- il existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées ;
- les dispositions litigieuses ne peuvent modifier le décret du 16 octobre 2020, qui a été abrogé par l'article 55 du décret du 29 octobre 2020 ;
- elles sont entachées d'incompétence dès lors que, d'une part, aucune disposition du code de la santé publique n'autorise le Premier ministre à réglementer le déplacement des ressortissants français résidant à l'étranger vers le territoire métropolitain et, d'autre part, de telles mesures restrictives de liberté doivent être prévues par la loi, en application de l'article 34 de la Constitution ;
- elles méconnaissent le principe d'égalité entre citoyens français et sont disproportionnées dès lors que, d'une part, les ressortissants français venant de certains pays de l'Union européenne, pourtant davantage touchés par l'épidémie que des pays situés en dehors de l'Union européenne, peuvent entrer en France en effectuant un simple test PCR et, d'autre part, l'interdiction faite aux ressortissants français de rentrer en France ne repose pas sur des critères objectifs tels qu'une distinction entre les pays à circulation active du virus et les autres ;
- elles sont arbitraires, dès lors qu'aucun critère n'encadre les " motifs impérieux " mentionnés par le décret, qui peuvent évoluer selon le bon vouloir des autorités ;
- elles portent atteinte à la liberté d'aller et venir et au droit de mener une vie familiale normale et violent le protocole n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le décret n° 2021-99 du 30 janvier 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'office du juge des référés :
1. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "
2. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1 et L. 521-1 du code de justice administrative que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
Sur le cadre juridique du litige :
3. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...) ". Aux termes de l'article L. 3131-15 du même code : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / (...) 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes (...). " Ces mesures " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. "
4. Par un décret du 14 octobre dernier, pris sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, le Président de la République a déclaré l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. Les 16 et 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, deux décrets prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. M. A... demande la suspension du décret du 30 janvier 2021 modifiant les décrets des 16 et 29 octobre 2020, en tant qu'il soumet l'entrée sur le territoire métropolitain des ressortissants français présents dans un " pays étranger autre que ceux de l'Union européenne, Andorre, l'Islande, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, Saint-Marin, le Saint-Siège ou la Suisse " à la justification, par tout " document ", d'un " motif impérieux d'ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l'urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé ".
Sur la demande en référé :
5. M. A..., citoyen français qui réside au Maroc, fait valoir que sa fille en bas âge a fait l'objet d'une évacuation sanitaire vers la France en novembre 2019 et qu'elle est désormais obligée d'effectuer de fréquents séjours en France. Il soutient que, sa famille étant amenée à circuler entre les deux pays, et du fait de cette séparation géographique, les interdictions vont l'empêcher d'avoir une vie familiale normale, vie familiale déjà très perturbée par le confinement de mars 2020 et les fermetures des frontières associées, qui l'ont empêché de voir sa fille et son épouse durant cette période. M. A... indique en outre que ses deux enfants mineurs, résidents au Maroc, doivent le 13 février 2021 rejoindre leur mère en France pour la période des vacances scolaires.
6. Un ressortissant français, mineur, qui doit rejoindre son père ou sa mère en France, doit être regardé comme justifiant d'un motif impérieux d'ordre familial qui fait obstacle à ce que lui soient opposées les dispositions du décret dont la suspension est demandée. Conformément à ces dispositions, il appartient seulement au titulaire de l'autorité parentale de produire, avant l'embarquement, une déclaration sur l'honneur du motif de leur déplacement, accompagnée de tout document permettant d'en justifier, sans qu'y puisse faire obstacle la liste des motifs, purement indicative, fournie à cet égard par le ministère de l'intérieur.
7. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve qu'il justifie par tout document de ce que ses enfants mineurs vont bien rejoindre leur mère, M. A... et ses enfants ne peuvent se voir opposer les dispositions du décret dont la suspension est demandée. Par suite, dans l'attente du jugement de la requête au fond de M. A..., il n'y a pas d'urgence à ce que l'exécution du décret du 30 janvier 2021 soit suspendue. La demande de M. A... ne peut par suite qu'être rejetée.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera adressée au ministre de la santé et des solidarités et au ministre de l'intérieur.