Elles soutiennent que :
- la décision attaquée est entachée d'incompétence, dès lors que, d'une part, la Ligue nationale de volley ne pouvait à elle seule prononcer l'arrêt du classement à la fin de la dernière journée jouée s'agissant d'une compétence partagée avec la fédération et, d'autre part, les instances fédérales et les ligues n'ont pas le pouvoir d'adopter des mesures excédant la suspension des compétitions sans y avoir été habilitées par la loi ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle n'a pas été prise au terme d'une procédure contradictoire, en méconnaissance de la charte d'éthique et de déontologie de la Fédération française de volley du 21 octobre 2017 ;
- elle méconnaît les principes de cette charte ;
- elle est illégale, dès lors que la Ligue ne pouvait abroger ou retirer la décision édictant les calendriers du début de saison sans méconnaître les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration et sans disposer d'habilitation législative ou, à tout le moins, la Ligue ne pouvait qu'arrêter les compétitions eu égard aux circonstances exceptionnelles, mais non en tirer les conséquences pour les accessions et relégations ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale dès lors qu'aucune habilitation législative ne fondait la décision contestée ;
- elle méconnaît la convention conclue entre la Fédération française de volley et la Ligue nationale de volley ainsi que le code du sport et les objectifs d'équité et d'éthique des compétitions, dont il résulte que le classement aurait dû être arrêté à l'issue de la phase des matchs aller ;
- elle méconnaît le principe d'égalité ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
2°/ Sous le n° 441541, par une ordonnance n° 2003628 du 30 juin 2020, enregistrée le 1er juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente du tribunal administratif de Melun a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la SASP Le Grand Nancy Volley-Ball et l'association Le Grand Nancy Volley-Ball. Par cette requête, la SASP Le Grand Nancy Volley-Ball et l'association Le Grand Nancy Volley-Ball présentent les mêmes conclusions et les mêmes moyens que sous le n° 440801.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du sport ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
- le code de justice administrative, l'ordonnance n°2020-1402
du 18 novembre 2020 et le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
Sur les circonstances dans lesquelles est intervenu le litige :
1. En raison de l'émergence d'un nouveau coronavirus, de caractère pathogène et particulièrement contagieux, et de sa propagation sur le territoire français, le ministre des solidarités et de la santé, par plusieurs arrêtés successifs pris à compter du 4 mars 2020, a interdit, de façon de plus en plus stricte, les rassemblements, réunions ou activités mettant en présence de manière simultanée un certain nombre de personnes, et a décidé la fermeture d'un nombre croissant de catégories d'établissements recevant du public. Par un décret du 16 mars 2020, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile à l'exception des déplacements pour des motifs limitativement énumérés. La loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, terme ultérieurement reporté au 10 juillet 2020 par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire. Le Premier ministre, par un décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, a réitéré le principe de l'interdiction des déplacements, la prohibition de tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert et la fermeture de la plupart des établissements accueillant du public, notamment les établissements sportifs couverts et les établissements de plein air, ainsi que les établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques ou sportives.
2. A partir de l'intervention du décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les déplacements n'ont été autorisés que dans la limite de cent kilomètres, a été maintenue l'interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, les établissements sportifs couverts sont demeurés fermés et si les établissements sportifs de plein air ont pu organiser la pratique de certaines activités physiques et sportives, celle des sports collectifs est demeurée interdite. Le décret
du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire a maintenu ce régime, sauf pour l'interdiction des déplacements, dans les départements classés en zone orange ; dans ceux classés en zone verte, la pratique des sports collectifs a été rendue possible pour les sportifs de haut niveau et les sportifs professionnels, à l'exception de toute pratique compétitive, cette dernière réserve n'ayant été levée que par un décret du 21 juin 2020.
3. Dès le 12 mars 2020, le bureau exécutif de la Ligue nationale de volley a décidé de suspendre, à partir du lendemain, les compétitions de Ligue A Féminine,
Ligue A Masculine et Ligue B Masculine. Le 10 avril 2020, le comité directeur de la Ligue a décidé :
- de prononcer l'arrêt définitif des compétitions pour la saison 2019/2020,
- de maintenir le principe d'une accession et d'une relégation entre les différentes divisions, sur la base du classement existant à la date 12 mars 2020.
