3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite, dès lors que le décret litigieux menace l'équilibre économique et l'avenir des salles de sport en ce que, en premier lieu, les abonnements contractés sont interrompus compte-tenu des différentes mesures restrictives mises en place, en deuxième lieu, la fermeture administrative entraîne une augmentation importante des impayés, en troisième lieu, elle les conduit à subir non seulement d'importantes pertes liées à l'impossibilité d'exploiter leurs établissements mais aussi leurs charges fixes de fonctionnement que les aides attribuées par l'Etat ne suffiront pas à compenser, en quatrième lieu, elle emporte des conséquences économiques irrémédiables sur la pérennité des salles de sports déjà fragilisées par la situation sanitaire et, en dernier lieu, la mesure contestée impacte significativement et durablement l'image du secteur auprès du public ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie ;
- la mesure contestée est disproportionnée dès lors que, en premier lieu, le protocole sanitaire strict préconisé par le Haut Conseil de la santé publique est largement respecté, en deuxième lieu, les salles de sport ne sont pas des lieux de propagation majeurs du virus au regard des données scientifiques et, en dernier lieu, il n'est pas établi que la fermeture des établissements recevant du public de type X, à savoir les structures sportives couvertes, qui résulte de l'inscription de la Guadeloupe à l'annexe 2 du décret n° 2020-1262, soit nécessaire dans un département où la saturation du système sanitaire n'est pas avérée ;
- elle est inappropriée dès lors que, d'une part, l'efficacité du couvre-feu entre 22 heures et 6 heures dans le département de la Guadeloupe est discutable eu égard au mode de vie adopté par ses habitants et, d'autre part, des mesures plus adéquates pourraient être envisagées afin de lutter contre la propagation du virus, tout en préservant leurs intérêts économiques ;
- elle porte atteinte à la santé publique en raison des conséquences néfastes sur la santé mentale et physique de la population.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 et 20 mars 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens dirigés contre les arrêtés du préfet de la Guadeloupe du 5 mars 2021 sont inopérants, que les conclusions, en tant qu'elles sont dirigées contre ces arrêtés, sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître en premier ressort et qu'enfin, il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.
La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son préambule ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-160 du 15 février 2021 ;
- le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions administratives, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction serait fixée le 20 mars 2021 à 13 heures.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
Sur le cadre du litige :
2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Enfin, il résulte de l'article L. 3131-15 du même code que " dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique " prendre diverses mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, activités et réunions " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ".
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, particulièrement contagieux et responsable de la maladie à coronavirus-19 qualifiée de pandémie par l'Organisation mondiale de la santé le 11 mars 2020 ainsi que sa propagation sur le territoire français ont conduit les pouvoirs publics à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures sanitaires de plus en plus strictes. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus a créé un régime d'état d'urgence sanitaire aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique et déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020, prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020 n° 2020-856 a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.
4. Une nouvelle progression de l'épidémie a cependant conduit le Président de la République, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 et par un décret du 14 octobre 2020, a déclaré à nouveau l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre à 00 heure sur l'ensemble du territoire national. Cet état d'urgence a été prorogé par la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 jusqu'au 16 février 2021, délai à nouveau prorogé par la loi n° 2021-160 du 15 février 2021 jusqu'au 1er juin 2021.Par deux décrets des 16 et 29 octobre 2020 le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19.
5. En raison de la dégradation particulièrement préoccupante de la situation sanitaire dans certains départements en métropole et en outre-mer, les décrets des 16 et 29 octobre 2020 ont été modifiés par deux décrets n° 2021-217 du 25 février et n° 2021-248 du 4 mars 2021. Le décret du 4 mars 2021 a, en particulier, inscrit le département de la Guadeloupe à l'annexe 2 du décret du 16 octobre 2020. Il résulte de l'article 4 de ce dernier décret que l'inscription de ce département dans l'annexe 2 autorise le préfet de la Guadeloupe à prendre les mesures exceptionnelles prévues à l'article 51. L'article 51 permet notamment au préfet d'interdire dans les zones qu'il définit, aux seules fins de lutter contre la propagation du virus, les déplacements de personnes hors de leur lieu de résidence entre 21 heures et 6 heures du matin sous réserve de quelques exceptions limitativement énumérées. Dans les zones ainsi définies ne peuvent accueillir du public les établissements de certaines catégories, dont notamment les salles de sport, sous réserve des exceptions réservées à des publics particuliers.
