Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2016, M.A..., représenté par Me Calvo Pardo, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'absence de notification par voie administrative de la décision refusant d'accorder le délai de départ volontaire ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- en s'abstenant d'examiner sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai a fait l'objet d'une notification irrégulière au regard des dispositions du II. de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé à Dakar le 23 septembre 2006 et l'avenant à cet accord, signé à Dakar le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Chayvialle a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., né le 13 aout 1976, de nationalité sénégalaise, relève appel du jugement du 2 mai 2016, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2016 par lequel le préfet de la
Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges il y a lieu d'écarter le moyen présenté en première instance et repris en appel tiré de ce que la motivation de la décision portant refus de titre de séjour serait insuffisante ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la rédaction applicable à l'arrêté litigieux : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-2 du même code, ses dispositions s'appliquent " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais susvisé du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'article 3 de l'avenant du 25 février 2008, entré en vigueur le 1er août 2009 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : soit la mention " salarié " s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / soit la mention " vie privée et familiale " s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels " ; que les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité ;
4. Considérant, d'une part, que pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour le préfet de la Seine-Saint-Denis a relevé que " [la] situation tant personnelle que professionnelle [de l'intéressé] (...) ne permet pas, au regard des motifs exceptionnels et/ou humanitaires qu'il avance, son admission au séjour ", qu'" en effet (...) l'intéressé qui déclare un concubinage avec une ressortissante marocaine titulaire d'un titre de séjour (...), père de deux enfants mineurs nés d'une autre union (...) ne peut justifier d'une communauté de vie stable et durable en France avec sa concubine et (...) ne justifie d'aucun obstacle l'empêchant de mener une vie privée et familiale normale dans son pays d'origine où résident toujours ses deux enfants, sa mère et sa fratrie ", " qu'au surplus, il ne justifie ni de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, ni de conditions d'existence pérennes, ni même d'une insertion particulièrement forte dans la société française " et que l'intéressé, " qui présentait une promesse d'embauche en qualité d'aide maçon, ne justifie ni de la qualification ni de l'acquisition de l'expérience professionnelle lui permettant l'exercice de ce métier " ; que, ce faisant, le préfet a bien fait application, pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé, des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de la
Seine-Saint-Denis doit être écarté ;
5. Considérant, d'autre part, que si M. A...fait valoir qu'il est entré en France en 2009, qu'il est présent sur le sol français de façon continue depuis cette date, qu'il a été employé, sous une autre identité, d'abord en qualité d'agent de service au cours des années 2012-2013 puis en qualité de maçon depuis 2014, que son dernier employeur reconnaît l'avoir employé sous une autre identité et qu'il déclare ses revenus à l'administration fiscale, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, enfin, que la décision litigieuse n'est pas fondée sur l'absence de production par le requérant de ses bulletins de salaires, d'une demande d'autorisation de travail et de justificatifs relatifs à l'employeur qui a établi la promesse d'embauche ; qu'ainsi le moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet de la Seine-Saint-Denis manque en fait ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance (...) " ;
8. Considérant que M. A...fait valoir qu'il est entré en France en 2009 pour rejoindre son père, qu'il séjourne sur le sol français depuis cette date, qu'il entretient depuis 2011 une relation de concubinage avec une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2024 et que son père est décédé en 2014 ; que, toutefois, il ne justifie pas de l'ancienneté du concubinage allégué, avant l'année 2015, et ne conteste pas être père de deux enfants mineurs demeurant au... ; qu'ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
Sur la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus au I. (...) " ;
10. Considérant que si la notification d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire par voie postale et non par voie administrative, comme le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait obstacle à ce que le délai de recours contentieux de 48 heures soit opposable à l'intéressé, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle le préfet refuse d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de notification administrative de la décision portant refus de délai de départ volontaire est inopérant ; que, dans ces conditions, les premiers juges pouvaient s'abstenir d'y répondre sans entacher leur jugement d'irrégularité ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
11. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la rédaction applicable à la décision litigieuse : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;
12. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;
13. Considérant qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ; qu'elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans le préfet de la Seine-Saint-Denis qui a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à l'intéressé, a relevé que ce dernier, entré en France en février 2009, s'est maintenu sur le sol français depuis cette date, ne justifie ni de l'intensité, ni de l'ancienneté ni de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France et a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, résultant d'un arrêté du 9 mars 2012 ; qu'ainsi la motivation de la décision litigieuse est suffisante ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant entré en France en 2009 ne justifie pas de l'ancienneté, avant l'année 2015, de son concubinage allégué avec une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident, alors qu'il est père de deux enfants mineurs demeurant au Sénégalet qu'il a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré ; que, dans ces conditions, alors même que le comportement de M. A...ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation et n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
16. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
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N° 16VE01518