Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable ;
- la condition d'urgence est remplie eu égard à la rapidité de la circulation du virus ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie et au droit à la santé ;
- la circulaire litigieuse est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que, en premier lieu, le retour des personnes vulnérables sur leur lieu de travail qu'elle permet sera la cause de contaminations graves, conduisant à de nombreux décès, à l'engorgement des hôpitaux et à la prolongation du confinement, en deuxième lieu, les mesures de protection renforcées qu'elle prévoit en faveur des personnes vulnérables sont insuffisantes, en troisième lieu, elle ne prévoit pas de faire bénéficier de l'activité partielle les agents cohabitant avec une personne vulnérable ;
- les critères permettant de faire travailler les personnes vulnérables sur leur lieu de travail ne sont pas énoncés de façon claire et intelligible ;
- les agents vulnérables n'ont aucun recours contre une décision défavorable du médecin du travail relatif à la possibilité de travailler sans risque sur leur lieu de travail, en méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2020-1365 du 10 novembre 2020 ;
- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 2020-521 du 5 mai 2020 ;
- le décret n° 2020-1365 du 10 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
Sur l'office du juge des référés :
2. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1 et L. 521-2 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, résultant de l'action ou de la carence de cette personne publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu'existe une situation d'urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai et qu'il est possible de prendre utilement de telles mesures. Celles-ci doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte.
3. Pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le droit au respect de la vie constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de cet article. En outre, une carence caractérisée d'une autorité administrative dans l'usage des pouvoirs que lui confère la loi pour mettre en oeuvre le droit de toute personne de recevoir, sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé, tels qu'appréciés par le médecin, peut faire apparaître, pour l'application de ces dispositions, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle risque d'entraîner une altération grave de l'état de santé de la personne intéressée. Le caractère manifestement illégal de l'atteinte doit s'apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a, dans ce cadre, déjà prises.
Sur le cadre juridique du litige :
4. Le I de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 dispose que : " Sont placés en position d'activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l'impossibilité de continuer à travailler pour l'un des motifs suivants : / - le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ; / - le salarié partage le même domicile qu'une personne vulnérable au sens du deuxième alinéa du présent I ; (...) ", le III de cet article précisant que : " (...) / Pour les salariés mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du (...) I, celui-ci s'applique jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020. / (...) / Les modalités d'application du présent article sont définies par voie réglementaire ".
5. Pour l'application de ces dispositions, le décret du 5 mai 2020 a défini les critères permettant d'identifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2. Puis, par un décret du 29 août 2020, le Premier ministre a modifié ces critères à compter du 1er septembre 2020, fixé au 31 août 2020 la date jusqu'à laquelle le I de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020 s'applique aux salariés partageant le même domicile qu'une personne vulnérable et abrogé en conséquence le décret du 5 mai 2020 à compter du 1er septembre 2020, sous réserve de son application dans les départements de Guyane et de Mayotte tant que l'état d'urgence sanitaire y est en vigueur. L'exécution de ce décret a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 15 octobre 2020, à l'exception des dispositions de son article 1er relatives aux salariés partageant le même domicile qu'une personne vulnérable. Enfin, le décret ci-dessus visé du 10 novembre 2020, abrogeant le décret du 5 mai 2020 et les articles 2 à 4 du décret du 29 août 2020, fixe de nouveaux critères pour l'application de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020. Sont désormais placés à leur demande en position d'activité partielle au titre de ces dispositions, sur présentation d'un certificat établi par un médecin, les salariés répondant à deux critères cumulatifs. Le premier critère se rapporte, soit à leur âge, d'au moins soixante-cinq ans, soit à leur état de grossesse, à partir du troisième trimestre, soit à la pathologie dont ils sont atteints, dont une liste est dressée. Le second critère tient à leur impossibilité à la fois de recourir au télétravail et de bénéficier de mesures de protections renforcées, que le décret énumère, s'agissant de leur poste de travail et de leur trajet entre leur domicile et leur lieu de travail, notamment pour prendre en compte l'utilisation des moyens de transports collectifs. En cas de désaccord du salarié sur la mise en oeuvre par l'employeur de ces mesures de protection renforcées, le salarié saisit le médecin du travail et est placé en activité partielle dans l'attente de son avis.
