Résumé de la décision
La chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a infligé à Mme B... et à la SELARL de chirurgiens-dentistes Agnès B... une interdiction d'exercer la profession pour une durée de trois mois. Cependant, cette sanction a été réformée le 8 juillet 2019 par la chambre disciplinaire, lui appliquant un sursis d'un mois. Mme B... et la SELARL ont alors formé un pourvoi en cassation. La cour a annulé cette décision, jugeant que les dispositions réglementaires interdisant la publicité et la communication commerciale par voie électronique étaient incompatibles avec le droit de l'Union européenne. Elle a aussi condamné le conseil départemental de Paris de l'ordre des chirurgiens-dentistes à verser 3 000 euros à Mme B... et à la SELARL au titre des frais de justice.
Arguments pertinents
1. Incompatibilité avec le droit de l'Union européenne : La décision souligne que les règles du code de la santé publique interdisant toute forme de publicité commerciale ne sont pas conformes au droit européen, en particulier à l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et à la directive 2000/31/CE.
> "Il résulte des stipulations de l'article 56 ... ainsi que des dispositions de l'article 8 paragraphes 1 ... qu'elles s'opposent à des dispositions réglementaires qui interdisent de manière générale et absolue toute publicité et toute communication commerciale par voie électronique."
2. Erreur de droit de la chambre disciplinaire : La chambre disciplinaire nationale a indûment considéré que Mme B... et la SELARL avaient commis un manquement en méconnaissant l'article R. 4127-215, alors que cette disposition était en contradiction avec le droit de l'Union.
> "Par suite, en jugeant que les dispositions du 3° de l'article R. 4127-215 ... la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a entaché sa décision d'erreur de droit."
Interprétations et citations légales
1. Code de la santé publique - Article R. 4127-215 : Cet article impose des restrictions strictes concernant l'exercice de la profession dentaire, stipulant notamment que "la profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce". Les interdictions mentionnées dans les sous-alinéas de cet article, et particulièrement le 3°, concernent les procédés de publicité.
> "Sont notamment interdits : ... 3° Tous procédés directs ou indirects de publicité".
2. Droit européen : L'arrêt n° C-339/15 du 4 mai 2017 et l'ordonnance n° C-296/18 du 23 octobre 2018 interprètent les dispositions des traités de l'Union européenne et des directives, établissant une primauté du droit communautaire sur les réglementations nationales contraires. Le tribunal a constaté que l'interdiction de toute forme de publicité était trop générale et conduisait à une restriction injustifiée à la libre circulation des services.
> "Ces dispositions s'opposent à des dispositions réglementaires qui interdisent de manière générale et absolue toute publicité...".
Conclusion
La décision rendue par la cour met en lumière un conflit entre le droit national et le droit de l'Union européenne, remportant ainsi une victoire pour les praticiens qui souhaitent exercer leur activité dans un cadre conforme aux normes européennes. Cela souligne également l'importance de l'application des principes du droit communautaire sur le droit national en matière de régulation des professions.