Résumé de la décision
Le Conseil d'État a été saisi de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) concernant la validité de l'article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure, qui exclut certaines mesures de surveillance des opérateurs de transmissions hertziennes des dispositifs de contrôle. Dans le cadre de ce processus, des associations ont contesté la conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution. Le Conseil d'État a décidé de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel, estimant qu'il y a lieu de vérifier la constitutionnalité des dispositions en question, surtout en ce qui concerne leur impact sur le respect de la vie privée et le droit au recours effectif. En conséquence, il a sursis à statuer sur les requêtes jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait rendu sa décision.
Arguments pertinents
1. Recevabilité de la QPC : Le Conseil d'État a rejeté la fin de non-recevoir formulée par le ministre de la justice, qui soutenait que la QPC était irrecevable car présentée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir qui ne serait pas fondé sur un intérêt à agir. Le Conseil a affirmé que le fait de soulever une QPC ne conditionne pas la décision sur la recevabilité de la requête initiale. Cette notion est renforcée par l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, qui stipule que "Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat."
2. Seriété de la question soulevée : Le Conseil d'État a considéré que les dispositions de l'article L. 811-5 - "qui soustraient la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne à tout dispositif d'encadrement et de contrôle" - peuvent être interprétées comme une méconnaissance du droit au respect de la vie privée, garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que le droit au recours effectif prévu à l'article 16 de cette même Déclaration. Cette absence de contrôle pourrait constituer une atteinte sérieuse aux droits fondamentaux.
Interprétations et citations légales
1. Article 23-5 de l’Ordonnance n° 58-1067 : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat. » Cette disposition permet au Conseil d’État d'examiner une question prioritaire de constitutionnalité à laquelle il n’est pas nécessaire de répondre préalablement à la question de recevabilité.
2. Article L. 811-5 du Code de la sécurité intérieure : « Les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne ne sont pas soumises aux dispositions du présent livre, ni à celles de la sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale. » Les interprétations possibles montrent que cette exclusion pourrait empêcher tout contrôle judicaire des mesures affectant la vie privée des individus, ce qui est en contradiction avec les principes de protection des droits fondamentaux.
3. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : Articles 2, 4 et 16 qui garantissent respectivement le droit à la vie, la sécurité, et le droit au recours effectif. Ces protections soulignent l'importance d'un cadre légal permettant de s'assurer que les libertés individuelles ne sont pas compromises par des mesures de sécurité.
En conclusion, la décision du Conseil d'État de renvoyer la question de la constitutionnalité de ces dispositions souligne les tensions entre les impératifs de sécurité nationale et le respect des droits fondamentaux, un thème récurrent dans le droit administratif et constitutionnel moderne.