Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 29 janvier et 24 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A...B...;
Considérant ce qui suit :
1. La directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres détermine les conditions dans lesquelles ceux-ci peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union européenne ou d'un membre de sa famille. L'article 27 de cette directive prévoit que, de manière générale, cette liberté peut être restreinte pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, sans que ces raisons puissent être invoquées à des fins économiques. Ce même article prévoit que les mesures prises à ce titre doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées sur le comportement personnel de l'individu concerné, lequel doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. L'article 28 de la directive impose la prise en compte de la situation individuelle de la personne en cause avant toute mesure d'éloignement, notamment de la durée de son séjour, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-5 inséré dans le même code par la loi du 16 juin 2011 afin d'assurer la transposition des dispositions de la directive citée au point 1. : " Les mesures d'expulsion prévues aux articles L. 521-1 à L. 521-3 peuvent être prises à l'encontre des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) si leur comportement personnel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Pour prendre de telles mesures, l'autorité administrative tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée de leur séjour sur le territoire national, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle dans la société française ainsi que l'intensité des liens avec leur pays d'origine. ".
3. Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du 29 avril 2004, notamment de ses articles 27 et 28 mentionnés au point 1. Il appartient à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...B..., ressortissant portugais, a été condamné quatre fois entre 1996 et 2001 par le tribunal correctionnel de Nanterre pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, en dernier lieu à quatre mois d'emprisonnement et a été condamné le 19 mai 2010 par la cour d'Assises des Hauts-de-Seine-Nanterre à seize ans de réclusion criminelle pour meurtre. Le préfet de police a pris, le 4 décembre 2015, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un arrêté prononçant son expulsion du territoire français. Par un jugement du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A...B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 octobre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement.
5. La cour administrative d'appel a relevé que la commission spéciale d'expulsion instituée par les articles L. 522-1 et L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avait émis un avis défavorable lors de sa séance du 13 octobre 2015, que l'intéressé avait, depuis le 27 janvier 2015 en raison de son bon comportement en détention, un aménagement de peine sous le régime d'une libération conditionnelle avec semi-liberté probatoire et qu'il s'était engagé dans un projet professionnel et bénéficiait d'une prise en charge éducative, psychiatrique et en alcoologie. Elle a toutefois confirmé le jugement du tribunal administratif en raison de la nature des faits commis par le requérant, de leur gravité croissante et de la circonstance, relevée par le jugement l'admettant à la libération conditionnelle, que seule une abstinence totale de consommation d'alcool pourrait permettre d'éviter une récidive. En déduisant de l'ensemble des éléments cités ci-dessus que la présence de M. A...B...en France constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française justifiant qu'une procédure d'expulsion du territoire français soit mise en oeuvre à son encontre et que l'expulsion ne portait pas atteinte à son droit à mener une vie familiale normale, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et qu'elle n'a pas dénaturés.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A...B...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...A...B...et au ministre de l'intérieur.