2°) d'annuler cette ordonnance ;
3°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 30 août 2018 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté d'éloignement est immédiatement exécutoire et qu'il n'existe aucun recours suspensif ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale, d'une part, à son droit de mener une vie privée et familiale normale dès lors que l'arrêté contesté ne tient pas compte de la communauté de vie établie du couple et de la contribution du requérant à l'entretien et à l'éducation des enfants résidant au sein du foyer et, d'autre part, à l'intérêt supérieur des enfants protégé par l'article 3-1 de la convention relative aux droits des enfants ainsi qu'à l'intérêt pour le jeuneC..., fils majeur de sa compagne, de bénéficier des soins indispensables à son état de santé ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle et est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Après avoir convoqué à une audience publique M. D...et le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 2 octobre 2018 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. D... ;
- les représentants de M.D... ;
- les représentantes du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 4 octobre 2018 à 15 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 4 octobre 2018 avant la clôture de l'instruction, présenté par M.D..., qui reprend les conclusions de sa requête ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 4 octobre 2018 avant la clôture de l'instruction, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
2. Par un arrêté du 30 août 2018, le préfet de Mayotte a obligé M.D..., ressortissant comorien né le 13 septembre 1989, à quitter sans délai le territoire français, a fixé l'Union des Comores comme pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Il l'a, le même jour, placé en rétention administrative en vue de son éloignement. Toutefois, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Mamoudzou a ordonné la mainlevée de la mesure de rétention administrative le 1er septembre 2018. M. D...relève appel de l'ordonnance du 2 septembre 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 30 août 2018.
Sur l'urgence :
3. Aux termes du 3° de l'article L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à Mayotte : " 3° L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office, si l'étranger a saisi le tribunal administratif d'une demande sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, avant que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d'une audience publique en application du deuxième alinéa de l'article L. 522-1 du même code, ni, si les parties ont été informées d'une telle audience, avant que le juge ait statué sur la demande ". Cet article prévoit en son dernier alinéa que n'est, en conséquence, pas applicable à Mayotte l'article L. 512-3 de ce code, en vertu duquel l'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office, si aucun délai n'a été accordé, avant que le tribunal administratif saisi d'une requête en annulation n'ait statué. Le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte ayant rejeté la demande de suspension formée par M.D..., sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, contre l'arrêté du 30 août 2018 l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant l'Union des Comores comme pays de destination et lui interdisant de retourner pendant un an sur le territoire français, les dispositions du 3° de l'article L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'opposent plus à ce que cet arrêté soit immédiatement exécuté, alors même qu'il résulte de l'instruction que le requérant en a demandé l'annulation par une requête pendante devant le tribunal administratif de Mayotte. Si le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, fait valoir les faibles perspectives d'exécution de l'arrêté du 30 août 2018 compte tenu du refus des autorités comoriennes, depuis le 21 mars 2018, d'accueillir sur leur territoire leurs ressortissants ayant fait l'objet d'arrêtés du préfet de Mayotte portant obligation de quitter le territoire français à destination de leur pays d'origine, cette circonstance ne prive pas, par elle-même, de son caractère exécutoire l'arrêté du 30 août 2018, qui demeure, dès lors qu'il résulte de l'instruction que toute reconduite à destination des Comores n'a pas cessé, susceptible d'être immédiatement exécuté à tout moment. Par suite, la condition d'urgence particulière exigée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative est, en l'état de l'instruction, satisfaite, en tant qu'il est fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français sans délai à destination de l'Union des Comores.
4. En revanche, dès lors que M. D...n'a pas encore été éloigné, cette condition ne peut être regardée comme satisfaite, à la date de la présente décision, en tant qu'il est interdit à l'intéressé de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a, dans cette mesure et pour ce motif, rejeté ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Sur l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :
5. Aux termes, d'une part, de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes, d'autre part, du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Il résulte de l'instruction et des nombreuses pièces produites par M. D... qu'il justifie de sa présence à Mayotte depuis au moins 2013, de ses démarches en vue de la régularisation de son séjour depuis 2015 et de sa vie commune depuis au moins depuis 2015 avec Mme B...A..., ressortissante comorienne vivant à Mayotte depuis 2001 et titulaire d'une carte de séjour temporaire " mention vie privée et familiale ", avec laquelle il a eu une fille, née le 27 septembre 2015 sur le territoire français, qu'il a reconnue et à l'entretien et à l'éducation de laquelle il contribue. Mme B...A...est également mère de quatre autres enfants, dont un enfant français et un jeune majeur handicapé, dans l'accompagnement duquel M. D...apparaît particulièrement investi, et s'est vue confier trois autres enfants privés de leurs parents. Mme B...A..., qui souffre d'une affection cardiaque et travaille à temps partiel, est actuellement enceinte d'un autre enfant, dont elle indique qu'il a été conçu avec M.D.... Il résulte en outre de l'instruction que M D... assume, dans le foyer qu'il constitue avec Mme A...et les enfants dont elle a la charge, les responsabilités d'un père et est d'ailleurs considéré comme tel par les établissements scolaires, sanitaires et sociaux qui accueillent les membres du foyer. Dans ces conditions, et dans la mesure où les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant font obligation à l'autorité administrative d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, il apparaît qu'en l'état de l'instruction, l'obligation faite à M. D...de quitter sans délai le territoire français à destination de l'Union des Comores porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de mener une vie privée et familiale normale, qui constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a, par l'ordonnance attaquée, rejeté ses conclusions tendant à la suspension de l'arrêté du 30 août 2018 en tant qu'il lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français et fixe l'Union des Comores comme pays de destination.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sans qu'il soit besoin d'admettre provisoirement M. D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. D...non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de l'arrêté du 30 août 2018 du préfet de Mayotte est suspendue en tant qu'il oblige M. D...à quitter sans délai le territoire français et fixe l'Union des Comores comme pays de destination.
Article 2 : L'Etat versera à M. D...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : L'ordonnance du 2 septembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D...est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.