Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 janvier, 2 mai et 24 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Bouches-du-Rhône demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de cet arrêt ;
2°) de rejeter la requête d'appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Mal Invest la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Bouches-du-Rhône et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société d'investissement et de participation du pays d'Aix (SIPPA) et de la société Mal Invest ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'investissement et de participation du pays d'Aix (SIPPA) a géré une maison de retraite, jusqu'en 2013, et devait, dans ce cadre, au département des Bouches-du-Rhône, une somme de 430 707 euros correspondant essentiellement à des pensions perçues par les résidents, qu'elle devait reverser à ce département en contrepartie des dépenses d'hébergement qu'il prenait en charge. Après diverses tentatives de recouvrement de cette somme, le payeur départemental a émis, le 25 juin 2015, une double opposition à tiers détenteur n° 38/2015 à l'encontre de la société " Le château de la Malle ", qui avait entre temps racheté le fonds de commerce exploité par la SIPPA, pour les sommes que cette société devait à cette dernière, et à la société Mal Invest, propriétaire des murs de la maison de retraite et du terrain l'entourant. Le département des Bouches-du-Rhône se pourvoit en cassation contre les articles 2 et 3 de l'arrêt du 28 novembre 2016 par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement de première instance en tant qu'il avait rejeté les conclusions tendant à l'annulation de cette opposition à tiers détenteur en tant qu'elle concernait la société Mal Invest puis a fait droit à ces conclusions.
2. Aux termes du premier alinéa du 7° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Le recouvrement par les comptables publics compétents des titres rendus exécutoires dans les conditions prévues au présent article peut être assuré par voie d'opposition à tiers détenteur adressée aux personnes physiques ou morales qui détiennent des fonds pour le compte de redevables, qui ont une dette envers lui ou qui lui versent une rémunération ". Une opposition à tiers détenteur peut être émise, en application de ces dispositions, à l'encontre des personnes physiques ou morales qui détiennent des fonds pour le compte du redevable à l'encontre duquel un titre exécutoire a été émis, qui ont une dette envers lui ou qui lui versent une rémunération. Elle peut également être émise à l'encontre des tiers détenteurs qui sont dans la même situation à l'égard des personnes qui se sont obligées, pour le compte du redevable, à rembourser le créancier public, à travers une délégation de paiement, au sens de l'article 1275 du code civil, alors applicable et désormais repris aux articles 1336 et suivants du même code, à la condition toutefois qu'un titre exécutoire ait été préalablement émis à l'encontre de ces personnes.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que par un courrier du 14 octobre 2013 adressé au payeur départemental à la suite d'une réunion avec celui-ci et avec la SIPPA, la société Mal invest s'est engagée à verser pour le compte de cette dernière au département des Bouches du Rhône le montant, chiffré à 445 706,80 euros, des pensions à reverser qui lui étaient encore dues, en précisant que ce versement serait permis par la vente prévue " fin 2013/début 2014 " à la société " Le château de la Malle " d'un terrain situé à côté de la maison de retraite et sur lequel cette société devait construire un nouvel établissement pour exploiter le fonds de commerce qu'elle avait acquis et, d'autre part, que cette vente n'est finalement pas intervenue, la société " Le château de la Malle " ayant préféré prendre en location le terrain. Dès lors qu'elle a relevé, par une appréciation souveraine dont il n'est pas allégué qu'elle serait entachée de dénaturation, qu'aucun titre exécutoire n'avait été émis à l'encontre de la société Mal Invest, la cour pouvait en déduire que cette société était fondée à demander l'annulation de l'opposition à tiers détenteur litigieuse émise à l'encontre de la société " Le château de la Malle " à raison des loyers qu'elle lui devait, sans commettre d'erreur de droit et sans que le département requérant puisse utilement invoquer la dénaturation que la cour aurait commise en estimant que la société Mal invest n'avait admis aucune obligation de payer susceptible de donner une base légale à cet acte.
4. Il résulte de ce qui précède que le département des Bouches-du Rhône n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Sa demande présentée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut, par suite, qu'être rejetée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 3000 euros à verser à la société Mal Invest au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du département des Bouches-du-Rhône est rejeté.
Article 2 : Le département des Bouches-du-Rhône versera une somme de 3 000 euros à la société Mal Invest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au département des Bouches-du-Rhône et à la société Mal Invest.