Résumé de la décision
La décision traite de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les sociétés SOFINA, REBELCO et SIDRO concernant la conformité des dispositions fiscales du Code général des impôts avec les droits garantis par la Constitution. Les sociétés contestent notamment l’imposition à la source des dividendes reçus par des sociétés non résidentes déficitaires, soutenant qu'elles subissent un traitement inégal par rapport aux sociétés résidentes qui ne sont imposées qu'en cas de bénéfice. Le Conseil d'État a décidé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel, jugeant la différence de traitement justifiée par les circonstances.
Arguments pertinents
1. Dispositions fiscales et égalité face à l'impôt : Les sociétés requérantes soutiennent que les dispositions fiscales en vigueur portent atteinte aux principes d'égalité devant la loi et les charges publiques. En effet, lorsque le régime des sociétés mères n'est pas applicable, les dividendes des sociétés non résidentes déficitaires sont imposés directement par une retenue à la source, alors que les sociétés résidentes ne le sont qu’en cas de bénéfices ultérieurs.
> "le moyen tiré de ce que le 2 de l'article 119 bis [...] porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté."
2. Différence de traitement justifiée : Le Conseil d'État explique que cette différence de technique d'imposition repose sur la différence de situation entre sociétés résidentes et non résidentes. Les sociétés résidentes sont sous le contrôle direct de l'administration fiscale française, ce qui n'est pas le cas pour les sociétés non résidentes.
> "Cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet des dispositions contestées, qui visent à garantir le paiement de l'impôt dû sur les dividendes versés à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France."
3. Absence de charge excessive : Bien que les sociétés concernées estiment que la retenue à la source sur des dividendes pour des sociétés déficitaires soit une charge excessive, le Conseil rappelle que le seul fait d’imposer des sociétés déficitaires n'impose pas a priori une charge manifestement excessive.
> "la seule circonstance qu'une contribution fiscale soit mise à la charge de sociétés qui ne sont pas bénéficiaires n'implique pas que les dispositions en cause fassent peser sur elles une charge manifestement excessive."
Interprétations et citations légales
1. Ordonnance n° 58-1067 : L’article 23-5 établit le cadre pour soulever une question prioritaire de constitutionnalité, indiquant que cette question doit être nouvelle, sérieuse et applicable au litige.
> "Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé [...] à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat."
2. Code général des impôts - Article 119 bis : Cet article précise que les dividendes versés à des sociétés non résidentes sont soumis à une retenue à la source, illustrant ainsi les imprécisions liées à leur traitement fiscal.
> "Les produits [...] donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé [...] lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France."
3. Code général des impôts - Article 187 : Cet article détermine le taux de retenue à la source applicable, qui est généralement de 30% pour les dividendes, confirmant le traitement fiscal développé dans cette décision.
> "le taux de cette retenue est fixé en principe à 30 % pour ces revenus."
Ce cas met en lumière des enjeux complexes autour de la fiscalité des sociétés non résidentes et de l'application des principes d'égalité fiscale et de traitement équitable face à l'impôt, tout en soulignant la légitimité des dispositifs mise en place pour le recouvrement fiscal.