Résumé de la décision :
Dans cette affaire, M. B..., un praticien hospitalier contractuel au CHU de Nice, a déposé une plainte contre trois médecins de ce même établissement auprès du conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des médecins. Ce dernier a refusé de les traduire en justice disciplinaire. M. B... a ensuite saisi le Conseil national de l'ordre des médecins, qui a également refusé d'agir. Le tribunal administratif de Nice a jugé que les conclusions de M. B... étaient irrecevables. Toutefois, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement, estimant que M. B... demandait l'annulation des décisions du Conseil national. Le Conseil national a alors formé un pourvoi en cassation.
La décision finale du Conseil d’État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel et le jugement du tribunal administratif, indiquant que les décisions du conseil départemental s'inscrivent dans un cadre juridique distinct de celui prévu par l'article L. 4123-2, et qu'elles peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Le tribunal administratif de Nice est donc invité à réexaminer la demande de M. B....
Arguments pertinents :
1. Compétence des conseils départementaux : Le Conseil d’État clarifie que les conseils départementaux de l'ordre des médecins ont la compétence exclusive pour décider de traduire un médecin devant la chambre disciplinaire concernant des actes liés à leur fonction publique. Il est précisé que ces décisions ne relèvent pas des procédures de l'article L. 4123-2. "Les décisions par lesquelles il décide de ne pas déférer un médecin devant la juridiction disciplinaire peuvent faire directement l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative."
2. Motivation des décisions : La non-application des exigences de recours administratif préalable dans le cas des décisions du conseil départemental souligne l'autonomie de ce dernier en tant qu'organe décisionnel sur des questions disciplinaires. Ce point est essentiel pour établir que la tentative de M. B... d'annuler ces décisions devrait être examinée directement par les voies du droit administratif, et non soumise à une autorité supérieure d'abord.
3. Erreur de droit : En annulant le jugement du tribunal administratif de Nice, le Conseil d'État pointait une "erreur de droit" dans la compréhension des voies de recours possibles pour M. B... Il est noté que ce dernier était en droit de contester directement les décisions du conseil départemental : "Il résulte de ce qui a été dit que la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit".
Interprétations et citations légales :
1. Article L. 4123-2 du Code de la santé publique : Cet article précise la procédure de traitement des plaintes concernant les médecins. La divergence d'interprétation réside dans le fait que ce texte concerne uniquement le mécanisme de conciliation et de transmission des plaintes, et non la décision de ne pas traduire en justice un médecin, qui est régie par des dispositions distinctes. La cour a noté que "les décisions par lesquelles un conseil départemental de l'ordre des médecins apprécie, sur le fondement de l'article L. 4124-2, s'il y a lieu de traduire un médecin chargé d'une fonction publique devant la juridiction disciplinaire ne relèvent pas de l'article L. 4123-2".
2. Article R. 4127-112 du Code de la santé publique : Cet article impose que toutes les décisions d’ordre déontologique doivent être motivées. Cependant, dans ce cas, le Conseil d’État souligne que les décisions concernant la discipline ne doivent pas répondre à la même logique que celle des décisions administratives : "les décisions qui sont prises en matière disciplinaire [...] ne comprennent pas les décisions que ces instances peuvent prendre en matière disciplinaire".
3. Article L. 761-1 du Code de justice administrative : Cet article, concerné par les frais de justice, précise qu'aucune partie ne peut être condamnée à rembourser les frais d’une autre partie si elle n’est pas perdante. Ainsi, il était établi que "les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme que demande le Conseil national de l'ordre des médecins".
La décision finale met en lumière des nuances importantes dans l'application des règles de droit liées à la discipline des médecins, tout en renforçant le cadre procédural qui protège les droits des plaignants dans ce contexte.