Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;
- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;
- le décret n° 2019-508 du 24 mai 2019 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'Union nationale des syndicats CGT SPIP, dite la CGT Insertion et Probation, demande l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 27 mai 2019 relative à la présentation des dispositions relatives à la liberté sous contrainte instituée par la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice et du décret du 24 mai 2019 pris pour son application.
Sur la légalité externe de la circulaire :
2. L'article 34 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat dispose que : " Les comités techniques sont consultés, dans les conditions et les limites précisées pour chaque catégorie de comité par les articles 35 et 36 sur les questions et projets de textes relatifs : 1° A l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ; (...) / 4° Aux évolutions technologiques et de méthodes de travail des administrations, établissements ou services et à leur incidence sur les personnels ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 3 juin 2014 portant création des comités techniques dans les services relevant de la direction de l'administration pénitentiaire : " Il est institué auprès du directeur de l'administration pénitentiaire un comité technique spécial dénommé comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation, en application de l'article 9 du décret du 15 février 2011. / Le comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation est compétent dans les matières et conditions fixées par les articles 34 et 35 du décret du 15 févier 2011 susvisé pour les questions collectives intéressant l'organisation et le fonctionnement des services pénitentiaires d'insertion et de probation ". Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que le comité technique du ministère de la justice ou le comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation devaient être consultés, préalablement à sa diffusion, sur la circulaire attaquée, qui n'a pour objet que d'expliciter l'état du droit. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.
3. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la circulaire attaquée a été publiée sous le numéro NOR JUSD1915420C au bulletin officiel du ministère de la justice complémentaire n° 2009-06 du 12 juin 2019. Le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas été régulièrement publiée doit donc, en tout état de cause, être également écarté.
Sur la légalité interne de la circulaire :
4. Aux termes de l'article D. 460 du code de procédure pénale : " Auprès de chaque établissement pénitentiaire, le service pénitentiaire d'insertion et de probation a pour mission de participer à la prévention des effets désocialisants de l'emprisonnement sur les détenus, de favoriser le maintien des liens sociaux et familiaux et de les aider à préparer leur réinsertion sociale.(...) ". Aux termes de l'article D. 461 du même code : " Le service pénitentiaire d'insertion et de probation est chargé de rechercher les moyens propres à favoriser l'individualisation de la situation pénale des détenus, notamment dans le cadre des orientations données par le juge de l'application des peines. / Chaque fois que la demande leur en est faite ou à leur initiative, les travailleurs sociaux du service pénitentiaire d'insertion et de probation fournissent à l'autorité judiciaire et aux services de l'administration pénitentiaire les éléments permettant de mieux individualiser l'exécution de la mesure privative de liberté de chaque détenu ; ils élaborent notamment des avis ou rapports sur les détenus provisoires ou ceux dont la situation pénale est examinée en commission de l'application des peines. ". Enfin, aux termes de l'article D. 478 du même code : " Le service public pénitentiaire doit permettre à la personne détenue de préparer sa sortie dans les meilleures conditions, que ce soit en fin de peine ou dans le cadre d'une mesure d'aménagement de peine. (...) ".
