Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le décret contesté porte des atteintes graves à des libertés fondamentales et à la situation des enfants, dont il pénalise le développement normal et méconnaît, pour ce qui concerne les petits enfants, leur vulnérabilité physique et psycho-affective ;
- il existe un doute sérieux sur la légalité du décret contesté ;
- le décret contesté est en effet entaché d'incompétence dès lors que le Premier ministre n'est pas habilité par l'article L. 3131-15 du code de la santé publique à prendre des mesures restreignant les droits et libertés fondamentaux ;
- il porte atteinte à la liberté personnelle, au droit à l'instruction, au droit à la protection de la santé, à l'intérêt supérieur de l'enfant, au principe de légalité des délits et des peines, au principe d'égalité, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ;
- les mesures contestées ne sont pas nécessaires, alors que la situation sanitaire s'améliore en France, comme l'attestent les points épidémiologiques réguliers de Santé Publique France, et que les enfants de moins de onze ans sont peu porteurs et peu transmetteurs du virus covid-19 et ne développent que très exceptionnellement des formes sévères de la maladie ;
- ces mesures ne sont pas adéquates, alors qu'aucune étude scientifique ne permet de savoir si le port du masque est ou non une mesure adéquate et que, s'ils sont mal utilisés, les masques sont de véritables incubateurs à bactéries ;
- ces mesures sont disproportionnées, dans la mesure où elles comportent des risques pour la santé physique et psychique des enfants et constituent une entrave aux apprentissages.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Aux termes de l'article L. 3131-15 du même code : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / (...) 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public. " Ces mesures doivent être " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. "
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou Covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020 a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.
4. Une nouvelle progression de l'épidémie au cours des mois de septembre et d'octobre, dont le rythme n'a cessé de s'accélérer au cours de cette période, a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre dernier, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. Le 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret dont l'article 36 ainsi que l'annexe 1 sont contestés, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. L'article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire a prorogé l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 inclus.
5. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire : " I. - Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d'hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dites barrières, définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. / (...) " Aux termes de l'article 36 du même décret : " II. - Portent un masque de protection : / (...) 3° Les élèves des écoles élémentaires ; / (...) 5° Le enfants de six ans ou plus accueillis en application du II de l'article 32 ; (...) ". Aux termes de l'annexe 1 à ce décret : " I. (...) Les masques doivent être portés systématiquement par tous dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties. / II. - L'obligation de porter un masque de protection mentionnée au présent décret s'applique aux personnes de onze ans ou plus, ainsi que dans les cas mentionnés aux 3° et 5° du II de l'article 36. Elle s'applique également aux enfants de 6 à 10 ans dans les autres cas, dans la mesure du possible. " Il résulte de ces dispositions que le port du masque est obligatoire pour les élèves des écoles élémentaires ainsi que pour les enfants de six ans ou plus accueillis dans les structures encore autorisées, en vertu de l'article 32 du décret, à offrir un accueil de loisirs périscolaires. Les enfants dont les titulaires de l'autorité parentale refusent qu'ils portent le masque se voient refuser l'accès à l'établissement ou au service.
Sur la demande en référé :
6. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des dispositions citées au point 2 de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique que le Premier ministre était compétent pour prendre, par décret et aux seules fins de garantir la santé publique, la mesure contestée. Par suite le moyen tiré de ce que le Premier ministre n'aurait pas été compétent pour édicter les mesures dont la suspension est demandée n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur leur légalité.
7. En deuxième lieu, les enfants de moins de onze ans, quoi que moins exposés que d'autres tranches d'âge à une contamination par la covid-19, n'en sont néanmoins pas immunisés. Si le caractère infectieux des enfants asymptomatiques est probablement très faible, en revanche, lorsqu'ils présentent des symptômes, les enfants excrètent la même quantité de virus que les adultes et sont donc tout autant contaminants. Dans son avis du 29 octobre 2020 relatif aux masques dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus SARS-CoV-2, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) en a déduit qu'en " cette période et/ou zone de circulation très active du virus SARS-CoV-2 et par précaution, le port d'un masque grand public adapté par les enfants dès l'âge de 6 ans à l'école élémentaire (du CP au CM2) est recommandé, en respectant les difficultés spécifiques, notamment comportementales. " Au demeurant, plusieurs pays européens appliquent une obligation comparable. Par suite, le moyen tiré de ce que les mesures contestées ne seraient pas nécessaires n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur leur légalité.
8. En troisième lieu, la circonstance que les masques, s'ils sont mal utilisés, seraient des incubateurs à bactéries n'est pas de nature à priver d'utilité la mesure imposant le port du masque de protection à des enfants de moins de 11ans. Le moyen tiré de ce que les mesures contestées ne seraient pas adéquates n'est par suite pas non plus de nature à faire naître un doute sérieux sur leur légalité.
9. En dernier lieu, la requête fait état des risques que créerait le port du masque pour la santé physique et psychique de l'enfant, et soutient que le port du masque est susceptible de favoriser les troubles de l'apprentissage.
10. Toutefois le HCSP a relevé, dans l'avis cité au point 7, qu'il n'existe pas de vraie contre-indication au port du masque chez l'enfant de plus de trois ans. Il estime que le risque d'hypercapnie induite par le port prolongé d'un masque semble sans retentissement respiratoire ou neurologique et que si, chez des enfants ayant une pathologie respiratoire sévère, l'augmentation du travail respiratoire à travers le masque peut entraîner une gêne, leur état de santé les expose aux formes graves de Covid-19 et le port du masque est une des mesures essentielles pour les protéger. Si la requête s'appuie, pour étayer les risques allégués pour la santé de l'enfant, sur des articles et tribunes parus dans la presse ainsi que des études, le HCSP, conformément aux compétences que lui confie l'article L. 1411-4 du code de la santé publique et selon une démarche collégiale, a procédé à une analyse globale, au vu notamment d'une revue de la littérature scientifique, et en premier lieu des études relatives au port du masque chez l'enfant. Le risque pour la santé des enfants n'est dès lors pas établi, tant en ce qui concerne la toxicité que l'altération du système respiratoire. Il appartient en outre aux enseignants comme aux parents de s'assurer que le masque porté par l'enfant n'entraîne pas d'irritation ou de lésion.
11. Des mesures ont par ailleurs été prises à l'attention des élèves pour lesquels l'obligation du port du masque constitue un obstacle réel aux apprentissages. Les enseignants dont les élèves sont atteints de surdité ainsi que les élèves des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) du second degré ont ainsi été équipés de masques inclusifs (masques intégrant un dispositif transparent permettant de conserver la visibilité de la bouche des personnes qui le portent).
12. Par suite, le moyen tiré de ce que les mesures contestées ne seraient pas proportionnées n'est pas davantage, en l'état des connaissances scientifiques et au vu de la circulation encore très intense du virus à la date de la présente ordonnance, de nature à faire naître un doute sur leur légalité.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B....