3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'interprétation du code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de cette cour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 434499, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 septembre et 23 décembre 2019, la société Effik demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 juillet 2019 par laquelle l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a rejeté sa demande d'abrogation de la décision de modification du répertoire des groupes génériques du 22 novembre 2017 en ce qu'elle crée un groupe générique Fenticonazole (Nitrate de) 2% - Lomexin 2 %, crème, et inscrit la spécialité Fenticonazole Bailleul 2%, crème, comme générique de Lomexin 2 %, crème ;
2°) d'enjoindre au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de délivrer à la société Laboratoires Bailleul, sur le fondement des dispositions du c du 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, dans les deux mois suivant la décision à venir, l'autorisation de mise sur le marché sollicitée par cette société, en lieu et place de l'autorisation de mise sur le marché qui lui a été délivrée le 20 septembre 2017 ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'interprétation du code communautaire des médicaments à usage humain et de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de cette cour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le n° 434500, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 10 septembre 2019 et les 7 août et 16 octobre 2020, la société Effik demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la convention conclue entre le Comité économique des produits de santé et la société Laboratoires Bailleul SAS en tant que celle-ci fixe le prix de la spécialité Fenticonazole Bailleul 2 %, crème, 15g en tube (laboratoires Bailleul) ;
2°) d'enjoindre au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de délivrer à la société Laboratoires Bailleul, sur le fondement des dispositions du c du 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, dans les deux mois suivant la décision à venir, l'autorisation de mise sur le marché sollicitée par cette société, en lieu et place de l'autorisation de mise sur le marché qui lui a été délivrée le 20 septembre 2017 ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'interprétation du code communautaire des médicaments à usage humain et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de cette cour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;
- la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers que la société Effik détient depuis le 2 juin 1994 l'autorisation de mise sur le marché accordée le 14 mai 1991 à la spécialité " Lomexin, 2 pour cent, crème ". Le 20 septembre 2017, une autorisation de mise sur le marché a été délivrée à la société Laboratoires Bailleul pour la spécialité " Fenticonazole Bailleul 2 pour cent, crème ", qui a été identifiée comme générique de la spécialité Lomexin. Par trois requêtes, qui présentent à juger les mêmes questions et qu'il y a par suite lieu de joindre, la société Effik demande l'annulation pour excès de pouvoir, en premier lieu, des deux arrêtés du 16 juillet 2019 par lesquels les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont modifié la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux et la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l'usage des collectivités et divers services publics en tant que ces arrêtés portent inscription sur ces deux listes de la spécialité Fenticonazole Bailleul 2 pour cent, crème, en deuxième lieu, de la convention conclue entre le Comité économique des produits de santé et la société Laboratoires Bailleul en tant qu'elle fixe le prix de cette spécialité et, en troisième lieu, de la décision du 8 juillet 2019 par laquelle l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de la décision du 22 novembre 2017 de modification du répertoire des groupes génériques en ce qu'elle a créé un groupe générique " Fenticonazole (nitrate de) 2 % - Lomexin 2 %, crème " et inscrit la spécialité Fenticonazole Bailleul 2 pour cent, crème, comme générique de Lomexin 2 pour cent, crème.
2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 2° des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale (...) ". Aux termes de l'article R. 341-1 du même code : " Lorsque le Conseil d'Etat est saisi de conclusions relevant de sa compétence de premier ressort, il est également compétent pour connaître de conclusions connexes relevant normalement de la compétence de premier ressort d'un tribunal administratif (...) ". En l'espèce, il existe un lien de connexité entre les requêtes tendant à l'annulation des arrêtés du 16 juillet 2019 et de la décision du Comité économique des produits de santé fixant le prix de la spécialité Fenticonazole Bailleul 2 pour cent, crème, qui relèvent de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort en vertu du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, et la requête tendant à l'annulation du refus d'abroger la décision de modification du répertoire des groupes génériques du 22 novembre 2017. Le Conseil d'Etat est ainsi, contrairement à ce que soutiennent l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et la société Laboratoires Bailleul, compétent pour connaître en premier et dernier ressort de l'ensemble des conclusions présentées par la société Effik.
3. Aux termes de l'article L. 5121-10 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité Fenticonazole Bailleul 2 pour cent, crème : " Pour une spécialité générique définie au 5° de l'article L. 5121-1, l'autorisation de mise sur le marché peut être délivrée avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle qui s'attachent à la spécialité de référence concernée. (...) / Lorsque l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a délivré une autorisation de mise sur le marché d'une spécialité générique, elle en informe le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité de référence. / Le directeur général de l'agence procède à l'inscription de la spécialité générique dans le répertoire des groupes génériques au terme d'un délai de soixante jours, après avoir informé de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché de celle-ci le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité de référence. Toutefois, la commercialisation de cette spécialité générique ne peut intervenir qu'après l'expiration des droits de propriété intellectuelle, sauf accord du titulaire de ces droits. (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 5121-5 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le directeur général de l'agence informe, dans un délai d'un mois, le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité de référence de la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché pour une spécialité générique. A l'issue d'un délai de soixante jours suivant cette information, le directeur général de l'agence procède à l'inscription de la spécialité générique au répertoire des groupes génériques ".
