1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la protestation de M.D....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes ;
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. D...;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives aux maires et adjoints sont applicables au président et aux membres de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre ". Aux termes de l'article L. 2122-13 du même code : " L'élection du maire et des adjoints peut être arguée de nullité dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre les élections du conseil municipal ". Enfin, aux termes de l'article L. 248 du code électoral : " Tout électeur et tout éligible a le droit d'arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de dispositions contraires, les protestations dirigées contre les opérations électorales par lesquelles un conseil municipal désigne les délégués de la commune à l'assemblée d'un établissement public de coopération intercommunale doivent être formées et instruites dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre les élections du conseil municipal et qu'il en va de même pour l'appel d'un jugement statuant sur de telles protestations.
2. Aux termes de l'article R. 773-1 du code de justice administrative : " Les requêtes en matière d'élections municipales (...) sont présentées, instruites et jugées dans les formes prescrites par le présent code, par le code électoral et par les lois particulières en la matière ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 119 du code électoral : " la notification [de la protestation] est faite, dans les trois jours de l'enregistrement de la protestation, aux conseillers dont l'élection est contestée qui sont avisés en même temps qu'ils ont cinq jours pour tout délai à l'effet de déposer leurs défenses au greffe (bureau central ou greffe annexe) du tribunal administratif et de faire connaître s'ils entendent ou non user du droit de présenter des observations orales ". Les dispositions des articles R. 611-3 et R. 611-4 du code de justice administrative prévoient que les notifications notamment de la requête et des avis d'audience " sont obligatoirement effectuées au moyen de lettres recommandées avec demande d'avis de réception " ou dans la forme administrative. Ces dispositions imposent au tribunal administratif statuant sur une protestation formée contre des opérations électorales, à peine d'irrégularité de son jugement, de notifier personnellement à toutes les personnes dont l'élection est contestée la protestation en cause soit en la forme administrative, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
3. Il résulte de l'instruction que la protestation de M. D...a bien été communiquée dans les formes requises à M.M..., proclamé élu conseiller communautaire de Bouéni, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception. En revanche, ne figurent pas au dossier les avis de réception de courriers destinés à Mme H..., à M.L..., à Mme B..., à M. A...et à MmeE..., proclamés élus conseillers communautaires sur la liste conduite par M. M..., ni celui du courrier destiné à M. C..., lui aussi proclamé élu conseiller communautaire. Ainsi, il n'est pas établi que ces élus aient reçu, conformément aux exigences énoncées au quatrième alinéa de l'article R. 119 du code électoral, notification de la protestation formée par M. D... contre leur élection.
4. Il résulte de ce qui précède que M. M...est fondé à soutenir que le jugement rendu le 10 mars 2016 par le tribunal administratif de Mayotte est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière et qu'il doit, par suite, être annulé.
5. Le délai imparti au tribunal administratif par l'article R.120 du code électoral pour statuer sur la protestation de M. D...est expiré. Dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur cette protestation.
Sur la fin de non recevoir opposée par M.M... :
6. Aux termes de l'article R. 773-1 du code de justice administrative : " Les requêtes en matière d'élections municipales et cantonales sont présentées, instruites et jugées dans les formes prescrites par le présent code, par le code électoral et par les lois particulières en la matière. ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai. ".
7. Il ne résulte pas de ces dispositions que l'auteur d'une protestation contre des opérations électorales doive y joindre une copie de l'acte qui en constate le résultat. M. M... n'est donc pas fondé à soutenir que la protestation de M. D... serait irrecevable faute d'être accompagnée d'une copie de la décision attaquée.
Sur la régularité des opérations électorales :
8. Aux termes de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales : " Par dérogation aux articles L. 5211-6 et L. 5211-6-1, entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux : / 1° En cas de création d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, (...), il est procédé à la détermination du nombre et à la répartition des sièges de conseiller communautaire dans les conditions prévues à l'article L. 5211-6-1. / (...) Dans les communes dont le conseil municipal est élu selon les modalités prévues au chapitre III du titre IV dudit livre Ier : / (...) b) S'il n'a pas été procédé à l'élection de conseillers communautaires lors du précédent renouvellement général du conseil municipal ou s'il est nécessaire de pourvoir des sièges supplémentaires, les conseillers concernés sont élus par le conseil municipal parmi ses membres et, le cas échéant, parmi les conseillers d'arrondissement au scrutin de liste à un tour, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation, chaque liste étant composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. La répartition des sièges entre les listes est opérée à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Si le nombre de candidats figurant sur une liste est inférieur au nombre de sièges qui lui reviennent, le ou les sièges non pourvus sont attribués à la ou aux plus fortes moyennes suivantes ; ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 2122-8 du même code, applicable à l'élection des membres de l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5211-2 du même code mentionné au point 1 : " Pour toute élection du maire ou des adjoints, les membres du conseil municipal sont convoqués dans les formes et délais prévus aux articles L. 2121-10 à L. 2121-12. La convocation contient mention spéciale de l'élection à laquelle il doit être procédé ". En l'absence de toute formalité prévue par le législateur pour faire acte de candidature à l'élection des délégués d'une commune à l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale, il appartient au président de séance, lors de la réunion du conseil municipal au cours de laquelle il est procédé à la désignation de ces délégués, de mettre les membres du conseil municipal à même de présenter leur candidature avant qu'il soit procédé aux opérations de vote.
9. Il résulte des éléments produits par M.D..., ainsi que des termes mêmes du procès-verbal de l'élection organisée le 19 janvier 2016, que la deuxième liste présentée par lui après une suspension de séance était régulièrement composée, contrairement à la première liste qu'il avait initialement présentée, mais que cette deuxième liste a été refusée par le maire au seul motif qu'elle avait été " déposée hors délai, après l'heure fixée par le maire ". Les membres du conseil municipal n'ont en conséquence été autorisés à porter leurs suffrages que sur les deux autres listes constituées respectivement par le maire, M.M..., et par M. C.... En s'opposant ainsi à ce que soit soumise au scrutin une liste qui avait été présentée en temps utile avant le commencement des opérations de vote, le maire de Bouéni a irrégulièrement privé M. D...et ses colistiers du droit de présenter leur candidature.
10. Il résulte de ce qui précède que M. D...est fondé à demander l'annulation des opérations électorales du 19 janvier 2016.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 10 mars 2016 du tribunal administratif de Mayotte est annulé.
Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 19 janvier 2016 en vue de la désignation des conseillers communautaires de la commune de Bouéni au sein de la nouvelle communauté de communes du Sud sont annulées.
Article 3 : Les conclusions de M. D...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. E...D..., à M. K...M..., à Mme J...H..., à M. P...L..., à Mme F...B..., à M. O... A..., à Mme G...E..., et à M. N...C....
Copie en sera adressée pour information à la commune de Bouéni, au préfet de Mayotte et au ministre de l'intérieur.