3° Sous le n° 439019, par deux mémoires, enregistrés les 7 août et 25 septembre 2020, la société Galileo Global Education France demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur sa demande du 25 octobre 2019 tendant à ce qu'elle procède, en application du paragraphe 3 de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à la notification à la Commission européenne du dispositif de versements libératoires habilitant les personnes figurant sur la liste prévue par l'article L. 6241-5 du code du travail à percevoir le solde de la taxe d'apprentissage correspondant aux dépenses mentionnées au 1° de l'article L. 6241-4 du même code, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 6241-5 du code du travail.
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4° Sous le n° 439021, par deux mémoires, enregistrés les 7 août et 25 septembre 2020, la société Galileo Global Education France demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur sa demande du 25 octobre 2019 tendant à ce qu'il procède, en application du paragraphe 3 de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à la notification à la Commission européenne du dispositif de versements libératoires habilitant les personnes figurant sur la liste prévue par l'article L. 6241-5 du code du travail à percevoir le solde de la taxe d'apprentissage correspondant aux dépenses mentionnées au 1° de l'article L. 6241-4 du même code, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 6241-5 du code du travail.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code du travail, notamment son article L. 6241-5 ;
- la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 ;
- la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-496 QPC du 21 octobre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., maître des requêtes,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Galileo Global Education France soulève la même question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 6241-5 du code du travail à l'appui de ses requêtes visées ci-dessus. Il y a lieu de joindre ces questions pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. L'article L. 6241-2 du code du travail prévoit, à son I, qu'une part égale à 87 % du produit de la taxe d'apprentissage, reversée à France compétences, est destinée au financement de l'apprentissage et, à son II, que le solde, soit 13 % du produit de cette taxe, est destiné à des dépenses libératoires effectuées par l'employeur. En vertu de l'article L. 6241-4 de ce code, ces dépenses libératoires peuvent être, alternativement ou cumulativement, soit, selon le 1° de cet article, des dépenses réellement exposées afin de favoriser le développement des formations initiales technologiques et professionnelles, hors apprentissage, et l'insertion professionnelle, dont les frais de premier équipement, de renouvellement de matériel existant et d'équipement complémentaire, soit, selon le 2° du même article, des subventions versées aux centres de formation d'apprentis. L'article L. 6241-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, énumère les catégories d'établissements habilités à percevoir les dépenses libératoires correspondant au 1° de l'article L. 6241-4 de ce code. Il dispose à ce titre que : " Sont habilités à percevoir le solde de la taxe d'apprentissage correspondant aux dépenses mentionnées au 1° de l'article L. 6241-4 : / 1° Les établissements publics d'enseignement du second degré ; / 2° Les établissements d'enseignement privés du second degré gérés par des organismes à but non lucratif et qui remplissent l'une des conditions suivantes : / a) Etre lié à l'Etat par l'un des contrats d'association mentionnés à l'article L. 442-5 du code de l'éducation ou à l'article L. 813-1 du code rural et de la pêche maritime ; / b) Etre habilité à recevoir des boursiers nationaux conformément aux procédures prévues à l'article L. 531-4 du code de l'éducation ; / c) Etre reconnu conformément à la procédure prévue à l'article L. 443-2 du même code ; / 3° Les établissements publics d'enseignement supérieur ou leurs groupements agissant pour leur compte ; / 4° Les établissements gérés par une chambre consulaire et les établissements d'enseignement supérieur consulaire mentionnés à l'article L. 711-17 du code de commerce ; / 5° Les établissements privés relevant de l'enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif ou leurs groupements agissant pour leur compte ; / 6° Les établissements publics ou privés dispensant des formations conduisant aux diplômes professionnels délivrés par les ministères chargés de la santé, des affaires sociales, de la jeunesse et des sports ; / 7° Les écoles de la deuxième chance, mentionnées à l'article L. 214-14 du code de l'éducation, les centres de formation gérés et administrés par l'établissement public d'insertion de la défense, mentionnés à l'article L. 130-1 du code du service national, et les établissements à but non lucratif concourant, par des actions de formation professionnelle, à offrir aux jeunes sans qualification une nouvelle chance d'accès à la qualification ; / 8° Les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation, mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, ainsi que les établissements délivrant l'enseignement adapté prévu au premier alinéa de l'article L. 332-4 du code de l'éducation ; / 9° Les établissements ou services mentionnés au 5° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ; / 10° Les établissements ou services à caractère expérimental accueillant des jeunes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation, mentionnés au 12° du I du même article L. 312-1 ; / 11° Les organismes participant au service public de l'orientation tout au long de la vie, dont la liste est établie par décision du président du conseil régional ; / 12° Les écoles de production mentionnées à l'article L. 443-6 du code de l'éducation ; / 13° Les organismes figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés de l'éducation nationale et de la formation professionnelle, agissant au plan national pour la promotion de la formation technologique et professionnelle initiale et des métiers. Cette liste est établie pour trois ans et les organismes y figurant justifient d'un niveau d'activité suffisant, déterminé par décret, pour prétendre continuer à y être inscrits. Le montant versé par les entreprises à ces organismes au titre du solde de la taxe d'apprentissage ne peut dépasser 30 % du montant dû. "
4. La société requérante soutient que les dispositions de l'article L. 6241-5 du code du travail méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques en ce qu'elles n'incluent pas l'ensemble des établissements privés d'enseignement.
5. Aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
6. En énumérant de manière limitative les établissements habilités à percevoir les dépenses libératoires correspondant au solde de la taxe d'apprentissage lorsqu'il est acquitté selon la modalité prévue au 1° de l'article L. 6241-4 du code du travail, le législateur a entendu, comme auparavant par les dispositions de l'article L. 6241-9 du même code, sur lesquelles le Conseil constitutionnel s'est prononcé, dans leur rédaction issue de la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014, par sa décision n° 2015-496 QPC du 21 octobre 2015, favoriser l'affectation de ressources publiques destinées à financer des formations technologiques et professionnelles dispensées en formation initiale hors du cadre de l'apprentissage, ainsi que l'insertion professionnelle, à certains établissements d'enseignement secondaire et supérieur, publics ou privés à but non lucratif, qui sont, soit en raison de leur statut, soit en raison de leur mode de gestion, soit en raison de leurs obligations pédagogiques et des contrôles qui s'y rattachent, dans une situation différente de celle des autres établissements d'enseignement. En outre, la disposition en cause ne permet, pour les écoles et établissements habilités, que la perception éventuelle de moyens de financement de certains frais. Il suit de là que l'exclusion de cette liste des établissements privés d'enseignement non habilités à percevoir le solde de la taxe d'apprentissage correspondant à ces dépenses est fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l'objet de la loi et en fonction des buts qu'elle se propose et n'entraîne pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
7. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel et le moyen tiré de ce que l'article L. 6241-5 du code du travail porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans ses requêtes par la société Galileo Global Education France.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Galileo Global Education France, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.