Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution des dispositions contestées a des conséquences graves sur leur situation économique déjà altérée ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre, au principe d'égalité et à la liberté du commerce et de l'industrie ;
- les dispositions contestées sont disproportionnées à l'objectif de santé publique qu'elles poursuivent en ce qu'elles imposent de prendre en compte les espaces de stockage pour le calcul du seuil de vingt mille mètres carrés au-delà duquel les magasins de vente et centre commerciaux ne peuvent accueillir du public ;
- la différence de traitement entre, d'une part, les centres commerciaux dotés d'importantes réserves logistiques et, d'autre part, ceux qui ne nécessitent pas pour leur activité d'être dotés de telles surfaces n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général lié à l'objectif de protection de la santé publique et méconnaît l'article L. 3131-15 du code de la santé publique dès lors qu'aucun élément scientifique ne permet de démontrer que l'exercice d'une activité commerciale de détail dans un centre commercial comprenant des réserves inaccessibles au public présenterait un risque sanitaire supérieur à l'exploitation d'un commerce situé dans une galerie marchande de même taille mais dont les réserves seraient plus limitées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Lorsqu'un requérant fonde son action non sur la procédure de suspension régie par l'article L. 521-1 du même code mais sur la procédure particulière instituée par l'article L. 521-2 cité ci-dessus, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d'urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par l'article L. 521-2 soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise à très bref délai. En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code précise que : " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...) ". Aux termes du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : (...) 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ; (...) 10° En tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d'entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article L. 3131-12 du présent code ". Ces mesures doivent être " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ".
3. Par un décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020, pris sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, le Président de la République a déclaré l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. Les 16 et 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, deux décrets prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Aux termes de l'article 2 du décret n° 2021-99 du 30 janvier 2021 modifiant les décrets des 16 et 29 octobre 2020 : " II.- Par dérogation au I, les magasins de vente et centres commerciaux, comportant un ou plusieurs bâtiments dont la surface commerciale utile cumulée calculée dans les conditions du II bis est supérieure ou égale à vingt mille mètres carrés, ne peuvent accueillir du public ". Aux termes du II bis de cet article : " La surface mentionnée au premier alinéa du II est calculée dans les conditions suivantes : " 1° La surface commerciale utile est la surface totale comprenant les surfaces de vente, les bureaux et les réserves, sans déduction de trémie ou poteau et calculée entre les axes des murs mitoyens avec les parties privatives, et les nus extérieurs des murs mitoyens avec les parties communes. La surface est prise en compte indépendamment des interdictions d'accès au public ". Les sociétés requérantes demandent la suspension de ces dispositions en tant qu'elles intègrent les surfaces de réserves pour déterminer le seuil de vingt mille mètres carrés de " surface commerciale utile " à partir duquel les magasins de vente et centres commerciaux ne peuvent accueillir du public.
4. Les sociétés requérantes exploitent des commerces situés dans la galerie marchande du centre commercial Edouard Leclerc de Vannes (Morbihan), qui sont concernés par la mesure de fermeture résultant de ces dispositions. Si elles soutiennent que cette fermeture est de nature à menacer, sans remède et à brève échéance, leur situation financière, elles se bornent à faire état d'éléments généraux qui ne permettent pas d'apprécier leur équilibre économique et leur situation de trésorerie et de regarder cette allégation comme suffisamment établie. La condition d'urgence posée par les dispositions citées au point 1 de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne peut, dès lors, être regardée comme satisfaite. Il suit de là que la requête ne peut qu'être rejetée.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la société Cigusto Vannes et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Cigusto Vannes, la société Almago, la société Sun, la société " Dolcia ", la société Emilcap, la société Hair Vannes, la société Parc Lann Optique, la société Pocamso, la société M.J.V., la société Square D, la société Cafan, la société Multi Services du Golfe et à la société d'Un fil à l'autre.
Copie pour information en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.