Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention OIT n° 81 du 11 juillet 1947 ;
- la convention OIT n°129 du 25 juin 1969 ;
- la convention OIT n° 178 du 22 octobre 1996 ;
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- l'arrêté du 31 octobre 2017 relatif à l'obligation de transmission d'une déclaration d'intérêt prévue à l'article 25 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans l'administration centrale et les établissements publics sous tutelle des ministères des solidarités et de la santé, du travail, de l'éducation nationale et des sports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sara-Lou Gerber, auditeur,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8124-1 du code du travail : " Un code de déontologie du service public de l'inspection du travail, établi par décret en Conseil d'Etat, fixe les règles que doivent respecter ses agents ainsi que leurs droits dans le respect des prérogatives et garanties qui leurs sont accordées pour l'exercice de leurs missions définies notamment par les conventions n° 81 et n° 129 de l'Organisation internationale du travail sur l'inspection du travail et au présent livre Ier " ; que, pour l'application de ces dispositions, le décret du 12 avril 2017 portant code de déontologie du service public de l'inspection du travail a établi ce code de déontologie, en introduisant les articles R. 8124-1 à R. 8124-33 dans le code du travail ; que le syndicat requérant demande l'annulation de certaines de ces dispositions ;
Sur la méconnaissance de l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme par les articles R. 8124-6, R. 4124-8 et R. 8124-12 du code du travail :
2. Considérant que, s'il appartient au décret attaqué, en vertu des termes mêmes de l'article L. 8124-1 du code du travail cité ci-dessus, de fixer, outre les règles que doivent respecter les inspecteurs du travail, les droits qui sont les leurs, dans le respect des prérogatives et garanties qui leurs sont accordées pour l'exercice de leurs missions, la seule circonstance que ses dispositions ne feraient pas mention de l'ensemble des dispositions conventionnelles ou législatives relatives à ces prérogatives ou garanties n'est pas, par elle-même, susceptible de caractériser une violation de l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ;
3. Considérant que le syndicat SUD travail affaires sociales ne saurait, par suite, utilement soutenir que les articles R. 8124-6, R. 4124-8 et R. 8124-12 du code du travail, issus du décret attaqué, méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme au seul motif qu'ils ne rappellent pas les garanties résultant, pour les inspecteurs du travail, du principe de leur indépendance, de leur droit syndical, ou de l'obligation, résultant de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires, pour tout chef de service, de recueillir l'avis des représentants du personnel avant d'adapter les principes déontologiques applicables aux agents placés sous son autorité ;
Sur la mention, par le décret attaqué, de pièces justificatives des fonctions à présenter à l'occasion d'un contrôle :
4. Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 12 de la convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail sur l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce, de l'article 16 de la convention n° 129 de l'Organisation internationale du travail sur l'inspection du travail (agriculture) et de l'article 5 de la convention n° 178 de l'Organisation internationale du travail sur l'inspection du travail (gens de mer) que " Les inspecteurs du travail munis de pièces justificatives de leurs fonctions (...) " sont autorisés à pénétrer librement dans les établissement assujettis à leur contrôle en vue d'y effectuer des inspections ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 8113-1 du code du travail : " Les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1 ont un droit d'entrée dans tout établissement où sont applicables les règles énoncées au premier alinéa de l'article L. 8112-1 afin d'y assurer la surveillance et les enquêtes dont ils sont chargés " ;
5. Considérant que si l'article R. 8124-25 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret attaqué, dispose que, lors d'une visite d'inspection, " l'agent de contrôle doit être muni de sa carte professionnelle afin de justifier de sa qualité ", cette règle déontologique n'a ni pour objet ni pour effet de soumettre à une condition particulière de régularité le droit d'accès des inspecteurs du travail aux établissements assujettis à leur contrôle ; que le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le décret attaqué serait incompatible avec les stipulations conventionnelles citées ci-dessus ; que ces dispositions ne méconnaissent pas davantage les dispositions de l'article L. 8113-1 du code du travail ;
