Résumé de la décision
Dans cette affaire, Mme C..., médecin spécialiste en psychiatrie, a fait l'objet d'une sanction disciplinaire consécutive à des signalements effectués à propos d'un jeune patient, qu'elle présumait victime de violences sexuelles. Après que M. E..., le père de l'enfant, a porté plainte contre elle, la chambre disciplinaire nationale a annulé une première décision qui n'imposait pas de sanction. En cassation, le Conseil d'État a annulé la sanction d'interdiction d'exercice de la médecine de un mois, en considérant que le signalement au juge des enfants, déjà saisi de l'affaire, ne constituait pas en soi un manquement déontologique justifiant la sanction. Le Conseil a renvoyé l'affaire à la chambre disciplinaire.
Arguments pertinents
1. Sur le respect du secret professionnel :
Le Conseil d'État a statué que Mme C... n'avait pas violé le secret professionnel en effectuant des signalements concernant son patient, étant donné que ces informations ont été transmises à une autorité déjà saisie du cas. La décision de la chambre disciplinaire, fondée sur cette seule transmission, a été jugée inexacte :
> "La circonstance que ces signalements, contenant des éléments couverts par le secret professionnel, aient été adressés au juge des enfants [...] ne saurait, à elle seule [...] caractériser un manquement".
2. Protection des mineurs :
L'argument principal réside dans le fait que le médecin a agi pour protéger un mineur présumé victime de violences. Conformément aux obligations déontologiques et au cadre légal :
> "Lorsqu'il s'agit d'un mineur ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger [...] il alerte les autorités judiciaires ou administratives".
3. Conclusion sur la mise en œuvre de sanctions :
Établissant que l'ensemble des actions de Mme C... étaient justifiées dans le cadre de la protection d'un jeune patient, le Conseil d'État annule la décision de sanction, concluant qu'il n'y avait pas lieu d'imposer la sanction qui avait été prononcée.
Interprétations et citations légales
1. Code de la santé publique - Article L. 1110-4 :
Cet article stipule le droit au respect de la vie privée et au secret médical. Il précise :
> "Toute personne prise en charge par un professionnel de santé [...] a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant."
Le Conseil d'État a interprété que le respect du secret professionnel devait prendre en compte le contexte d'alerte et la protection du mineur.
2. Code pénal - Article 226-14 :
Cet article précise les exceptions au secret professionnel concernant les signalements relatifs à des violences. La mention suivante est centrale :
> "Le médecin qui [...] porte à la connaissance du procureur de la République les sévices [...] constatés [...] n'est pas soumis à la sanction".
Cela renforce que l'intention de protéger un mineur doit prévaloir sur les préoccupations relatives à la confidentialité lorsqu'il s'agit d'éviter des préjudices plus graves.
3. Code de la santé publique - Article R. 4127-44 :
Ce texte impose aux médecins de signaler des sévices, affirmant :
> "Il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger".
Cette obligation crée une obligation de vigilance et d'action pour le médecin, renforçant l'argument selon lequel Mme C... a agi dans un cadre légal approprié.
En somme, la décision du Conseil d'État souligne la primauté de la protection des mineurs en vertu des obligations déontologiques et légales des professionnels de santé, tout en clarifiant les limites du secret médical lorsqu'il s'agit de signalement de violences.