- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Le Premier ministre a accordé aux autorités tunisiennes, par un décret du 29 octobre 2018, l'extradition de M. B..., ressortissant algérien, pour l'exécution d'une peine de vingt ans d'emprisonnement pour des faits qualifiés de contrebande et importation de produits stupéfiants, prononcée par un jugement du 26 janvier 2017 du tribunal de première instance de Tunis. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
2. En premier lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande d'extradition adressée aux autorités françaises le 21 juin 2017 comportait en annexe le jugement du 26 janvier 2017 du tribunal de première instance de Tunisie condamnant M. B... à une peine de vingt ans d'emprisonnement. Au cours de l'instruction de la demande d'extradition, par une note verbale en date du 18 septembre 2018, les autorités tunisiennes ont à nouveau adressé aux autorités françaises ce jugement, sous la forme d'un document comportant un intitulé différent mais un contenu strictement identique à celui du document transmis le 21 juin 2017. D'une part, contrairement à ce que soutient M. B..., la demande d'extradition a été formulée aux fins de l'exécution de la peine prononcée par ce jugement du 26 janvier 2017. D'autre part, aucune stipulation de la convention bilatérale franco-tunisienne du 28 juin 1972 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et à l'extradition, sur le fondement de laquelle l'extradition a été accordée, ni aucun principe général du droit n'impose que ce jugement ait acquis un caractère définitif. Enfin, la demande d'extradition était accompagnée, conformément aux stipulations de l'article 30 de la convention franco-tunisienne, d'une copie légale du jugement prononcé le 26 janvier 2017, avec sa traduction en français certifiée conforme à l'original, qui forme acte authentique au regard de cette convention. Ainsi, les moyens tirés de ce que le décret attaqué se serait mépris sur l'objet de la demande d'extradition et qu'il ne pouvait intervenir pour l'exécution d'un jugement qui n'a pas fait l'objet d'une expédition authentique et n'est pas devenu définitif doivent être écartés.
4. En troisième lieu, compte tenu de ce que l'extradition a été demandée pour l'exécution de la peine prononcée par un seul et même jugement du 26 janvier 2017, la seconde production de ce jugement, postérieurement à l'avis favorable à l'extradition rendu le 22 novembre 2017 par la cour d'appel, ne constitue pas un fait nouveau de nature à permettre une appréciation différente des conditions légales de l'extradition et imposant, par suite, une seconde consultation de la chambre de l'instruction. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le décret accordant son extradition aux autorités tunisiennes aurait été pris sur une procédure irrégulière et aurait méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure et les droits de la défense.
5. En quatrième lieu, il résulte du décret attaqué que l'extradition de M. B... a été accordée aux autorités tunisiennes pour l'exécution du jugement du 26 janvier 2017, qui a été rendu par contumace. Le principe de spécialité de l'extradition, énoncé à l'article 38 de la convention franco-tunisienne, ne fait pas obstacle à la tenue d'un nouveau procès de l'intéressé pour les mêmes infractions.
6. En cinquième lieu, les faits pour lesquels M. B... a été condamné consistent en des infractions réprimées par l'article L. 5432-2 du code de la santé publique d'une peine de cinq ans d'emprisonnement, peine qui est par ailleurs supérieure au minimum prévu par les stipulations de l'article 24 de la convention franco-tunisienne relatif au quantum minimum de la peine. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la double incrimination et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 24 de la convention bilatérale ne peuvent qu'être écartés.
7. En sixième lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Ces stipulations font obstacle à l'extradition d'une personne exposée à une peine incompressible de réclusion perpétuelle, sans possibilité de réexamen et, le cas échéant, d'élargissement. M. B... soutient qu'en cas d'exécution du décret attaqué et s'il demandait à bénéficier d'un nouveau procès ainsi que le droit pénal tunisien lui en ouvre la possibilité, il risquerait d'être exposé à une telle peine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des informations transmises par les autorités tunisiennes, le 14 août 2019, à la suite de la mesure d'instruction ordonnée par la 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat, d'une part, que si M. B... est jugé à nouveau en Tunisie, il ne pourra être condamné à une peine plus lourde que celle à laquelle il a été condamné par le jugement du 26 janvier 2017, d'autre part, qu'en vertu du code tunisien de procédure pénale, les personnes condamnées à la peine de réclusion criminelle à perpétuité peuvent bénéficier, sous réserve de bonne conduite, d'une libération conditionnelle après une période minimale de détention. Enfin, la seule circonstance qu'en cas de nouveau procès, il n'y ait pas d'obligation de convoquer les témoins déjà entendus lors du précédent procès ne porte pas, à lui seul, atteinte au principe du respect des droits de la défense dès lors que cette convocation n'est pas prohibée et qu'en tout état de cause, le caractère équitable de la procédure s'apprécie au regard du procès dans son ensemble.
8. En septième lieu, si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits. La circonstance que l'intéressé réside en France avec son épouse, de nationalité française, et leurs deux enfants et a un frère français n'est pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 29 octobre 2018 accordant son extradition aux autorités tunisiennes. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.