Elle soutient que :
- l'instruction contestée est un acte susceptible de recours ;
- elle justifie, au regard de son objet statutaire, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, d'une part, que la protection du bien-être animal, qui figure au nombre des intérêts publics, est reconnue non seulement par le droit de l'Union mais également par le droit national et que la protection des animaux est au nombre des intérêts qu'elle défend et, d'autre part, que l'instruction en litige qui permet l'abattage de volailles sans immobilisation mais seulement après un étourdissement non conforme aux paramètres essentiels prescrits par le règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, induit un risque pour la santé des animaux et leur bien-être de nature à caractériser une situation d'urgence ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'instruction contestée ;
- l'instruction technique contestée autorise une nouvelle modalité d'abattage pour les volailles non conforme au règlement européen ;
- le directeur général de l'alimentation n'était pas compétent pour édicter ces nouvelles modalités d'abattage des animaux non prévues par le règlement européen et le code rural et de la pêche maritime ;
- elle omet, dans le tableau des infractions aux règles d'abattage, le délit de mauvais traitement sur animaux d'abattoirs, prévu à l'article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er et 17 février 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens soulevés n'est susceptible de caractériser un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 ;
- le règlement (UE) n° 2017/625 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions administratives, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction serait fixée le 17 février 2021 à 12 heures.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
2. L'instruction technique du 23 novembre 2011 du directeur général de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation qui a pour objet les " contrôles officiels relatifs à la protection animale en établissement d'abattage de volailles au moment de leur mise à mort ", indique en préambule que : " Les différentes pratiques d'abattage des volailles entraînent des difficultés d'interprétation tant dans les attendus concernant la perte de conscience des animaux que dans la conduite à tenir en cas de constat de non-conformité. L'évaluation de la maîtrise du process en lien avec la protection animale nécessite d'être harmonisée en fixant des critères fiables et pouvant être partagés par les services vétérinaires d'inspection (SVI) et les professionnels. C'est l'objet de la présente instruction, qui s'applique à tous les types d'abattage (conventionnel et rituel) et à toutes les méthodes d'étourdissement ".
3. L'association uvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA) conteste, en premier lieu, le chapitre II de l'instruction technique, relatif aux types d'abattage entrant dans le champ de la dérogation à l'obligation d'étourdissement et, plus particulièrement, son II.3 concernant l'abattage avec étourdissement dès lors qu'il ne prévoit pas l'immobilisation individuelle des animaux et prévoit, pour l'étourdissement par bain d'eau, l'usage de paramètres essentiels inférieurs à ceux prescrits par le règlement (CE) du Conseil n° 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort. Elle conteste, en second lieu, l'annexe IV de cette instruction en tant qu'elle omet, dans le tableau des infractions aux règles d'abattage, le délit de mauvais traitement sur animaux d'abattoirs, prévu à l'article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime.
4. En premier lieu, s'agissant de la possibilité de pratiquer un étourdissement réversible, que l'association requérante qualifie de " léger ", c'est-à-dire correspondant à l'utilisation de paramètres électriques essentiels inférieurs à ceux prescrits, pour l'étourdissement électrique des volailles par bain d'eau, par le règlement (CE) n° 1099/2009 précité, l'association requérante fait valoir, en substance, qu'en permettant l'abattage de volailles avec des paramètres électriques qui ne peuvent être regardés comme propres à assurer l'efficacité de l'étourdissement et sans que ne soit exigée la mise en oeuvre d'autres moyens de limitation de la souffrance animale, telle que l'immobilisation individuelle des volailles après étourdissement, cette instruction induit un risque pour la santé des animaux et leur bien-être de nature à caractériser une situation d'urgence.
