3°) d'autoriser, sous réserve d'une obligation de respecter le protocole sanitaire, à peine de fermeture administrative, l'ouverture des établissements recevant du public visés au chapitres 3 à 6 du titre IV du décret contesté pour lesquels le risque de contamination, du fait de l'application du protocole sanitaire, n'est pas avéré, le cas échéant en fixant un nombre limite pour les groupes de personnes, et de modifier en conséquence l'article 4-1 du décret contesté ;
4°) d'effectuer toute diligence permettant de déterminer les modes et lieux de contamination des personnes à risque, en particulier celles âgées de plus de 60 ans, afin de pouvoir décider de mesures plus ciblées.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie eu égard à l'ampleur des atteintes aux libertés portées par la mesure contestée à l'entrée en vigueur immédiate de cette mesure et à sa durée d'application ;
- il est porté une atteinte grave au droit de chacun au respect de sa liberté personnelle, à la liberté d'aller et venir, au droit à la vie privée et familiale et au droit à la protection de la santé ;
- cette atteinte est manifestement illégale en ce qu'elle n'est ni nécessaire, ni adéquate, ni proportionnée, dès lors que les mesures prises s'imposent à l'ensemble de la population et non aux personnes de plus de 60 ans qui sont les plus exposées au risque. Il existe des mesures plus efficaces et moins attentatoires aux libertés telle l'instauration d'une " bulle sociale " protectrice autour des personnes de plus de 60 ans, associée à la mise en oeuvre des dix propositions formulées par le conseil scientifique dans son avis du 26 octobre 2020. Aucune donnée, en outre, ne permet de considérer que les contaminations aient lieu dans les établissements recevant du public de proximité ;
- l'application des mesures restrictives de liberté à l'ensemble de la population a pour conséquence une dégradation de l'économie déjà bouleversée, l'aggravation du déficit public, qui obère le bon fonctionnement futur de l'Etat ainsi que sa capacité d'investissement et porte atteinte à la santé, notamment mentale, des français ainsi que qu'à leur avenir en termes d'emploi et de revenus ;
- il est porté une atteinte grave au principe d'égalité dès lors que la mesure contestée crée de nombreuses différences de traitement, entre les individus et entre les entreprises ;
- cette atteinte est manifestement illégale dès lors qu'elle est disproportionnée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment, son préambule ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1331 du 2 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre du litige :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction, ni audience, lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Aux termes de l'article L. 3131-15 du même code : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique " prendre un certain nombre de mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, activités et réunions, notamment " Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé (...) / Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité " à condition d'être " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ".
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé, puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020 a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.
4. Une nouvelle progression de l'épidémie au cours des mois de septembre et d'octobre dont le rythme n'a cessé de s'accélérer au cours de cette période, a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre dernier, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. Par un décret du 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, un décret prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
5. Monsieur A... B... présente au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 précité, des conclusions qui doivent être interprétées comme tendant, en premier lieu, à mettre en cause certaines dispositions du décret du 29 octobre 2020, en tant d'une part, qu'elles portent atteinte aux libertés publiques et au droit à la santé et, d'autre part, qu'elles sont applicables à l'ensemble de la population et comme tendant, en second lieu, à enjoindre au Premier ministre de prendre diverses mesures pour lutter contre l'épidémie de covid-19.
Sur les conclusions tendant à ce que soit remis en cause le dispositif de lutte contre le virus :
6. Il est constant que la circulation du virus sur le territoire métropolitain s'est fortement amplifiée au cours des dernières semaines malgré les mesures prises conduisant à une situation particulièrement dangereuse pour la santé de l'ensemble de la population française. Ainsi, au 1er novembre 2020, plus de 1.4000.000 cas ont été confirmés positifs à la covid-19, en augmentation de près de 50.000 dans les dernières vingt-quatre heures, le taux d'incidence national étant de 438 cas pour 100.000 habitants contre 246 au 20 octobre et 118 au 28 septembre, le taux de positivité des tests effectués étant de 20,4 % au 1er novembre contre 13,2 % au 18 octobre et 9 % au 28 septembre, et 38.289 décès de la covid-19 sont à déplorer au 3 novembre 2020, en hausse de 430 cas en vingt-quatre heures. Enfin, le taux d'occupation des lits en réanimation par des patients atteints de la covid-19 - dont 40% ont moins de 65 ans- est passé de 43 % au 20 octobre à près de 70 % au 1er novembre, mettant sous tension l'ensemble du système de santé. Cette évolution particulièrement inquiétante de la propagation du virus sur l'ensemble du territoire national s'est encore accélérée au cours des dernières semaines et des derniers jours du mois d'octobre, malgré les mesures de police sanitaire prises en fonction de la situation sanitaire de chaque territoire.
