Par une décision n° 351852 du 1er octobre 2013, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Par un arrêt n° 13VE03133 du 25 mars 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel de la société Sogetra.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juin et 10 septembre 2014 et le 31 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sogetra demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la société Sogetra ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la société Sogetra, l'administration fiscale a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 1999 les provisions que cette société avait constituées au titre de sommes dues au Fonds national pour l'emploi (FNE) en vertu de conventions signées les 9 mars 1992 et 4 juin 1997 et d'un avenant conclu le 5 mars 1999 avec la direction départementale du travail et de l'emploi de la Guadeloupe ; que, par une décision n° 351852 du 1er octobre 2013, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 14 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles avait rejeté l'appel formé par la société Sogetra contre le jugement du 8 juillet 2010 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions assises sur cet impôt résultant de la réintégration des provisions mentionnées ci-dessus, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1999 ; que la société Sogetra se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 mars 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur renvoi, a rejeté son appel ;
2. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :/ (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant de charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;
3. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a jugé fondée la réintégration des sommes en litige, inscrites dans un compte de provisions, dans le résultat imposable de la société au titre de l'exercice clos en 1999 au motif qu'elles devaient être analysées, à raison de leur caractère liquide et exigible, comme des dettes certaines ; que, toutefois, une dette certaine dans son principe et dans son montant concourt à la réduction, à concurrence de ce montant, de l'actif net à la clôture de l'exercice et, par là-même, du résultat imposable ; que, dès lors, en jugeant ainsi qu'elle l'a fait, alors que la requalification de provision en dette certaine figurant au passif du bilan de l'exercice était sans incidence sur le résultat imposable de la société, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, la société Sogetra est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
4. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la convention conclue par la société Sogetra et la direction départementale du travail et de l'emploi de la Guadeloupe le 9 mars 1992 ainsi que celle conclue le 4 juin 1997 et amendée le 5 mars 1999, prévoyaient respectivement, à l'article 6 et à l'article 7, d'une part, les modalités de calcul des contributions dues par l'entreprise au FNE en fonction, premièrement, du salaire journalier de référence, défini à l'article 2 de ces textes, versé aux bénéficiaires du Fonds avant leur licenciement, deuxièmement, du nombre de jours, également défini aux articles 6 et 7, de perception par ces bénéficiaires de l'allocation spéciale versée par le Fonds et, troisièmement, d'un taux conventionnel, d'autre part, un échéancier de paiement de ces contributions ; que les stipulations conventionnelles précisaient que ce paiement était subordonné à des appels de fonds de la direction départementale du travail et de l'emploi ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces stipulations que les sommes dues par la société Sogetra au FNE s'analysent comme une dette certaine dans son principe comme dans son montant, sans qu'y fasse obstacle le non-respect de l'échéancier de paiement conventionnellement défini à raison de l'absence d'appels de fonds tant au titre de la convention de 1992 que de celle de 1997 amendée en 1999, cette seule circonstance invoquée par le ministre ne suffisant pas à faire présumer l'abandon de sa créance par le titulaire de celle-ci ; que, dans ces conditions, la société Sogetra doit être regardée comme justifiant de manière suffisante du maintien de cette dette, enregistrée à tort à titre de provision et non de charge à payer, dans ses écritures au passif du bilan de l'exercice clos en 1999 ;
7. Considérant, en second lieu, qu'au cours de la procédure contentieuse, la société a, d'une part, réduit le montant de sa dette à l'égard du FNE, initialement provisionnée pour un montant total de 1 556 776 francs, à hauteur de 57 833 francs au titre de la convention signée en 1992 et 97 807 francs au titre de celle signée en 1997, ramenant ainsi le montant de sa dette à 1 401 136 francs ; que la différence résultant de cette correction et s'élevant au total à 155 640 francs doit, par suite, être réintégrée dans le résultat imposable de l'exercice clos en 1999 ; que, d'autre part, la société a indiqué que la provision calculée au titre de la convention signée en 1992 incluait, à hauteur de 173 776 francs, la prise en charge de la participation au FNE due par les salariés bénéficiaires ; que cette prise en charge, qui ne correspond pas à une dépense normale de l'entreprise, doit, par suite, être également réintégrée dans le résultat imposable de l'exercice ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Sogetra est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 8 juillet 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la réduction de sa base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 1999 à hauteur de 1 227 360 francs (187 109,80 euros) ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à la société Sogetra au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 25 mars 2014 est annulé.
Article 2 : La base imposable de la société Sogetra à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 1999 est réduite d'un montant de 1 227 360 francs (187 109,80 euros).
Article 3 : La société Sogetra est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions assises sur cet impôt qui lui ont été assignées au titre de l'exercice clos en 1999 correspondant à la réduction de base définie à l'article 2.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 8 juillet 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : L'Etat versera une somme de 5 000 euros à la société Sogetra au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par la société Sogetra devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Versailles sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société Sogetra et au ministre des finances et des comptes publics.