Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Ô Château.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. / (...) ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Ô Château a fait l'objet en 2012 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2011, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a écarté sa comptabilité et a reconstitué son chiffre d'affaires. En conséquence, la société a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée. L'administration a également considéré que les bénéfices rectifiés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 constituaient des revenus distribués et a sollicité, par la proposition de rectification adressée à la société le 2 août 2012, des informations sur l'identité des bénéficiaires de ces distributions en application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts citées au point 1. Par courrier du 28 août 2012, l'expert-comptable de la société a répondu à cette demande. L'administration a infligé à la société une pénalité d'un montant de 124 466 euros sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts citées au point 1 ci-dessus, au motif que la désignation des bénéficiaires des revenus distribués n'était pas conforme aux conditions prévues à l'article 117 de ce code. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 27 mai 2016 en tant qu'il a fait droit à la requête de la société contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 novembre 2014 qui avait rejeté sa demande tendant à la décharge de la pénalité.
3. Lorsqu'une personne physique qui, sans être un représentant légal de la personne morale sollicitée dans le cadre de l'application de l'article 117 du code général des impôts, ni un avocat, fournit dans le délai de trente jours à l'administration fiscale, au nom de cette personne morale, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires des excédents de distribution, la pénalité prévue à l'article 1759 du même code ne peut être appliquée que dans le cas où, lorsque la demande en est faite par l'administration, cette personne ne justifie pas, dans le délai fixé par l'administration, d'un mandat régulièrement établi.
4. En premier lieu, en jugeant que le courrier du 28 août 2012 par lequel M. A..., expert-comptable, a répondu à la demande de désignation des bénéficiaires des revenus réputés distribués par la société Ô Château, émanait d'une personne qui s'était présentée comme un interlocuteur de l'administration fiscale à l'occasion des opérations de contrôle de la société et qui disposait également d'un mandat régulièrement établi pour la représenter durant les phases de vérification, de rectification et contentieuse, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une contradiction de motifs dès lors qu'elle s'est bornée à constater que M. A...avait régulièrement cumulé, au cours de la procédure de contrôle, le rôle d'interlocuteur de fait et la qualité juridique de mandataire de la société vérifiée.
5. En deuxième lieu, la cour a relevé que le courrier du 28 août 2012 comportait, en réponse à la demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués adressée par l'administration à la société Ô Château, le nom et l'adresse de ces bénéficiaires ainsi que la répartition entre eux du montant global des revenus en cause et qu'il émanait de M. A.... La cour n'a pas, contrairement à ce que soutient le ministre, fait état de la fonction ou de la qualité dont M. A...se serait prévalu dans ce courrier. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait dénaturé les faits qui lui étaient soumis en estimant que le courrier du 28 août 2012 avait été adressé par M. A...se présentant comme " mandataire " de la société ne peut qu'être écarté.
6. En dernier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé, d'une part, que le courrier du 28 août 2012 adressé par M.A..., expert-comptable de la société vérifiée, comportait des informations présentant un degré de précision et de vraisemblance suffisant sur les bénéficiaires des distributions en cause et, d'autre part, que la qualité de mandataire de M.A..., dont la société avait justifié par la production le 19 juin 2014 devant le tribunal administratif de Paris d'un pouvoir régulier daté du 4 mai 2012, n'avait pas été démentie par la société Ô Château dans le cadre de la demande d'informations de l'administration fiscale, la cour a jugé que ce courrier ne pouvait, au seul motif que le mandat dont disposait son auteur n'avait pas été produit dans le délai de trente jours prévu à l'article 117 du code général des impôts, être regardé comme un défaut de réponse permettant le prononcé de la pénalité. En statuant ainsi, la cour, qui a donné aux faits leur exacte qualification juridique, n'a pas commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Ô Château d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'État versera à la société Ô Château la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la SARL Ô Château.