Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 34 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du II de l'article L. 231-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l'article 45 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " Dans l'intérêt de la protection de la santé publique, il doit être procédé : (...) 5° Au contrôle officiel de la mise en oeuvre des bonnes pratiques d'hygiène et des systèmes d'analyse des dangers et des points critiques pour les maîtriser, en application de l'article 10 du règlement (CE) n° 882 / 2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 (...). / Les résultats des contrôles effectués en application du plan national de contrôles officiels pluriannuel sont rendus publics selon des modalités fixées par voie réglementaire ".
2. Le décret du 15 décembre 2016 organisant la publication des résultats des contrôles officiels en matière de sécurité sanitaire des aliments, pris pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 231-1 précité, insère dans la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime un article D. 231-3-8, qui prévoit la publication des résultats des contrôles officiels des établissements de production, de transformation et de distribution de produits alimentaires sur les sites internet des ministères chargés de l'agriculture et de la consommation, un article D. 231-3-9, qui fixe la liste des données rendues publiques, à savoir le nom et l'adresse de l'établissement, la date du dernier contrôle officiel et la mention relative au niveau d'hygiène évalué lors de ce contrôle, un article D. 231-3-10, qui prévoit que les données ainsi rendues publiques restent disponibles sur les sites internet des ministères pendant une durée d'un an à compter de la date du dernier contrôle et un article D. 231-3-11, aux termes duquel : " La mention relative au niveau d'hygiène de l'établissement, prévue au 4° de l'article est l'une des quatre suivantes : 1° " Niveau d'hygiène très satisfaisant " pour les établissements ne présentant pas de non-conformité, ou présentant uniquement des non-conformités mineures ; 2° " Niveau d'hygiène satisfaisant " pour les établissements présentant des non-conformités qui ne justifient pas l'adoption de mesures de police administrative mais auxquels l'autorité administrative adresse une lettre d'avertissement, ou pour les établissements évalués favorablement lors du contrôle de suivi réalisé après une mise en demeure, une fermeture, un retrait ou une suspension de l'agrément sanitaire ; 3° " Niveau d'hygiène à améliorer " pour les établissements dont l'exploitant a été mis en demeure de procéder à des mesures correctives dans un délai fixé par l'autorité administrative ; 4° " Niveau d'hygiène à corriger de manière urgente " pour les établissements présentant des non-conformités susceptibles de mettre en danger la santé du consommateur et pour lesquels l'autorité administrative ordonne la fermeture administrative ou le retrait ou la suspension de l'agrément sanitaire. / L'exploitant de l'établissement est informé, avant l'attribution de l'une des mentions définies aux 2°, 3° et 4°, de l'appréciation que les agents compétents pour mener le contrôle envisagent de retenir et dispose de 15 jours pour faire valoir ses observations sur l'attribution de cette mention et sur sa publication ".
3. En premier lieu, ces dispositions se bornent à organiser les modalités de la publication, prévue par les dispositions législatives citées ci-dessus, des résultats des contrôles destinés à vérifier la conformité des établissements concernés aux obligations en matière d'hygiène auxquelles ceux-ci sont tous identiquement soumis, sans leur imposer aucune obligation nouvelle. En ce qu'il prévoit l'attribution de mentions différentes selon les résultats de ces contrôles, le décret attaqué ne comporte aucune disposition relative aux conditions essentielles d'exercice des professions du secteur ou à la liberté d'entreprendre, contrairement à ce que soutient l'association requérante. Celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le décret excèderait l'habilitation donnée par le législateur au pouvoir réglementaire en vertu du dernier alinéa de l'article L. 231-1 du code rural et de la pêche maritime précité et méconnaîtrait la compétence dévolue au législateur par l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 et les dispositions de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
4. En deuxième lieu, les mentions dont les dispositions attaquées prévoient la publication reflètent seulement le résultat des contrôles opérés et les conséquences qui en ont été tirées par l'administration par des mesures qui résultent des contrôles réalisés dans l'intérêt de la protection de la santé publique, en application de l'article L. 231-1 du code rural et de la pêche maritime et qui ne constituent pas des sanctions mais des mesures de police administrative. L'association requérante n'est donc fondée à soutenir ni que le décret attaqué instaurerait illégalement des sanctions, en se référant à des mesures telles qu'une lettre d'avertissement ou une mise en demeure, ni qu'il aurait pour objet la publication de sanctions, ni que la publication qu'il prévoit constituerait une sanction qui relèverait de la loi. Son moyen tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation et de proportionnalité des peines protégé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peut lui aussi qu'être écarté.