Sur l'entretien consacré à la prévention des conflits d'intérêts :
6. Considérant que l'article R. 8124-16 du code du travail, issu du décret attaqué, prévoit que l'autorité hiérarchique propose à chaque agent, lors de son affectation et aussi souvent que nécessaire par la suite, un entretien consacré à la prévention des conflits d'intérêts ; que cet entretien est en principe facultatif ; qu'il n'est obligatoire que pour les agents soumis à l'obligation de déclaration d'intérêts prévue à l'article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ; que l'arrêté du 31 octobre 2017 relatif à l'obligation de transmission de la déclaration d'intérêt précise que, pour l'inspection du travail, les agents de contrôle concernés sont ceux du groupe national de veille, d'appui et de contrôle, dont les missions sont fixées par l'article R. 8121-15 du code du travail ;
En ce qui concerne l'entretien dans son principe :
7. Considérant, en premier lieu, que l'introduction, par le décret attaqué, de modalités spécifiques de prévention des conflits d'intérêts incluant notamment la faculté ou l'obligation d'avoir un entretien consacré à la prévention des conflits d'intérêts avec l'agent investi de l'autorité hiérarchique est justifiée par la nature particulière des missions de contrôle des entreprises du service public d'inspection du travail ; que le syndicat requérant n'est par suite, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que ces dispositions introduisent, entre les agents de l'inspection du travail et les autres agents publics, une différence de traitement qui ne serait pas justifiée par une différence de situation en rapport avec l'objet de cette réglementation ;
8. Considérant, en second lieu, que les moyens tirés de ce que l'existence d'entretiens de prévention des conflits d'intérêts méconnaîtrait le droit au respect de la vie privée, la liberté de conscience et d'opinion et le droit à une vie familiale normale, ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
En ce qui concerne les modalités de l'entretien avec les agents pour lesquels il est facultatif :
9. Considérant, en premier lieu, que la possibilité, pour tout agent du service public de l'inspection du travail, de bénéficier d'un entretien consacré à la prévention des situations de conflits d'intérêts s'exerce sans préjudice de sa faculté de consulter le référent déontologue désigné pour son administration ; que, dès lors, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article 28 bis de la loi du 13 juillet 1983 conférant à tout fonctionnaire le droit de consulter un référent déontologue ;
10. Considérant, en second lieu, que, cet entretien n'étant pas obligatoire pour les agents qui ne sont pas soumis à l'obligation de déclaration d'intérêts, le syndicat requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le décret attaqué instaurerait, pour ces agents, une obligation de s'entretenir, avec leur hiérarchie, d'éléments couverts par le secret de leur vie privée ou de nature à porter atteinte à leurs intérêts ;
En ce qui concerne les modalités de l'entretien avec les agents pour lesquels il est obligatoire :
11. Considérant, en premier lieu, que l'article R. 8124-16 précise que l'entretien avec un agent soumis à l'obligation de déclaration d'intérêts se déroule sur la base du contenu de cette déclaration, tel qu'il résulte des dispositions de l'article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 et des textes réglementaires pris pour son application ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, les dispositions qui rendent cet entretien obligatoire pour les agents soumis à déclaration d'intérêt " lors de [leur] affectation, et aussi souvent que nécessaire par la suite " n'ont pas pour objet et ne pourraient d'ailleurs légalement avoir pour effet d'obliger l'agent à évoquer, lors de ces entretiens, des informations, relatives notamment à ses opinions ou à des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques, qui n'auraient pas à figurer dans sa déclaration d'intérêts au titre de la déclaration de fonctions ou de mandats exercés publiquement, ou d'autoriser le responsable hiérarchique à méconnaître la confidentialité qui s'attache au contenu de cette déclaration ; que, pour les mêmes motifs, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que la tenue de tels entretiens méconnaîtrait, faute de garanties suffisantes, les dispositions de l'article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête du syndicat SUD travail, affaires sociales doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du syndicat SUD travail, affaires sociales est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat SUD travail, affaires sociales, au Premier ministre et à la ministre du travail.