5. En premier lieu, l'article D. 147-17 du code de procédure pénale dispose que : " Lorsqu'une personne condamnée exécute une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à cinq ans, l'administration pénitentiaire doit, au moins un mois avant que la durée de la peine accomplie soit égale au double de la durée de la peine restant à subir, ou, si la peine est inférieure ou égale à six mois, lors de sa mise sous écrou ou lorsque sa peine devient définitive, informer la personne qu'elle est susceptible de bénéficier d'une libération sous contrainte, sauf si elle s'y oppose, en lui faisant part, s'il y a lieu, de l'intérêt et de la faisabilité d'une telle mesure ". En rappelant la teneur de ces dispositions et en précisant que, pour leur application, il incombe à l'administration pénitentiaire d'informer la personne détenue, lors d'un entretien individuel, qu'elle est susceptible de bénéficier d'une libération sous contrainte et de lui présenter l'intérêt d'une telle mesure, la circulaire attaquée ne méconnaît pas les dispositions citées au point 4, mais vise au contraire à garantir que, conformément à ces dispositions, l'administration pénitentiaire permet à chaque personne détenue d'accéder à ses droits et de préparer sa sortie dans les meilleures conditions. Les recommandations relatives à la conduite des entretiens individuels donnant lieu à cette information sont dénuées de caractère impératif et ne méconnaissent pas non plus le sens ni la portée de ces dispositions. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles D. 147-17, D. 460, D. 461 et D. 478 du code de procédure pénale ne peut donc qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, l'article D. 147-17-2 du code de procédure pénale dispose que : " Si la personne n'a pas indiqué qu'elle refusait cette mesure, le service pénitentiaire d'insertion et de probation transmet en temps utile au juge de l'application des peines, avant la réunion de la commission de l'application des peines au cours de laquelle la situation de cette personne doit être examinée, son avis sur les éventuelles impossibilités à mettre en oeuvre une des mesures au regard des exigences de l'article 707 ". En se bornant à préciser que l'avis prévu par ces dispositions devait prendre la forme d'un rapport écrit établi par le service d'insertion et de probation à l'issue des entretiens menés avec la personne détenue et qu'il fallait utiliser " la trame spécifique à la libération sous contrainte ", la garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas entaché la circulaire attaquée d'illégalité.
7. Par ailleurs, aux termes de l'article D. 581 du code de procédure pénale : " Les membres du service pénitentiaire d'insertion et de probation sont tenus au secret professionnel dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal. / Chaque fois que la demande leur en est faite ou à leur initiative, ils fournissent à l'autorité judiciaire ou aux services de l'administration pénitentiaire les éléments permettant de mieux individualiser la situation des personnes placées sous main de justice. / Dans le cadre de l'exécution des mesures visées à l'article D. 574, les membres du service pénitentiaire d'insertion et de probation ne peuvent opposer le secret professionnel aux autorités judiciaires, sauf pour les renseignements recueillis par voie de confidences auprès des personnes prises en charge. ". En outre, l'article D. 155 du même code prévoit la constitution au greffe pénitentiaire, pour chaque détenu, d'un dossier individuel comportant quatre parties, la troisième étant réservée, en vertu de l'article D. 162 du même code, au service pénitentiaire d'insertion et de probation. La transmission au greffe pénitentiaire du rapport mentionné au point 8, avant la tenue de la commission de l'application des peines, afin que le greffe le verse au dossier individuel de l'intéressé et le communique au juge de l'application des peines, n'a ni pour objet, ni pour effet de permettre aux agents du greffe de prendre connaissance de ce rapport et ne méconnaît pas, par elle-même, le secret professionnel auquel sont soumis les membres du service pénitentiaire d'insertion et de probation. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article D. 581 du code de procédure pénale ne peut donc qu'être écarté.
8. En troisième lieu, l'article D. 147-17-5 du code de procédure pénale dispose que : " le service pénitentiaire d'insertion et de probation situé dans le ressort de l'établissement pénitentiaire où est incarcérée la personne faisant l'objet d'une libération sous contrainte remet ou fait remettre à celle-ci, au plus tard le jour de sa libération, un avis de convocation à comparaître devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation territorialement compétent pour la suivre après sa sortie. / Le délai maximal de comparution est de cinq jours ouvrables à compter de la sortie de la personne ".
9. En confiant le suivi des personnes libérées sous contrainte au service pénitentiaire d'insertion et de probation territorialement compétent et en prévoyant qu'un premier entretien est réalisé dans les cinq jours ouvrables suivant la libération du détenu, la circulaire attaquée ne fait que rappeler la teneur des dispositions précitées de l'article D. 147-17-5 du code de procédure pénale. Elle ne méconnaît pas non plus le sens ni la portée de ces dispositions en préconisant, à titre de recommandation, que la personne placée en libération sous contrainte puisse, dès le premier entretien, être reçue par le conseiller d'insertion et de probation référent de la mesure en milieu ouvert. Le moyen tiré de ce qu'elle ferait ainsi peser une charge excessive sur le service pénitentiaire d'insertion et de probation ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice, que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la circulaire attaquée.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la CGT Insertion Probation est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des syndicats CGT SPIP, dite la CGT Insertion et Probation, au garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.