5. En troisième lieu, l'association requérante soutient que les dispositions du décret attaqué, en tant qu'elles instituent les quatre mentions indiquées au point 1, portent atteinte au principe d'égalité entre les différents établissements concernés. Toutefois, en prévoyant que la mention " niveau d'hygiène très satisfaisant " est attribuée aux établissements ne présentant pas de non-conformité ou présentant uniquement des non-conformités mineures, tandis que la mention " niveau d'hygiène satisfaisant " est attribuée aux établissements présentant des non-conformités qui ne justifient pas l'adoption de mesures de police administrative mais auxquels l'autorité administrative adresse une lettre d'avertissement, ou aux établissements évalués favorablement lors du contrôle de suivi réalisé après une mise en demeure, une fermeture, un retrait ou une suspension de l'agrément sanitaire, le décret attaqué opère une distinction reposant sur des critères objectifs et rationnels au regard de l'objet des dispositions législatives pour l'application desquelles il a été pris, qu'il s'agisse de distinguer entre établissements ayant fait l'objet d'un constat de non-conformités mineures et établissements ayant fait l'objet d'un constat de non-conformités justifiant l'envoi d'une lettre d'avertissement, ou qu'il s'agisse de réserver la mention " niveau d'hygiène très satisfaisant " aux établissements dont les contrôles ont permis de constater une maîtrise satisfaisante des risques sanitaires et de prévoir que les établissements qui n'ont été évalués favorablement que lors d'un contrôle de suivi effectué après une mise en demeure, une fermeture, un retrait ou une suspension de l'agrément sanitaire ne peuvent d'emblée bénéficier de la mention " niveau d'hygiène très satisfaisant " et se voient attribuer la mention " niveau d'hygiène satisfaisant ", ou enfin qu'il s'agisse de regrouper au sein de cette dernière mention ces établissements et ceux qui ont fait l'objet d'une lettre d'avertissement. Par ailleurs, l'association requérante ne saurait utilement soutenir que les dispositions attaquées peuvent conduire à attribuer une mention différente à un établissement qui a fait l'objet d'une mise en demeure, d'une fermeture, d'une suspension ou d'un retrait d'agrément selon que l'administration attend ou non le résultat du contrôle de suivi avant de publier la mention correspondant aux résultats du contrôle initial, dès lors qu'il résulte des dispositions attaquées, notamment de l'article D. 231-3-11 prévoyant que l'exploitant de l'établissement est informé, avant l'attribution d'une mention, de l'appréciation que l'administration envisage de retenir et qu'il dispose de quinze jours pour faire valoir ses observations sur l'attribution de cette mention et sur sa publication, que la procédure de publication instituée est identique pour tous les établissements. Enfin, l'association requérante ne saurait soutenir utilement, à l'encontre du décret attaqué, que les établissements bénéficiant d'une mention " niveau d'hygiène très satisfaisant " se voient conférer un avantage concurrentiel sur les établissements qui auraient vocation à en bénéficier également mais qui, n'ayant pas été contrôlés, ne se voient attribuer aucune mention, dès lors que cette différence de traitement découle directement de la loi pour l'application de laquelle ce décret a été pris, qui prévoit seulement que sont publiés les résultats des contrôles opérés.
6. En quatrième lieu, l'association requérante soutient que le décret attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il fixe à un an la durée de la publication des mentions reflétant les résultats des contrôles sanitaires, dès lors que cette durée excède largement celle qui permet aux établissements visés par des lettres d'avertissement, des mises en demeure ou des mesures de fermeture, de suspension ou de retrait d'agrément de se mettre en conformité et qu'elle porte donc une atteinte excessive à la réputation de ces établissements. Toutefois, d'une part, la mention " niveau d'hygiène satisfaisant ", attribuée aux établissements ayant fait l'objet d'une simple lettre d'avertissement, n'est pas de nature à porter atteinte à leur réputation. D'autre part, s'agissant des mentions " niveau d'hygiène à améliorer " ou " niveau d'hygiène à corriger de manière urgente ", l'article D. 231-3-11 du code rural et de la pêche maritime prévoit la réalisation d'un contrôle de suivi et il ressort des pièces du dossier, notamment de la réponse du ministre de l'agriculture à la mesure d'instruction ordonnée le 11 décembre 2018, qu'en cas de mise en demeure aboutissant à la mention " à améliorer ", un second contrôle de l'établissement concerné est systématiquement réalisé à l'issue du délai accordé à l'exploitant pour se mettre en conformité et qu'en cas de mesure de fermeture, de suspension ou de retrait d'agrément, la réouverture de l'établissement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un nouveau contrôle. Dès lors que ce nouveau contrôle doit se traduire par l'attribution et la publication d'une nouvelle mention, se substituant à celle qui a été publiée à l'issue du premier contrôle, la durée de publication de ces mentions, fixée à un an, n'est pas manifestement excessive au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi. Enfin, et en tout état de cause, l'association requérante ne peut utilement invoquer une méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la publication contestée ne porte atteinte au respect d'aucun bien ou intérêt patrimonial au sens de ces stipulations.
7. En dernier lieu, si la durée effective de publication des mentions, fixée à un an après la date de réalisation du contrôle, peut varier en pratique selon la durée nécessaire à cette publication à l'issue du contrôle, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il en résulterait une différence de traitement contraire au principe d'égalité, dès lors que la différence ainsi contestée, qui au demeurant ne résulte pas directement du décret attaqué, tient essentiellement à la faculté offerte à l'exploitant concerné de présenter ses observations sur l'attribution et la publication de la mention envisagée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque ni du rejet implicite, par le Premier ministre, de sa demande tendant au retrait de ce décret.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au ministre des armées, au ministre de l'action et des comptes publics et au Premier ministre.