne peut par suite, utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précité.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. A... fait valoir qu'il est hébergé gratuitement par un proche qui est prêt à prendre en charge ses dépenses nécessaires pour sa vie quotidienne et également à l'accompagner dans ses démarches. Toutefois, M. A...est célibataire et sans enfant et est dépourvu d'attaches familiales en France où il ne résidait que depuis huit mois à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, en édictant l'arrêté attaqué, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'a pas porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cet arrêté a été pris. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait manifestement mal apprécié les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A...doit également être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 31 juillet 2018.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1807334 du 20 septembre 2018 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
N° 18VE03323