4. Il ressort des pièces des dossiers que la société Laboratoires Bailleul a sollicité le 26 novembre 2014 la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité Fenticonazole Bailleul 2 pour cent, crème, au titre de la " procédure décentralisée " prévue par l'article R. 5121-51-3 du code de la santé publique, transposant l'article 28 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, en désignant l'Allemagne comme Etat de référence et en constituant son dossier dans les conditions de la procédure dite " abrégée hybride " prévue au 2° de l'article R. 5121-28 du même code, transposant l'article 10 paragraphe 3 de la même directive, lorsque la demande porte sur une spécialité qui, pour certains motifs précisés par ces dispositions, ne répond pas à la définition de la spécialité générique. Par une décision du 20 septembre 2017, publiée le 11 juin 2018 sur son site internet conformément aux dispositions des articles L. 5322-2 et R. 5121-50 du code de la santé publique, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a accordé l'autorisation demandée et identifié cette spécialité comme étant un générique de la spécialité Lomexin 2 pour cent, crème. Par un courrier également du 20 septembre 2017, l'agence a informé la société requérante, titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de cette dernière spécialité, en application des articles L. 5121-10 et R. 5121-5 du même code, de la délivrance de cette autorisation pour une spécialité générique. Enfin, par une décision du 22 novembre 2017, publiée sur le site internet de l'agence le 1er décembre 2017, a été ajouté dans le répertoire des groupes génériques, sous la dénomination commune " fenticonazole (nitrate de) ", le groupe générique " Fenticonazole (nitrate de) 2% - Lomexin 2 pour cent, crème ", comprenant les deux spécialités Lomexin 2 pour cent, crème et Fenticonazole Bailleul 2 pour cent, crème.
5. La société Effik soutient, à l'appui de ses conclusions, mentionnées au point 1, tendant à l'annulation des décisions admettant au remboursement la spécialité Fenticonazole Bailleul 2 pour cent, crème, fixant le prix de cette spécialité et refusant d'abroger la décision de modification du répertoire des groupes génériques du 22 novembre 2017, que la décision du 20 septembre 2017 par laquelle l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a accordé une autorisation de mise sur le marché à cette spécialité et l'a identifiée comme étant un générique de la spécialité Lomexin 2 pour cent, crème, est illégale, au motif que, cette autorisation ayant été accordée au terme de la procédure dite " allégée hybride ", elle ne permettait pas d'identifier la spécialité ainsi autorisée comme un générique.
6. Toutefois, il résulte des articles L. 5121-10 et R. 5121-5 du code de la santé publique cités au point 3, en premier lieu, que l'identification d'un médicament comme générique d'une spécialité de référence se fait à l'occasion de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché de ce médicament, laquelle est subordonnée à la vérification qu'il remplit les conditions pour être identifié comme générique. En deuxième lieu, l'autorisation ainsi délivrée, qui est notifiée au titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité de référence, comporte la mention expresse de cette identification, reproduite dans l'avis publié. Enfin, l'inscription de ce médicament dans le répertoire des groupes génériques, si elle constitue une décision distincte de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché du générique et si elle produit des effets propres consistant à permettre au pharmacien de substituer un générique à la spécialité de référence, se borne néanmoins à tirer les conséquences de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché en qualité de générique, après que le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité de référence a été mis à même de faire valoir, le cas échéant, ses droits, sans donner lieu à une nouvelle procédure d'instruction visant à vérifier si le médicament répond aux conditions fixées par le code de la santé publique pour être identifié comme générique. Dans ces conditions, lorsque la décision délivrant l'autorisation de mise sur le marché d'un générique est devenue définitive, ne peuvent plus être invoqués des moyens mettant en cause la légalité de cette décision, tels que ceux tirés de ce que les conditions posées à cette identification ne seraient pas satisfaites, à l'appui d'une contestation de la légalité de la décision modifiant le répertoire des génériques pour créer un groupe générique comportant ce médicament ou l'y inscrire, pas davantage qu'à l'appui d'une décision admettant ce médicament au remboursement ou en fixant le prix en conséquence.
7. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la décision du 20 septembre 2017 par laquelle l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a accordé une autorisation de mise sur le marché à la spécialité Fenticonazole Bailleul 2 pour cent, crème et l'a identifiée comme étant un générique de la spécialité Lomexin 2 pour cent, crème, qui a fait l'objet des formalités prévues par le code de la santé publique, était devenue définitive à la date du 30 juillet 2019 à laquelle la société Effik a excipé de son illégalité, comme d'ailleurs lorsque cette société a, le 21 juin 2019, demandé l'abrogation de la décision du 22 novembre 2017. Il en résulte que le moyen tiré par la société requérante, à l'appui de l'ensemble de ses conclusions d'annulation, de ce que cette décision serait illégale ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. La circonstance qu'elle traduirait une inexacte application du 2° de l'article R. 5121-28 du code de la santé publique transposant l'article 10 paragraphe 3 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 ou porterait une atteinte au droit de cette société au respect de ses biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sans incidence à cet égard, de sorte qu'il ne peut y avoir lieu de poser sur ce point une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Effik n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions attaquées, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et par la société Laboratoires Bailleul.
9. Les conclusions de la société requérante à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent en conséquence qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette société une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société Laboratoires Bailleul et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la société Effik sont rejetées.
Article 2 : La société Effik versera une somme de 3 000 euros à la société Laboratoires Bailleul au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Effik, à la société Laboratoires Bailleul, à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, au Comité économique des produits de santé et au ministre des solidarités et de la santé.