Résumé de la décision
Cette décision du Conseil d'Etat concerne un pourvoi formé par le ministre de la transition écologique et solidaire contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux, qui avait précédemment confirmé l'annulation par le tribunal administratif de Pau d'un arrêté préfectoral constatant la perte du droit d'eau d'un moulin de Berdoues. La question centrale était de savoir si l'état du barrage du moulin constituait une ruine, entraînant la perte du droit fondé en titre. Le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi, affirmant que le droit d'eau n'était pas perdu tant que l'ouvrage, bien qu'en mauvais état, ne nécessitait pas une reconstruction complète.
Arguments pertinents
1. Nature du droit d'eau: Le Conseil d'Etat rappelle que « la force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété ». Cela souligne que les droits d'eau sont limités et qu'ils ne perdurent que s'ils sont utilisés correctement.
2. État de ruine: Le critère pour établir la perte du droit d'eau se base sur l'état de l'ouvrage. Le Conseil d'Etat note que pour qu'un droit soit perdu, « les éléments essentiels de l'ouvrage permettant l'utilisation de la force motrice du cours d'eau ont disparu ou qu'il n'en reste que de simples vestiges ». En l'espèce, bien qu'il existait des travaux importants à réaliser sur le barrage, ceux-ci n'étaient pas considérés comme une réparation qui ferait conclure à un état de ruine.
3. Appréciation des faits: Le Conseil d'Etat déclare que la cour a judicieusement évalué les circonstances, en concluant que la brèche dans le barrage, bien que significative, ne rendait pas l'ouvrage incurable. Le rapport concernant l'état du barrage était « une appréciation souveraine des faits non entachée de dénaturation ».
Interprétations et citations légales
Dans cette décision, plusieurs éléments législatifs et jurisprudentiels sont appliqués :
- Code de l'environnement et Code de justice administrative sont cités pour ancrer les principes de la gestion des droits d'eau et les procédures de recours administratif.
- La notion de droit d'usage est précisée par le Conseil d’Etat, qui insiste sur le fait que « [le] droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur », fondant ainsi la décision sur le caractère utilitaire de ces droits (non propriété).
La décision aborde également la question du « sursis à exécution », et il est noté que le ministre a demandé un tel sursis, ce qui reflète les systèmes de protection provisoire dans les décisions administratives.
En conclusion, le Conseil d'Etat confirme que la perte d'un droit fondé en titre dépend d'une appréciation concrète de l'état de l'ouvrage, et non simplement du constat de délabrement sans prise en compte de sa capacité d'utilisation future. Cela illustre la complexité des droits d'eau en tant que ressources naturelles, où la législation protège l'usage continu tant qu'il est possible, même en cas de dégradation matérielle.