Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles ;
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 ;
- le décret n° 2019-324 du 15 avril 2019 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., auditrice,
- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Celene demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 octobre 2019 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement en tant qu'il modifie le régime applicable aux installations relevant de la rubrique 2210 relative à l'abattage d'animaux.
Sur le cadre juridique :
2. En application du premier alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, la soumission des installations classées pour la protection de l'environnement à l'un des régimes d'autorisation, d'enregistrement ou de déclaration résulte de leur inscription, suivant la gravité des dangers et des inconvénients que peut présenter leur exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, dans les rubriques correspondantes d'une nomenclature. La répartition entre ces différents régimes est opérée en fonction de seuils et de critères, prenant en compte notamment les caractéristiques de ces installations et leur impact potentiel sur l'environnement. Ainsi, en vertu du premier alinéa de l'article L. 512-1 du même code, " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 " tandis que l'article L. 512-8 du même code prévoit que " Sont soumises à déclaration les installations qui, ne présentant pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet en vue d'assurer dans le département la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 ". L'article L. 512-10 prévoit que le ministre chargé des installations classées peut fixer, par arrêté, après consultation des ministres intéressés et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, les prescriptions générales applicables à certaines catégories d'installations soumises à déclaration.
Sur la légalité externe :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ". Il en résulte que les ministres chargés de l'exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution des actes en cause. Si le ministre chargé de l'économie est compétent pour définir les modalités selon lesquelles les exploitants des installations soumises à autorisation attestent de la constitution de garanties financières, les décisions qu'il prend à cette fin ne sont pas des mesures que comporte nécessairement l'exécution du décret attaqué au sens de l'article 22 de la Constitution. Il suit de là que le moyen tiré du défaut de contreseing du ministre chargé de l'économie doit être écarté.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 23 avril 2019, l'association requérante, en réponse à une demande du ministère de la transition écologique et solidaire, lui a fait connaître son avis sur le projet de décret modifiant la rubrique 2210 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, à une date antérieure à la consultation du public réalisée du 30 avril au 22 mai 2019 en application de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement. Elle n'est par conséquent pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que la consultation du public ainsi organisée, à laquelle elle avait par ailleurs la faculté de participer, serait irrégulière faute pour son avis d'avoir été mentionné dans la synthèse des contributions et rendu public.
Sur la légalité interne :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 73 de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous : " A titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la publication du décret prévu au dernier alinéa du présent article, des dispositifs d'abattoirs mobiles sont expérimentés dans l'objectif d'identifier les éventuelles difficultés d'application de la réglementation européenne. / L'expérimentation fait l'objet d'une évaluation, notamment de sa viabilité économique et de son impact sur le bien-être animal, dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme. Cette évaluation établit des recommandations d'évolution du droit de l'Union européenne. / Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article ". Aux termes de l'article 1er du décret du 15 avril 2019 relatif à l'expérimentation de dispositifs d'abattoirs mobiles : " Toute personne souhaitant participer à l'expérimentation prévue par l'article 73 de la loi du 30 octobre 2018 susvisée doit au préalable obtenir l'agrément du dispositif d'abattoir mobile, conformément aux dispositions de l'article L. 233-2 du code rural et de la pêche maritime, et respecter l'ensemble des dispositions applicables à l'activité d'abattage. / La participation à cette expérimentation est soumise à la transmission au préfet auprès duquel a été obtenu l'agrément mentionné au premier alinéa, au plus tard trente mois après la publication du présent décret, d'un dossier dont la composition est fixée par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et comportant notamment un engagement, d'une part, de signer un protocole permettant l'organisation de l'inspection sanitaire ainsi que des contrôles et, d'autre part, de communiquer les informations nécessaires à l'évaluation de l'expérimentation ". C'est dans le cadre de cette expérimentation que le décret attaqué a ajouté, à la rubrique 2210 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, les installations mobiles d'abattage, définies comme des installations transportables ou démontables présentes sur un même site moins de 30 jours par an, consécutifs ou non, en prévoyant qu'elles font l'objet d'une déclaration préalable lorsque la masse des animaux abattus est supérieure à 500 kilogrammes par jour, mais inférieure ou égale à 30 tonnes par jour, lorsque les effluents sont collectés, confinés et éliminés hors site. Cette rubrique 2210 prévoit par ailleurs, ce qui n'a pas été modifié par le décret attaqué, que les installations fixes d'abattage dont la masse des animaux abattus est supérieure à 500 kilogrammes par jour, mais inférieure ou égale à 5 tonnes par jour, font l'objet d'une déclaration et qu'elles doivent être autorisées au-delà de 5 tonnes par jour.
6. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que soient réglées de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Le décret, pris en application de la loi du 30 octobre 2018, a pour objet de favoriser la création d'abattoirs mobiles afin de répondre à l'objectif d'intérêt général d'éviter le transport d'animaux dans des conditions pouvant donner à lieu à de mauvais traitements. Les installations mobiles et les installations fixes d'abattage se trouvent dans des situations différentes du fait de leur nature même et de leurs obligations spécifiques. En particulier, les dispositions litigieuses du décret attaqué prévoient, afin de garantir la protection de l'environnement, que le régime de la déclaration ne peut être appliqué aux abattoirs mobiles qu'à la condition que leurs effluents soient collectés, confinés et éliminés en dehors de cette installation, alors qu'une telle exigence n'est pas imposée aux abattoirs fixes. Le seuil maximal de 30 tonnes par jour d'animaux abattus prévu par le décret attaqué pour que les installations mobiles d'abattage puissent bénéficier d'un régime de déclaration est en lien direct avec l'objectif d'intérêt général rappelé précédemment et correspond au mode de fonctionnement spécifique de ces installations qui justifie un seuil plus élevé que celui qui est retenu pour les abattoirs fixes. La différence de traitement instaurée par les dispositions contestées n'est ainsi pas manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient. Le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit dès lors être écarté.
7. En second lieu, le décret attaqué a pour seul objet de modifier la rubrique 2210 de la nomenclature des installations classées pour y ajouter des dispositions relatives aux abattoirs mobiles. Par conséquent, la requérante ne peut utilement soutenir qu'il méconnaît la directive n° 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles du fait que les abattoirs fixes traitant plus de 5 tonnes par jour d'animaux demeurent soumis au régime de l'autorisation.
8. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association Celene doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Celene est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Celene, au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique.