Résumé de la décision
Dans cette affaire, Mme A... a demandé un changement de nom afin de substituer le nom de son père par celui de sa mère, après avoir été abandonnée par son père à l'âge de quatre ans. La demande a été rejetée par le garde des sceaux, ce qui a conduit Mme A... à saisir le tribunal administratif de Paris, dont le jugement a également rejeté sa demande. La cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement. Finalement, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel, établi que les circonstances extraordinaires de l'abandon de Mme A... constituaient un intérêt légitime pour changer de nom, a annulé la décision du garde des sceaux, et a enjoint ce dernier à réexaminer la demande de Mme A... dans un délai de trois mois.
Arguments pertinents
1. Intérêt légitime pour changer de nom : Le Conseil d'Etat a souligné que des motifs d'ordre affectif peuvent justifier un changement de nom dans des situations exceptionnelles. Il a noté que Mme A... avait été abandonnée par son père, et que ce dernier n'avait pas rempli ses obligations parentales. En conséquence, le Conseil a considéré que les événements de sa vie justifiaient le changement de nom : « [...] en jugeant que Mme A... ne faisait état d'aucune circonstance exceptionnelle susceptible de caractériser l'intérêt requis pour changer de nom, la cour administrative d'appel de Paris a inexactement qualifié les faits de l'espèce ».
2. Inexacte application des dispositions légales : La décision du garde des sceaux a été annulée sur le fondement de l'application inexacte de l'article 61 du code civil. Le Conseil a établi que les circonstances de vie de Mme A... justifiaient un intérêt légitime pour effectuer ce changement de nom : « [...] ces circonstances exceptionnelles sont de nature à caractériser l'intérêt légitime requis pour changer de nom ; que, par suite, en lui déniant un tel intérêt, le garde des sceaux, ministre de la justice, a fait une inexacte application des dispositions de l'article 61 du code civil ».
Interprétations et citations légales
La décision s'appuie principalement sur Code civil - Article 61, qui établit les conditions pour demander un changement de nom. Cet article stipule que "toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom." L’interprétation de la notion d'« intérêt légitime » est cruciale dans cette affaire. Le Conseil d’Etat a élargi la conception de ce terme pour inclure des motifs affectifs dans des circonstances exceptionnelles, ce qui n'était pas reconnu par la cour administrative d'appel.
Ainsi, le Conseil d’Etat a affirmé que, pour répondre à la condition posée par cet article, les éléments de preuve relatifs à l'abandon et à l'absence de lien entre la requérante et son père constituaient des « circonstances exceptionnelles » qui soutiennent sa demande de changement de nom.
Enfin, le Conseil d’Etat a également utilisé l'Article L. 761-1 du code de justice administrative pour allouer des frais non compris dans les dépens à Mme A..., soulignant que dans les circonstances de l'espèce, les frais engagés par la requérante pour ce litige doivent être remboursés.
En résumé, cette décision marque une reconnaissance des motivations et des circonstances personnelles dans le cadre des demandes de changement de nom, en réaffirmant que des éléments affectifs peuvent justifier un intérêt légitime dans ce domaine.