- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".
2. Selon l'article 59 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, applicable en vertu de l'article 62 du même décret en cas de retrait de décret de naturalisation ou de réintégration décidé en application de l'article 27-2 du code civil, lorsque le Gouvernement a l'intention de retirer un tel décret, il notifie, en la forme administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les motifs de droit et de fait motivant le retrait à l'intéressé, qui dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification pour faire parvenir ses observations en défense.
3. Il ressort des pièces de dossier que M. A..., ressortissant marocain, a déposé une demande de naturalisation le 29 août 2014, dans laquelle il a indiqué être célibataire et s'est engagé sur l'honneur à signaler tout changement dans sa situation personnelle et familiale. Au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 24 juin 2015. Toutefois, par bordereau reçu le 23 février 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international a informé le ministre chargé des naturalisations que M. A... avait épousé à El Kelaâ des Sraghna (Maroc), le 14 octobre 2014, une ressortissante marocaine résidant habituellement au Maroc. Par décret du 12 février 2018, publié au Journal officiel le 14 février 2018, le ministre de l'intérieur a rapporté le décret du 24 juin 2015 prononçant la naturalisation de M. A... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé des naturalisations a notifié à M. A... les motifs justifiant le retrait du décret ayant prononcé sa réintégration dans la nationalité française par une lettre datée du 3 mai 2016. La lettre a été expédiée au nom et à l'adresse de l'intéressé avec demande d'avis de réception. Elle a été présentée à son domicile le 6 mai 2016 mais n'a pas été réclamée par l'intéressé aux services postaux, qui ont retourné le pli au ministre après l'expiration du délai de mise en instance postal. Cette notification doit être regardée, faute pour l'intéressé d'avoir pris toutes les dispositions utiles pour retirer le pli qui lui avait été régulièrement adressé, comme étant intervenue à la date de première présentation du pli par les services postaux, soit le 6 mai 2016. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal faute pour l'intéressé d'avoir pu présenter ses observations en défense dans le délai d'un mois prévu par les articles 59 et 62 du décret du 30 décembre 1993 ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 21-6 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition se trouve remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française. Par suite, ainsi que l'énonce le décret attaqué la circonstance que l'intéressé ait dissimulé s'être marié au Maroc avec une ressortissante marocaine au cours de l'instruction de sa demande de naturalisation, était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié le 14 octobre 2014 avec une ressortissante marocaine résidant habituellement au Maroc. Ce mariage a constitué un changement de sa situation familiale qu'il aurait dû porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme il s'y était engagé en déposant sa demande de naturalisation, ce qu'il n'a pas fait avant que lui soit accordée la nationalité française. Si M. A... soutient qu'il était de bonne foi et qu'il a d'ailleurs sollicité la transcription de ce mariage sur les registres de l'état civil fin 2015, il ne fait état d'aucune circonstance qui l'aurait mis dans l'impossibilité de faire part de son changement de situation familiale au service chargé de l'instruction de son dossier avant l'intervention du décret lui accordant la nationalité française. En outre, M. A... n'apporte aucun élément au soutien de l'allégation selon laquelle il aurait informé la préfecture de son mariage à une date antérieure au 12 février 2018. L'intéressé, qui maîtrise la langue française, ainsi qu'il ressort du compte-rendu d'assimilation du 11 décembre 2014, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé le changement de sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le ministre de l'intérieur, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 12 février 2018 par lequel le premier ministre a rapporté le décret du 24 juin 2015 qui lui avait accordé la nationalité française.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.