Résumé de la décision
M. B... A..., qui a été naturalisé français par le décret de son père en 1961, a contesté la légalité d'un décret de 1964 le libérant de ses liens d'allégeance avec la France. Il a formulé deux requêtes devant le Conseil d’État, demandant l'annulation de ce décret ainsi que le retrait du décret par le Premier ministre. Le Conseil d’État a jugé les deux requêtes irrecevables en raison de leur tardiveté, M. A... n'ayant pas déposé sa contestation dans un délai raisonnable, qui ne saurait excéder trois ans. En conséquence, les requêtes ont été rejetées.
Arguments pertinents
1. Tardiveté de la requête : Le Conseil d’État a souligné que, selon le principe de sécurité juridique, les décisions administratives individuelles ne peuvent être contestées indéfiniment. Il a précisé que la requête de M. A... était irrecevable car elle a été formée plus de trois ans après la publication du décret, le 6 décembre 1964. Les écritures du requérant rapportent qu'il avait connaissance du décret au moins depuis 1972, ce qui renforce cet argument de tardiveté.
- Citation pertinente : "S'agissant d'un décret de libération des liens d'allégeance, ce délai ne saurait... excéder, sauf circonstances particulières... trois ans à compter de la date de publication du décret."
2. Absence de fraude : M. A... a allégué que le décret avait été obtenu par fraude, car sa demande n’aurait pas été signée par lui mais par un tiers (son oncle). Le Conseil d’État a rejeté cette affirmation, considérant que cela n'engageait pas une remise en cause du décret mais offrait simplement à l'administration l'opportunité de le retirer sans délai.
- Citation pertinente : "Cette circonstance... aurait pour seul effet de permettre au Gouvernement... de le rapporter à tout moment, sans proroger le délai du recours contentieux contre ce décret."
Interprétations et citations légales
1. Sécurité juridique : Le Conseil d’État a appliqué le principe de sécurité juridique, qui stipule qu’une décision administrative doit être contestée dans un délai raisonnable pour éviter l’insécurité juridique continue. Cela découle de la jurisprudence relative à la stabilité des situations juridiques établies.
2. Délai de contestation : L’article 91 du Code de la nationalité française stipule les conditions dans lesquelles une personne perd la nationalité française. Le Conseil d’État a fait référence à ce code pour rappeler que la procédure pour contester un décret de libération des liens d'allégeance est soumise à des délais stricts.
- Code de la nationalité française - Article 91 : "Perd la nationalité française, le Français même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français."
3. Conditions particulières pour le retrait d'un décret : Le Conseil a également mentionné l'article L. 241-2 du Code des relations entre le public et l'administration, ce qui permet à l'administration de retirer une décision sans condition de délai. Toutefois, cela ne justifie pas le recours tardif.
- Code des relations entre le public et l'administration - Article L. 241-2 : "L'administration peut retirer une décision sans condition de délai lorsque les circonstances le justifient."
En somme, la décision du Conseil d'État repose sur une interprétation rigoureuse des délais de recours et du principe de sécurité juridique, soulignant l'importance de la connaissance des décisions administratives par les requérants.