3°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, à l'exception de son article 1er ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les requérantes soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard à la gravité de l'atteinte portée aux libertés fondamentales ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- il est entaché d'illégalité dès lors que la stratégie retenue par le gouvernement pour faire face à l'épidémie, consistant en des mesures particulièrement draconiennes, d'une part, procède d'une méthode qui méconnaît les principes de liberté et de protection de la santé humaine et, d'autre part, n'est pas celle prioritairement préconisée par le conseil scientifique ;
- le conseil scientifique a manqué à son devoir d'impartialité dès lors qu'il a manipulé le contenu de son rapport afin d'appuyer l'option la plus stricte ;
- le décret contesté méconnaît le principe de proportionnalité dès lors, d'une part, que des mesures moins attentatoires aux libertés sont susceptibles d'être mises en oeuvre et, d'autre part, que doivent être pris en compte la diversité des situations sanitaires entre régions ainsi que l'impact économique du confinement ;
- l'exercice d'une activité économique ou d'une activité sportive de plein air dans le respect des gestes barrières et des règles de distanciation physique est possible ;
- le décret contesté méconnaît le principe d'égalité entre les commerces dès lors que les critères qui imposent la fermeture de certains d'entre eux et permettent aux autres de rester ouverts ne sont pas objectif et rationnel ;
- les mesures gouvernementales imposées sur le territoire français sont plus sévères que celles mises en place dans les autres Etats européens, sans pour autant être plus efficaces ;
- la demande tendant à ce que la Cour de justice de l'Union européenne et la Cour européenne des droits de l'homme soient saisies est justifiée eu égard, d'une part, au caractère paneuropéen de l'épidémie et, d'autre part, au partage des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres tel qu'il résulte des traités ;
- les juridictions européennes doivent être interrogées aux fins de définir la marge de manoeuvre des Etats en matière de gestion d'une pandémie.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1454 du 27 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant que :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
Sur le cadre du litige :
2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19: " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code, précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Enfin, il résulte de l'article L. 3131-15 du même code que " dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique " prendre un certain nombre de mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, activités et réunions " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ".
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus a créé un régime d'état d'urgence sanitaire aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique et déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020, a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.
4. Une nouvelle progression de l'épidémie a conduit le Président de la République à prendre, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, le décret du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence à compter du 17 octobre à 00 heure sur l'ensemble du territoire national. Le 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, un décret prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. En vertu de l'article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, l'état d'urgence sanitaire a été prorogé jusqu'au 16 février 2021 inclus. Toutefois, l'évolution de la situation sanitaire a conduit le Premier ministre à procéder, par un décret du 27 novembre 2020, à un assouplissement des mesures précédemment prises.
5. Il résulte des données scientifiques publiées qu'à la date du 29 novembre 2020, 2 218 483 cas ont été confirmés positifs au virus covid-19, le taux de positivité des tests est situé à 11,1 % et 52 235 décès sont à déplorer. Enfin, le taux d'occupation des lits en réanimation par des patients atteints de la covid-19 demeure à un niveau élevé avec une moyenne nationale de 71 %, mettant sous tension l'ensemble du système de santé et rendant nécessaire des transferts de patients entre régions et avec des pays voisins ainsi que des déprogrammations d'hospitalisations non urgentes.
Sur les demandes en référés :
6. Les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de surseoir à statuer aux fins de transmettre des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne et à la Cour européenne des droits de l'homme et, en tout état de cause, d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.
7. Il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 précité du code de justice administrative que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
8. Pour justifier de l'urgence à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de leur requête, Mme B... et la société Profil CS se bornent à évoquer la gravité de l'atteinte portée aux libertés par les dispositions du décret contesté du 29 octobre 2020.
9. Eu égard, en premier lieu, à la gravité de la situation sanitaire au vu de laquelle le Président de la République a déclaré l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020 et qui a conduit le Premier ministre à adopter, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret contesté du 29 octobre 2020, en deuxième lieu, à l'intérêt public qui s'attache à l'exécution de ce décret, dans un contexte de persistance de l'épidémie et de mise en tension des structures hospitalières, et, en dernier lieu, à la conciliation nécessaire entre les droits et libertés et l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne saurait être regardée comme satisfaite.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de renvoyer les questions préjudicielles formulées ni de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté, que la requête doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme B... et de la société Profil CS est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B..., première requérante dénommée.