6. Par une circulaire du 10 novembre 2020, le directeur général de l'administration et de la fonction publique a repris et adapté à la fonction publique les dispositions du décret du 10 novembre 2020, mentionnées au point précédent. Cette circulaire retient ainsi le premier critère d'identification des personnes vulnérables, se rapportant à la situation d'âge, de grossesse ou d'état de santé de la personne, fixé par le décret. Elle prévoit qu'à leur demande et sur présentation d'un certificat de leur médecin traitant ou justification de leur âge, les agents publics remplissant ce premier critère sont placés en télétravail. Si le recours au télétravail est impossible, l'employeur détermine les aménagements à apporter au poste de travail de l'intéressé, dans le respect des mesures de protection préconisées par le Haut Conseil de santé publique, correspondant à celles énumérées par le second critère fixé par le décret du 10 novembre 2020, que la circulaire rappelle. Enfin, l'agent est placé en autorisation spéciale d'absence si l'employeur estime être dans l'impossibilité d'aménager le poste de façon à protéger suffisamment l'agent ou en cas de désaccord avec l'agent sur les mesures de protection mises en oeuvre, dans l'attente de l'avis du médecin du travail alors saisi par l'employeur. Les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette circulaire, sauf en tant que la liste des critères de vulnérabilité fixée par le décret du 10 novembre 2020, qu'elle reprend, étend celle qui était fixée par le décret du 5 mai 2020.
Sur la demande en référé :
7. Il résulte des termes mêmes de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020, citées au point 4, que ses dispositions ne sont applicables qu'aux salariés de droit privé. L'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose toutefois que : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à assurer leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ".
8. En premier lieu, s'agissant du premier des deux critères fixés par le décret et repris par la circulaire, se rapportant à la situation d'âge, de grossesse ou d'état de santé de la personne, la liste retenue par l'administration correspond aux situations que le Haut Conseil de la santé publique désigne dans son avis du 29 octobre 2020 relatif à l'actualisation de la liste des facteurs de risque de forme grave de covid-19 comme " préalablement identifiées " par ses avis précédents et dont il confirme qu'il recommande de les considérer comme " à risque de forme grave de covid-19 ", complétée au vu des préconisations de cet avis des femmes au troisième trimestre de la grossesse et des personnes atteintes d'une maladie rare. Confirmant une nouvelle fois son avis du 19 juin 2020, selon lequel le risque en milieu professionnel, même pour les professions au contact avec le public ou les malades, pouvait être contrôlé par une application stricte des mesures barrières, le Haut Conseil de la santé publique a indiqué dans le même avis du 29 octobre 2020 que les personnes à risque de forme grave de Covid-19 pouvaient reprendre une activité professionnelle sous réserve que le télétravail soit privilégié chaque fois que possible, qu'à défaut leur soit donnée la possibilité de mettre en oeuvre des mesures barrières renforcées, qu'elles portent un masque à usage médical dans les transports collectifs et qu'elles respectent les règles de distanciation physique. Il a préconisé que le médecin du travail apprécie la compatibilité de l'aménagement du poste de travail et des mesures de protection avec l'état de santé de la personne à risque de forme grave de covid-19 et puisse prononcer une éviction professionnelle si les conditions d'une reprise du travail en sécurité ne sont pas remplies.
9. Les mesures d'aménagement du poste de travail prévue par la circulaire litigieuse lorsque le recours au télétravail est impossible correspondent, en deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, à celles recommandées par le Haut Conseil de la santé publique de façon constante depuis son avis du 20 avril 2020 relatif aux personnes à risque de forme grave de covid-19 et aux mesures barrières spécifiques à ces publics. Il ne ressort pas de leur formulation qu'elles seraient insuffisamment claires et intelligibles pour être effectivement opposables. En outre, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance qu'en cas de désaccord entre l'employeur et l'agent sur les mesures de protection mises en oeuvre, l'employeur soit dans l'obligation de saisir le médecin du travail, dans l'attente de l'avis duquel l'agent est placé en autorisation spéciale d'absence, est de nature à assurer l'effectivité de cette protection renforcée et doit être regardé comme ouvrant les recours organisés par les articles 26 et 28-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique.
10. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ainsi que le soutiennent les requérants, la contamination d'un membre du foyer entraînerait systématiquement celle des personnes qui partagent son domicile en dépit des précautions pouvant être raisonnablement adoptées. Eu égard notamment à la différence de situation qui existe, quant au risque induit pour les personnes vulnérables, entre les salariés eux-mêmes vulnérables, susceptibles d'être directement exposés à une contamination à l'occasion de leur activité professionnelle, et ceux cohabitant avec une personne vulnérable, laquelle est exposée à un risque indirect du fait de l'activité professionnelle d'un autre membre du foyer, la circulaire litigieuse pouvait, sans erreur manifeste d'appréciation, ne pas étendre aux agents partageant le domicile d'une personne vulnérable les mesures prises pour les agents eux-mêmes vulnérables.
11. Dans ces conditions, il est manifeste que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'exécution de la circulaire litigieuse porterait une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie et à la santé. Il y a lieu, par suite, de rejeter leur requête par application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'association Renaloo et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Renaloo, représentant unique désigné.
Copie en sera adressée au Premier ministre, au ministre des solidarités et de la santé et à la ministre de la transformation et de la fonction publiques.