5. L'instruction technique, après avoir rappelé que le règlement (CE) n° 1099/2009 précité, comme le droit national, permet que l'abattage rituel ait lieu sans étourdissement, indique au début de son chapitre II que : " Deux situations peuvent conduire les abattoirs à déroger aux exigences du règlement (CE) n° 1099/2009 quant à l'étourdissement des animaux lors de leur mise à mort : / - la mise à mort des volailles pratiquée sans étourdissement ; / - la mise à mort des volailles après étourdissement réalisé en utilisant des paramètres essentiels inférieurs à ceux prescrits par le règlement (CE) n° 1099/2009, notamment les paramètres électriques ". Pour le premier cas de l'abattage sans étourdissement, le II.2 de l'instruction technique précise les conditions d'une immobilisation obligatoire des volailles individuellement, préalablement à la saignée et jusqu'à leur perte de conscience. Pour le second cas de l'abattage avec étourdissement par la technique du bain d'eau, dispensé du respect des prescriptions du règlement précité, elle indique au II.3.1 que : " Il est possible, dans le cadre de la dérogation à l'obligation d'étourdissement, d'utiliser des paramètres électriques inférieurs à ceux prescrits par le règlement (CE) n° 1099/2009. S'agissant d'un étourdissement, la perte de conscience de tous les animaux doit être effective et contrôlée dès la sortie du dispositif d'étourdissement et jusqu'à la mort de l'animal ". Elle ajoute au II.3.2, pour ce mode spécifique d'étourdissement non létal mais réversible, qu'au stade de la saignée : " La durée de la perte de conscience étant diminuée du fait de l'application de paramètres électriques inférieurs, le délai entre la fin de l'étourdissement (la sortie du bain d'eau) et la saignée devra être maîtrisé de sorte que l'inconscience soit maintenue jusqu'à la mort de l'animal. Ce dernier point est particulièrement important à vérifier dans le cas des chaînes d'abattage comportant plusieurs opérateurs en charge de la saignée. L'exploitant devra prendre en compte dans ses MON [modes opératoires normalisés] le délai le plus long entre la fin de l'étourdissement et le dernier poste de saignée ". Elle impose, dès lors, au II.3.3, que : " Le contrôle de la perte de conscience doit être réalisé aux deux étapes suivantes : / - Entre la fin de l'étourdissement et la saignée : (...) / Toutes les volailles ayant subi un étourdissement doivent être inconscientes au moment de la saignée, même sous dérogation. / (...) / - En cours de saignée : (...) ". L'instruction rappelle, ainsi, que toute pratique de l'étourdissement est soumise à l'obligation de résultat portant sur la perte de conscience et de sensibilité de l'animal, tout particulièrement au moment de la saignée, " même sous dérogation ", et précise " Toutefois, compte-tenu notamment de variabilités entre individus, et des limites inhérentes au matériel et à la méthode, la reprise de conscience d'animaux en cours de saignée pourrait être observée mais devra rester maîtrisée ". Elle renvoie, en outre, aux dispositions détaillées de son chapitre IV qui traite de l'" évaluation de la perte de conscience et de l'absence de vie " et à une méthodologie de constatation des facteurs de l'état de conscience ou de l'absence de signes de vie figurant à son annexe II. Enfin, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation se réfère, en défense, aux conclusions qui ne sont pas sérieusement contestées d'une étude menée par le bureau d'études spécialisé " ETRE ", présenté comme étant " à l'origine de nombreuses publications scientifiques dans le domaine de la protection animale ". Ces conclusions font apparaître, au regard des résultats obtenus en utilisant, pour l'abattage des volailles, certains des paramètres électriques d'étourdissement avec des valeurs inférieures à celles prévues pour la fréquence maximale et le courant minimal par l'annexe I (point 6.3) du règlement (CE) n° 1099/2009, que " les taux de réussite de l'étourdissement restent, pour la majorité des lots, égaux à 90 % et ne sont jamais, dans les cas minoritaires, inférieurs à 75 % ", par rapport à ceux obtenus avec des paramètres électriques conformes aux valeurs prévues par cette annexe I.
6. Il s'ensuit que, quoi qu'il puisse en être de sa légalité, l'instruction technique contestée tend notamment à encadrer les conditions du recours volontaire aux pratiques d'étourdissement préalablement aux abattages prescrits par des rites religieux et, ainsi, à offrir, dans tous les cas, les conditions qui permettent de s'assurer, compte tenu des objectifs et valeurs du droit de l'Union, que les volailles soient mises à mort, sous des contrôles appropriés, dans les meilleures conditions techniques existantes et avec pour finalité d'atténuer autant que possible la douleur, la détresse, la peur ou les autres formes de souffrance que peut provoquer la mise à mort des animaux.
7. L'association requérante se prévaut de manière générale de la violation par les dispositions contestées de l'instruction technique des obligations du règlement (CE) n° 1099/2009 précité en termes d'étourdissement réversible ou d'immobilisation, pour en déduire une atteinte effective à la protection du bien-être animal au moment de la mise à mort en abattoir. Elle fait également état des conclusions du rapport final d'audit effectué en France du 8 au 17 avril 2015 en vue d'évaluer les contrôles relatifs au bien-être des animaux durant l'abattage et les opérations annexes, réalisé par la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la commission européenne. Toutefois, ni l'argumentation générale de l'association, ni ce rapport d'audit non actualisé ne fournissent les justifications ou même les indices sérieux de nature à apprécier concrètement si les effets de l'instruction technique en cause, qui a tenu compte des observations de cet audit, sont, au regard notamment des résultats de l'étude mentionnée par le ministre, des modes opératoires encadrés par l'instruction technique et des contrôles qu'elle prévoit, de nature à caractériser, sur ce point, une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de l'instruction technique soit suspendue, même partiellement.
8. En second lieu, s'agissant de l'omission, dans le tableau des infractions aux règles d'abattage figurant à l'annexe IV de l'instruction technique contestée, du délit de mauvais traitement sur animaux d'abattoirs, prévu à l'article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime, l'association requérante ne fait état d'aucun élément de nature à caractériser une situation d'urgence.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'apprécier si les moyens soulevés sont de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'instruction technique contestée, que la requête de l'association OABA doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'association OABA est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association uvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.