Sur la demande en référé :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le décret du 4 mars 2021 :
6. Les sociétés à responsabilité limitée (SARL) Fitjarry, Fitmilenis, Fitbergevin, Fitbasseterre, FITLM, FITSF ainsi que le syndicat professionnel Franceactive-FNEAPL demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret du 4 mars 2021, en ce qu'il a classé la Guadeloupe à l'annexe 2 du décret n° 2020-1262 et, par suite, conduit à la fermeture des salles de sport. Ils soutiennent que cette mesure est disproportionnée pour poursuivre l'objectif de lutte contre l'épidémie de covid-19, dès lors, d'une part, que la situation sanitaire et le mode de vie des habitants dans le département de la Guadeloupe ne la justifie pas et, d'autre part, que les salles de sport et de fitness ont mis en place de stricts protocoles sanitaires.
7. Il résulte cependant, en premier lieu, de l'instruction et notamment des bulletins épidémiologiques hebdomadaires de Santé publique France que la situation sanitaire en Guadeloupe est marquée depuis la mi-février par une tendance à l'augmentation de la circulation du virus. Dans son bulletin du 12 mars, Santé publique France note que " la circulation du virus reste active en Guadeloupe bien qu'elle se soit stabilisée la semaine dernière (du 1er au 6 mars), " les indicateurs de surveillance se sont stabilisés à un niveau élevé ... le taux d'incidence reste supérieur au seuil d'alerte et le taux de positivité au seuil de vigilance. Une augmentation du nombre de clusters regroupant un nombre important de positifs est observée en ce début de semaine (du 8 au 12 mars). " Ces indicateurs préoccupants doivent être mis en regard des capacités hospitalières limitées de la Guadeloupe qui ne peut bénéficier, à la différence des départements métropolitains, d'évacuation sanitaire vers d'autres territoires et dont le taux d'occupation dans les services de réanimation atteint 100 % dont 34 % de lits occupés par des patients du covid. Dans cette situation, la très forte augmentation de la proportion, parmi les malades, du variant anglais particulièrement contagieux qui, au 7 mars, dépassait 75 % peut laisser craindre une dégradation de la situation sanitaire du département.
8. Il résulte, en second lieu, également de l'instruction et notamment des avis rendus par le Haut conseil de la santé publique les 24 avril, 23 juillet et 3 août 2020 ainsi que du point épidémiologique publié le 24 septembre 2020 par Santé publique France, comme de la littérature scientifique, que les salles de sport sont, en l'état des connaissances scientifiques actuelles, des lieux de propagation active du virus, compte tenu de leur caractère clos, de la dispense de port du masque lors de la pratique sportive, du brassage des populations au long de la journée et du risque accentué d'aérosolisation lié à l'effort physique, caractéristiques qu'un protocole même strict ne suffit pas à contenir dans les circonstances épidémiologiques décrites au point 7.
9. Par suite, et dès lors que les libertés fondamentales invoquées, à savoir la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie, doivent être conciliées avec les autres libertés fondamentales, parmi lesquelles figure le droit à la santé et au respect de la vie, les requérants ne sont pas fondés, en dépit des conséquences économiques importantes de la mesure contestée au-delà des aides financées par l'Etat qui l'accompagnent, à soutenir que l'atteinte ainsi portée aux libertés fondamentales précitées pour une durée limitée et dans l'unique objectif de lutter contre la diffusion de la pandémie est manifestement illégale.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les arrêtés préfectoraux pris en application du décret du 4 mars 2021 :
10. Les conclusions par lesquelles les requérants demandent au juge des référés d'abroger tout arrêté préfectoral pris en application du classement du département de Guadeloupe à l'annexe 2 du décret du 16 octobre 2020 ne sont pas de celles qu'il appartient au Conseil d'Etat de connaître en premier ressort. Elles sont au surplus également irrecevables dès lors qu'elles ne désignent pas les arrêtés qu'elles visent.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête des SARL Fitjarry, Fitmilenis, Fitbergevin, la Fitbasseterre, FITLM, FITSF et du syndicat professionnel Franceactive-FNEAPL, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'urgence, doit être rejetée. Il en est de même, par voie de conséquence, des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête des SARL Fitjarry, Fitmilenis, Fitbergevin, la Fitbasseterre, FITLM, FITSF et du syndicat professionnel Franceactive-FNEAPL est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Fitjarry, première dénommée, pour l'ensemble des requérants et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre.