3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- leur requête est recevable ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que les dispositions contestées ont des effets immédiats et potentiellement irréversibles sur leur situation économique ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre, à la liberté de commerce et d'industrie et à la liberté contractuelle dès lors que les dispositions contestées imposent la fermeture immédiate de plusieurs centaines de magasins sous peine de sanctions administratives et pénales ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe d'égalité devant la loi dès lors que les dispositions contestées instaurent une discrimination entre les magasins contraints de fermer et ceux, commercialisant des biens identiques ou substituables, qui ont encore la possibilité d'accueillir du public ;
- la mesure contestée n'est ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée dès lors, en premier lieu, que les commerces désireux d'ouvrir avait déjà mis en place un protocole sanitaire, en deuxième lieu, que d'autres mesures, moins attentatoires aux libertés, auraient pu être envisagées dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19 et, en dernier lieu, que la fermeture des commerces non essentiels ne s'accompagne d'aucune dérogation éventuellement fondée sur les circonstances locales ou propres à chaque commerce.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 5 novembre 2020, la société But demande au Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de la requête, d'enjoindre à l'Etat d'autoriser sans délai l'ouverture au public des magasins de vente de la catégorie M et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'elle justifie d'un intérêt à intervenir et s'associe aux moyens de la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment, son préambule ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat n° 445821 et suivants du 7 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative
Considérant ce qui suit :
1. La société But justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête. Par suite, son intervention est recevable.
2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. " En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
Sur le cadre du litige :
3. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Aux termes de l'article L. 3131-15 du même code : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique " prendre un certain nombre de mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, activités et réunions, notamment " Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé (...) / Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité " à condition d'être " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ".
4. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020 a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.
5. Une nouvelle progression de l'épidémie au cours des mois de septembre et d'octobre, dont le rythme n'a cessé de s'accélérer au cours de cette période, a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre dernier, sur le fondement des articles L. 3131- 12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. Le 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret contesté, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
6. Le juge des référés du Conseil d'Etat a, par une ordonnance n° 445821 du 7 novembre 2020, relevé que la circulation du virus sur le territoire métropolitain s'est fortement amplifiée au cours des dernières semaines, malgré les mesures prises, conduisant à une situation particulièrement dangereuse pour la santé de l'ensemble de la population française. Il en résulte d'ailleurs qu'à la date du 11 novembre 2020, plus de 1 860 000 cas ont été confirmés positifs à la covid-19, en augmentation de près de 35 000 dans les dernières vingt-quatre heures, le taux d'incidence national étant de 428 cas pour 100 000 habitants contre 246 au 20 octobre et 118 au 28 septembre, le taux de positivité des tests réalisés étant de 19,5 % au 11 novembre contre 13,2 % au 18 octobre et 9 % au 28 septembre, 42 435 décès de la covid-19 sont à déplorer au 11 novembre 2020, en hausse de 441 cas en vingt-quatre heures. Enfin, le taux d'occupation des lits en réanimation par des patients atteints de la covid-19 est passé de 43 % au 20 octobre à près de 70 % au 1er novembre et à près de 95 % au 11 novembre, mettant sous tension l'ensemble du système de santé et rendant nécessaire, au cours des derniers jours, des transferts de patients entre régions et avec des pays voisins ainsi que des déprogrammations d'hospitalisations non urgentes.
7. Ainsi, pour faire face à cette situation d'urgence sanitaire, le gouvernement, en prenant les mesures détaillées par le décret du 29 octobre 2020, a fait le choix d'une politique qui cherche à casser la dynamique actuelle de progression du virus par la stricte limitation des déplacements de personnes hors de leur domicile. A cette fin, il a, à l'article 4 du décret, interdit tout déplacement des personnes hors de leur lieu de résidence et fixé une liste limitative des exceptions à cette interdiction. De même, par les articles 37 et suivants, il a procédé à la fermeture générale des restaurants et débits de boisson et a autorisé, s'agissant des magasins de vente, l'ouverture au public pour la vente de produits de première nécessité, tout en maintenant la possibilité, pour les autres produits, de recourir à la vente à distance avec livraison à domicile ou retrait de commandes.
Sur les demandes en référé :
8. En premier lieu, les sociétés requérantes et la société intervenante soutiennent que leur fermeture est disproportionnée dès lors qu'un protocole sanitaire renforcé aurait pu être envisagé et qu'aucune dérogation n'a été autorisé. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que cette fermeture procède du choix de limiter la propagation du virus par le maintien aussi strict que possible des personnes à leur domicile. Cette mesure, qui devra faire l'objet d'une évaluation, s'accompagne en outre, à destination des entreprises concernées dont l'activité sera fortement réduite, d'un dispositif d'aides visant à réduire les charges qu'elles supportent. Dans ces conditions, eu égard à l'aggravation rapide au cours des dernières semaines de la propagation de l'épidémie sur l'ensemble du territoire, à la nécessité de casser cette propagation afin de préserver les structures hospitalières et globalement le système santé ainsi qu'aux exceptions à l'interdiction générale prévue par le décret du 29 octobre 2020, les moyens tirés de ce qu'il serait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre, à la liberté de commerce et d'industrie et à la liberté contractuelle doivent être écartés.
9. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard aux éléments qui viennent d'être rappelés, que la mesure en cause serait constitutive d'une discrimination portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale dès lors que tous les magasins dont les ventes ne sont pas considérées comme des produits de première nécessité ne peuvent recevoir du public et que les magasins admis à recevoir du public ne peuvent vendre que des produits de première nécessité.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par les sociétés Logirama et Cera doit être rejetée, par application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, ainsi que l'ensemble des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de la société But est admise.
Article 2 : La requête présentée par la société Logirama et la société Cera est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les sociétés Logirama, Cera et But, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Logirama, à la société Cera et à la société But.