Résumé de la décision
La commune de Nogent-le-Rotrou a exercé son droit de préemption urbain sur une parcelle située avenue de la Messesselle. Cette décision a été contestée par la société SAFA, acquéreur évincé, qui a demandé la suspension de l'exécution de cette décision. Le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a ordonné la suspension, estimant qu'il existait un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption. La commune a alors formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance. Le Conseil d'État a rejeté le pourvoi, confirmant la suspension et condamnant la commune à verser 3 000 euros à la société SAFA.
Arguments pertinents
1. Doute sur la légalité de la décision de préemption : Le Conseil d'État a confirmé que le juge des référés n'avait pas dénaturé les faits en estimant que le moyen tiré de l'absence de réalité d'un projet d'aménagement justifiant la préemption posait un doute sérieux. Ce doute était fondé sur le fait que le projet de développement économique mentionné dans la délibération du conseil communautaire n'était pas suffisamment justifié par un projet et ne correspondait pas véritablement à l'objet de la décision de préemption.
2. Critères de justification du droit de préemption : Le Conseil d'État a souligné qu'en vertu de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, pour que le droit de préemption soit exercé légalement, la collectivité doit justifier d'une action ou opération d'aménagement réelle à la date de la décision.
> « Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent... justifier à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement. »
Interprétations et citations légales
1. Article L. 521-1 du code de justice administrative : Cet article stipule que lorsqu'une décision administrative fait l'objet d'une requête, le juge des référés peut suspendre son exécution si l'urgence le justifie et s'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision. Ici, le juge des référés a estimé qu'il y avait des éléments suffisants pour justifier la suspension.
2. Article L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme : Ces articles précisent les conditions d'exercice du droit de préemption, en soulignant que les décisions de préemption doivent être motivées par un projet d'aménagement justifiant l'intérêt général.
> « Les droits de préemption... sont exercés en vue de la réalisation... des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1. »
Le Conseil d'État a considéré que les éléments fournis pour justifier le droit de préemption n'étaient pas suffisants, notamment parce que le projet évoqué ne s'inscrivait pas dans le périmètre du cœur de ville et n'avait pas d'impact sur le secteur concerné.
Le juge a insisté sur le fait que la matérialité d'un projet d'aménagement doit être établie au moment où le droit est exercé, ce qui n'était pas établi en l'occurrence.
Conclusion
Le rejet du pourvoi par le Conseil d'État souligne l'importance d'une justification rigoureuse du droit de préemption dans le cadre des décisions d'urbanisme, ainsi que la nécessité de respecter les critères établis par le code de l'urbanisme pour garantir la légalité des actes administratifs. La condamnation financière de la commune de Nogent-le-Rotrou illustre également les conséquences possibles d'une compétence mal exercée.