4. Les deux requêtes de la société anonyme sportive professionnelle (SASP) Grand Nancy Volley-Ball et de l'association Grand Nancy Volley-Ball, dirigées contre cette décision du 10 avril 2020, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur le cadre juridique :
5. Aux termes de l'article L. 131-14 du code du sport : " Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports ". Aux termes de l'article L. 131-15 du même code : " Les fédérations délégataires : 1° Organisent les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux (...). " Aux termes de l'article L. 131-16 du même code : " Les fédérations délégataires édictent : 1° Les règles techniques propres à leur discipline ainsi que les règles ayant pour objet de contrôler leur application et de sanctionner leur non-respect par les acteurs des compétitions sportives (...). ". Aux termes de l'article R. 131-32 du même code : " Les règles techniques édictées par les fédérations sportives délégataires comprennent : / 1° Les règles du jeu applicables à la discipline sportive concernée ; / 2° Les règles d'établissement d'un classement national, régional, départemental ou autre, des sportifs, individuellement ou par équipe ; / 3° Les règles d'organisation et de déroulement des compétitions ou épreuves aboutissant à un tel classement ; / 4° Les règles d'accès et de participation des sportifs, individuellement ou par équipe, à ces compétitions et épreuves ". Aux termes de l'article L. 132-1 du même code : " Les fédérations sportives délégataires peuvent créer une ligue professionnelle, pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives (...) ". Aux termes de l'article R. 132-1 du même code, une fédération sportive délégataire peut créer une ligue professionnelle dotée de la personnalité morale soit pour organiser les compétitions sportives qu'elle définit, soit pour fixer, pour les compétitions sportives qu'elle définit, leurs conditions d'organisation et celles de la participation des sportifs. En application de l'article R. 132-12 du même code, la réglementation et la gestion des compétitions mentionnées à l'article R. 132-1 relèvent de la compétence de la ligue professionnelle, sous réserve des compétences propres de la fédération et des compétences exercées en commun par la fédération et par la ligue, mentionnées aux
articles R. 132-10 et R. 132-11. Les relations entre la fédération délégataire et la ligue qu'elle crée sont, en vertu de l'article R. 132-9, fixées par une convention.
6. En confiant, à titre exclusif, aux fédérations sportives ayant reçu délégation la mission d'organiser des compétitions sur le territoire national, le législateur a chargé ces fédérations de l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif. Les décisions procédant de l'usage par ces fédérations des prérogatives de puissance publique qui leur ont été conférées pour l'accomplissement de cette mission de service public présentent le caractère d'actes administratifs. Le pouvoir d'organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux, conféré aux fédérations délégataires par l'article L. 131-16, peut être exercé par des ligues professionnelles pour la participation aux compétitions qu'elles organisent. Par convention conclue entre la Fédération française de volley et la Ligue nationale de volley en application de l'article R. 132-9 du code du sport, la gestion du volley professionnel a été déléguée à la Ligue nationale de volley, notamment chargée d'organiser, de gérer et de réglementer les championnats de Ligue A et de Ligue B masculines et le championnat de Ligue A féminine. Il appartient en conséquence à la Ligue nationale de volley de réglementer ces compétitions.
Sur la décision du comité directeur de la Ligue nationale de volley en date du 10 avril 2020 :
En ce qui concerne la décision de mettre un terme définitif aux championnats :
7. Lors de sa réunion du 10 avril 2020, le comité directeur de la Ligue nationale de volley a estimé, compte tenu des annonces gouvernementales et des contraintes de calendrier, de la nécessité de préserver la santé de tous les acteurs des rencontres de volley, ainsi que de l'intérêt s'attachant à ce que les clubs disposent de la visibilité nécessaire pour gérer l'intersaison et organiser la saison 2020-2021, qu'il convenait de prendre la décision d'arrêter de façon définitive les championnats professionnels que la Ligue organise.
