Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020;
Après avoir entendu en séance publique :
- Le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,
- Les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par le décret attaqué du 14 octobre 2019, le Premier ministre a accordé aux autorités ukrainiennes l'extradition de M. A..., de nationalité ukrainienne, aux fins d'exécution d'une ordonnance de placement en détention provisoire en date du 20 novembre 2017, délivrée par le magistrat instructeur du tribunal d'Ivano-Frankivsk et complétée par une décision de notification de nouvelles suspicions du juge d'instruction en chef du cabinet de la sécurité nationale d'Ukraine pour la région d'Ivano Frankivsk, en date du 29 janvier 2019, pour la poursuite de faits qualifiés de trafic de stupéfiants, acquisition illégale, stockage, transfert de substances narcotiques en grande quantité en vue de la vente, de vente illégale de stupéfiants, organisée de manière répétée, en accord préalable avec un groupe de personnes, et d'utilisation d'argent provenant de la circulation illicite de stupéfiants, en grande quantité, organisée de manière répétée, en accord préalable avec un groupe de personnes.
2. En premier lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la demande d'extradition n'aurait pas fait l'objet d'une transmission par la voie diplomatique, en méconnaissance du 1 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition, manque en fait.
4. En troisième lieu, en vertu des stipulations du c du 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, la demande d'extradition doit être accompagnée d'une copie des dispositions légales applicables, ou d'une déclaration sur le droit applicable. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'ordonnance avant dire-droit de la chambre d'accusation du 5 décembre 2018 et des demandes de précisions adressées par les autorités françaises aux autorités ukrainiennes les 6 juin et 5 juillet 2019, ces dernières ont adressé par note verbale du 21 août 2019 les informations utiles concernant l'article 193 du code de procédure pénale ukrainien et la traduction de cet article, qui fixe les conditions dans lesquelles le juge d'instruction ou le tribunal compétent est susceptible d'imposer à M.A... une mesure de détention préventive et énonce les garanties qui encadrent cette procédure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition, faute pour la demande d'extradition de comporter les dispositions de droit ukrainien relatives à la détention provisoire permettant d'en éclairer la portée et les conséquences pour l'intéressé, doit être écarté.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 de la même convention : " La Partie requise pourra refuser d'extrader une personne réclamée à raison d'une infraction qui, selon sa législation, a été commise en tout ou en partie sur son territoire ou en un lieu assimilé à son territoire ". Il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à M. A... s'inscrivent dans le cadre d'une enquête pénale conduite en Ukraine à l'occasion d'un trafic organisé depuis ce pays, visant notamment à y importer et y vendre du Subutex. Dans les circonstances de l'affaire, le Premier ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de l'option ouverte par les stipulations précitées.
6. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 1er des réserves et déclarations émises par le Gouvernement français lors de la ratification de la convention européenne d'extradition : " L'extradition ne sera pas accordée lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'Etat requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense (...) ". Aux termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:/ (...) c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci (...) ".
7. Il ressort des éléments complémentaires adressés par les autorités ukrainiennes le 3 juillet 2019 qu'en application de l'article 193 du code de procédure pénale ukrainien, M. A... sera présenté à un magistrat dans les 48 heures suivant sa remise aux autorités ukrainiennes, afin qu'il puisse être statué sur sa détention provisoire. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les autorités ukrainiennes se sont engagées dans la demande d'extradition, puis par note verbale du 21 janvier 2019, à ce que M. A... bénéficie d'un procès équitable et de l'ensemble des garanties procédurales assurant le respect des principes posés notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles se sont également engagées, dans les mêmes formes, à ce que les agents de la représentation diplomatique et consulaire françaises en Ukraine puissent rendre visite à M. A... en détention et à ce que l'intéressé puisse s'adresser à ces derniers, qui pourront s'enquérir de l'état de la procédure pénale ukrainienne et assister aux débats judiciaires. Au regard de l'ensemble de ces garanties, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la mesure de détention provisoire et les poursuites dont il est susceptible de faire l'objet du fait de son extradition méconnaissent les stipulations précitées.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.