Résumé de la décision
Dans cette affaire, la société Ferragamo France, détenue à 100 % par Ferragamo International BV, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour les exercices 2009 et 2010. L'administration fiscale a constaté un transfert indirect de bénéfices vers la société mère italienne, considérant que les rémunérations consenties par Ferragamo France à cette société ne couvraient pas les charges nécessaires à la valorisation de la marque. Le tribunal administratif de Paris a donné raison à la société Ferragamo France, mais la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel du ministre contre ce jugement. Le Conseil d'État, après avoir examiné la situation, a annulé l'arrêt de la cour, estimant que la cour avait commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas l'existence d'un transfert indirect de bénéfices, et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel.
Arguments pertinents
1. Sur le transfert indirect de bénéfices : La cour a conclu que l’administration fiscale n’avait pas établi suffisamment l’existence d’un avantage consenti à la société italienne en raison des résultats bénéficiaires de la filiale française entre 2010 et 2015, sans considérer que ces résultats avaient été obtenus avec des charges disproportionnées par rapport à des entreprises indépendantes. La citation déterminante est la suivante : "la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant que l’administration n'établissait pas l’existence d’un avantage consenti".
2. Sur l’imputation des charges : Le vérificateur avait mis en évidence que les charges de salaires et de loyers supportées par Ferragamo France étaient largement supérieures à celles d’entreprises similaires. La cour a erré en écartant la pertinence de cette observation en rapport avec la stratégie de valorisation de la marque italienne : "l’exposition de charges supplémentaires de salaires et de loyers par rapport à des entreprises indépendantes visait à accroître, sur un marché stratégique dans le domaine du luxe, la valeur de la marque".
Interprétations et citations légales
1. Application de l'article 57 du Code général des impôts : Cet article établit que pour les entreprises ayant des liens de dépendance avec des sociétés situées hors de France, "les bénéfices indirectement transférés à ces dernières... sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités". Cela implique que si un lien de dépendance existe et qu'un transfert de bénéfices est probable, l'entreprise doit prouver que les avantages consentis sont justifiés par des contreparties. Le Conseil d'État relève que l’administration fiscale a effectivement démontré cette pratique dans le cas de Ferragamo France.
2. Inexactitude de la qualification des faits par la Cour : Le Conseil évoque que la cour administrative d’appel a "dénaturé les faits et pièces versées au dossier" en ne tenant pas compte des pertes persistantes de Ferragamo France de 1996 jusqu'en 2009. Ceci renforce l'idée que l’avantage consenti à la société italienne n’était pas compensé, ce qui aurait dû conduire à réintégrer ces bénéfices dans les résultats imposables.
3. Dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative : En précisant que "les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante", le Conseil d'État illustre le principe selon lequel les frais de justice ne sont pas à la charge d’une partie qui a eu gain de cause, ce qui est ici conforme à la décision prise.
Cette décision met en lumière l'importance des prix de transfert dans les structures multinationales et les implications fiscales qui en découlent. Elle souligne également la responsabilité de l'administration fiscale à établir un lien de dépendance et à démontrer l'existence d'un transfert de bénéfices pour justifier ses rectifications.