8. En premier lieu, en prévoyant, par l'article L. 132-1 du code du sport, que les fédérations sportives délégataires peuvent créer une ligue professionnelle, le législateur a entendu permettre à une fédération de déléguer une partie de ses attributions à une telle ligue, notamment en ce qui concerne la règlementation des compétitions. Si aucune disposition applicable aux championnats organisés par la Ligue nationale de volley ne prévoit la possibilité d'un arrêt définitif de ceux-ci avant leur terme, la Ligue tire des dispositions de
l'article R. 132-12 du code du sport et de celles de la convention conclue avec la Fédération française de volley en application de l'article R. 132-9 du même code la compétence pour prendre la décision contestée, qui adopte des dispositions réglementaires dérogeant au règlement normalement applicable aux compétitions dont elle a la charge. Le moyen tiré de ce que la décision d'interrompre les championnats professionnels aurait requis une habilitation législative ne peut, par suite, qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, si la compétence en ce qui concerne l'élaboration du calendrier des compétitions professionnelles est partagée entre la Ligue nationale de volley et la Fédération française de volley, en application de l'article R. 132-11 du code du sport et de la convention conclue entre ces deux organismes, afin, en particulier, que les dates des différentes compétitions nationales et internationales n'interfèrent pas sur le bon déroulement de chacune d'entre elles, la décision d'interrompre les championnats de manière définitive avant leur terme ne porte pas sur l'élaboration du calendrier ainsi entendue. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle nécessitait une décision conjointe de la Ligue et de la Fédération doit être écarté.
10. En troisième lieu, les requérantes ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration à l'encontre de la décision attaquée, qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne procède pas à l'abrogation d'une décision créatrice de droits.
En ce qui concerne la décision de procéder à un classement en se fondant sur les rencontres disputées au 12 mars 2020 et de procéder à des relégations et accessions sur la base de ce classement :
11. En l'absence, dans la réglementation applicable aux compétitions organisées par la Ligue nationale de volley, de dispositions ayant prévu par avance des règles à suivre lorsque des circonstances imprévues conduisent à interrompre les compétitions de façon définitive avant leur terme, il appartenait au comité directeur de la Ligue de déterminer, dans le cadre de son pouvoir réglementaire, les conséquences à tirer de l'interruption des championnats. A ce titre, le comité directeur a fait le choix de procéder à un classement des équipes engagées dans ces championnats, sur la base des rencontres disputées au 12 mars 2020, et de procéder à des relégations et accessions.
12. En premier lieu, si, aux termes de la " Charte d'éthique " adoptée par Fédération française de volley, " dans leur fonctionnement général, les commissions de la FFVB et de la LNV sont marquées, notamment, par les principes d'objectivité, de neutralité et du contradictoire ", ces dispositions n'imposaient pas, en tout état de cause, que le club du Grand Nancy Volley-Ball soit mis à même de présenter ses observations avant l'édiction de la disposition réglementaire contestée.
13. En deuxième lieu, si d'autres solutions étaient envisageables, comme de décider que les championnats ne donneraient lieu, pour la saison 2019-2020, ni à un classement, ni à des accessions et relégations, décision qui se serait donc traduite par une " saison blanche " - solution qui a été adoptée par les ligues professionnelles de certains autres sports collectifs -, le choix d'arrêter un classement non pas au vu de la seule phase aller des championnats mais sur la base de l'intégralité des rencontres disputées, alors que seize des dix-huit journées de la saison régulière avaient été disputées, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, y compris au regard de la prise en compte des intérêts éthiques et des objectifs d'équité du sport. Compte tenu des circonstances qui ont conduit à l'interruption du championnat, il ne peut être regardé comme contraire au principe d'égalité ni, en tout état de cause, à un " principe d'unicité de chaque phase du championnat ".
14. Enfin, dès lors qu'elle ne conduit pas à modifier les résultats des rencontres qui se sont antérieurement déroulées, l'application à des compétitions en cours qui ont été interrompues de règles nouvelles dont le seul objet est de permettre le classement des clubs concernés, en dérogeant aux règles qui prévoient que ce classement est arrêté à l'issue des championnats, ne saurait être regardée comme affectant une situation juridique définitivement constituée et ne revêt donc pas un caractère rétroactif. Il ne saurait être davantage soutenu qu'aurait été méconnu, en l'espèce, le principe de sécurité juridique, au motif que les règles nouvelles sont immédiatement applicables, alors que l'interruption des championnats rendait précisément nécessaire qu'elles le soient.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la Ligue nationale de volley, que les requêtes présentées par la SASP Grand Nancy Volley-Ball et l'association Grand Nancy Volley-Ball doivent être rejetées, y compris leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la Ligue nationale de volley.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la SASP Grand Nancy Volley-Ball et de l'association Grand Nancy Volley-Ball sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Ligue nationale de volley au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SASP Grand Nancy Volley-Ball, première requérante dénommée, et à la Ligue nationale de volley.
Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à la Fédération française de volley.