7. Pour faire face à cette situation d'urgence, le gouvernement, en prenant les mesures détaillées par le décret du 29 octobre 2020, a fait le choix d'une politique qui cherche à casser la dynamique actuelle de progression du virus par la stricte limitation des déplacements de personnes hors de leur domicile. A cette fin, il a, à l'article 4 du décret, interdit tout déplacement des personnes hors de leur lieu de résidence et fixé une liste limitative des exceptions à cette interdiction au profit des déplacements à destination ou en provenance du lieu d'exercice ou de recherche d'une activité professionnelle et des déplacements professionnels ne pouvant être différés ; des déplacements à destination ou en provenance des établissements ou services d'accueil des mineurs, d'enseignement ou de formation pour adultes ; des déplacements pour effectuer les achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle, des achats de première nécessité, de retrait de commandes et de livraisons ; des déplacements pour effectuer des consultations, examens et soins médicaux ne pouvant être assurés à distance ou pour l'achat de médicaments ; des déplacements pour motif familial impérieux, pour l'assistance aux personnes vulnérables et précaires, pour la garde d'enfants et les déménagements ; des déplacements des personnes en situation de handicap et leur accompagnant ; des déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile liés notamment à l'activité physique individuelle des personnes ; des déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit pour une démarche qui ne peut être réalisée à distance ; des déplacements pour participer à des missions d'intérêt général sur demande de l'autorité administrative. De même par les dispositions des chapitres 3 à 6 du titre IV du décret litigieux, il a réglementé ou interdit l'accès du public dans les commerces, restaurants, débits de boisson, lieux d'hébergements, ainsi que dans les établissements sportifs, culturels, de loisir et de culte, tout en maintenant le fonctionnement des services publics, notamment ceux de l'éducation nationale et autorisé s'agissant des magasins de vente, l'ouverture au public pour la vente de produits de première nécessité, tout en maintenant la possibilité, pour les autres produits, de recourir à la vente à distance avec livraison à domicile ou retrait de commandes.
8. Eu égard à l'aggravation de la propagation de l'épidémie sur l'ensemble du territoire encore accélérée au cours des jours précédant le décret du 29 octobre 2020, aux prérogatives que l'article L. 3131-15 du code de la santé publique confie au Premier ministre en période d'état d'urgence sanitaire, à l'objectif de casser la propagation du virus en diminuant autant que possible les déplacements de personnes, afin de limiter les interactions sociales à l'occasion desquelles la propagation du virus est facilitée, notamment dans les lieux recevant du public, ainsi qu'aux exceptions à cette interdiction générale que le décret a prévu, les moyens tirés de ce que les mesures de confinement prises par le décret contesté porteraient une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir ainsi qu'au droit au respect de la vie privée et familiale doivent être écartés. Il en est de même, au regard des mêmes considérations, des moyens tirés de ce que ces mesures de confinement violeraient le principe d'égalité en ce qu'elles ne traitent pas différemment les individus selon leur âge et les conséquences différentes des mesures de confinement sur les personnes et les entreprises et ne seraient enfin ni adaptées, ni proportionnées eu égard à leur coût économique, budgétaire et social à l'objectif de protection de la santé publique.
9. Si le requérant fait également valoir que les mesures de confinement, en restreignant à l'extrême les relations sociales, mettent en danger la santé de personnes, notamment celle des personnes âgées, des dispositifs spécifiques de suivi de cette question ont été mis en place par l'administration, notamment une plateforme téléphonique dédiée organisée par le ministère chargé de la santé et fonctionnant tous les jours et 24 heures sur 24 ; en outre, le décret autorise les déplacements pour effectuer des consultations, examens et soins ne pouvant être assurés à distance ainsi que les déplacements pour motif familial impérieux ou pour assistance aux personnes vulnérables ; enfin, les pouvoirs publics ont prévu de procéder de manière régulière à un bilan spécifique de cette question au regard de la situation de confinement et en lien avec les institutions compétentes ainsi qu'avec le comité scientifique qui a déjà émis plusieurs avis sur ce sujet, notamment à la lumière du confinement du printemps 2020. Par suite, le moyen tiré de ce que les mesures en cause porteraient une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la santé doit être écarté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Il résulte, en premier lieu, de ce qui est dit aux points 6 à 9 que les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit fait injonction au Premier ministre de limiter le champ d'application de l'article 4 du décret du 29 octobre 2020 aux personnes de plus de soixante ans ne tenant pas de commerce, d'ouvrir les établissements recevant du public pour lesquels le risque de contamination n'est pas avéré et de modifier en conséquence l'article 4-1 relatif aux activités professionnelles exercées au domicile du client, ainsi que de faire effectuer diverses études sur les modes et lieux de contamination des personnes à risques, afin de pouvoir décider de mesures plus adaptées à la lutte contre la pandémie, doivent être rejetées.
11. Il résulte, en second lieu, des dispositions de l'article L. 3131-19 du code de la santé publique que sont rendus publics les avis du comité de scientifiques, dont le maintien en fonction à l'issue de la précédente période d'état d'urgence sanitaire résulte des dispositions du VI de l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Il ne résulte pas cependant de ces mêmes dispositions que le gouvernement soit lié par ces avis dans les décisions qu'il prend. Si, dans son avis du 26 octobre 2020, le comité scientifique a émis diverses propositions " pour instaurer un environnement bienveillant tout en limitant les contacts à risque " à destination des personnes de plus de soixante ans qui ne figurent pas dans le décret litigieux, cette circonstance n'est pas par elle-même de nature à faire regarder les mesures de confinement édictées comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Par suite et en tout état de cause, les conclusions tendant ce qu'il soit enjoint au Premier ministre de mettre en oeuvre ces propositions ne peuvent qu'être rejetées.
12. Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que la requête de M. B... est manifestement mal fondée et ne peut qu'être rejetée, sans même qu'il soit nécessaire de statuer sur l'urgence, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M A... B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.