1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à leur protestation et de déclarer inéligible M. E... ;
3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mai 2021, présentée par Mme C... et M. B....
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Saint-Eloy-les-Mines (Puy-de-Dôme), la liste " Unis, reprenez le contrôle ", conduite par M. E..., a obtenu 828 voix, soit 50,61 % des suffrages exprimés, tandis que la liste " Saint-Eloy en action ", conduite par Mme C..., maire sortante, a obtenu 808 voix. Mme C... et M. B... relèvent appel du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales et à ce que M. E... soit déclaré inéligible en application de l'article L. 118-4 du code électoral.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si les requérants font valoir que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a omis de viser le mémoire en réplique qu'ils avaient présenté en cours d'instance, méconnaissant ainsi les prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, ce moyen manque en fait dès lors qu'il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont regroupé dans un même visa leur protestation enregistrée le 6 avril 2020 et leur mémoire en réplique enregistré le 31 août 2020.
Sur le déroulement de la campagne électorale :
3. En premier lieu, l'article L. 52-8 du code électoral dispose que : " (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction qu'à compter du mois de mai 2019, M. E..., candidat élu, ainsi que 6 de ses 29 colistiers, ont participé à la création de l'association " Mieux Vivre à Saint-Eloy-les-Mines ", dont l'objet est de " réunir, écouter et informer les Eloysienne(s) et de réfléchir avec eux sur l'avenir et la qualité de vie de la commune ". Cette association a organisé à l'automne 2019 un festival intitulé " Bouge ta campagne " rassemblant des artisans locaux autour d'un concert de musique, ainsi que deux réunions publiques ayant pour thèmes " la ruralité et le numérique " et " le commerce de proximité ". D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que ces manifestations ouvertes à tous ont revêtu une connotation électorale ni que les participations versées par les commerçants à l'association pour l'organisation du festival auraient contribué à financer la campagne menée par M. E... en violation de l'article L. 52-8 du code électoral. D'autre part, la circonstance, à la supposer établie, que le programme de la liste " Unis, reprenez le contrôle " conduite par M. E... ait été élaboré à partir des réflexions dégagées lors des réunions thématiques organisées par l'association n'est pas, eu égard au caractère public de ces réunions, de nature à caractériser l'octroi, par cette association, d'un avantage en nature prohibé par ce même article L. 52-8.
5. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que M. E... a abusivement utilisé le logo de la communauté de communes du Pays de Saint-Eloy sur une photographie apposée sur un tract de la liste " Unis, reprenez le contrôle ", il résulte de l'instruction que cette photographie a été prise devant l'entrée de la maison des entrepreneurs gérée par la communauté de communes au sein de laquelle l'intéressé louait un local à usage professionnel et que ce logo n'apparaît que partiellement et en arrière-plan sur les portes vitrées de l'immeuble. Par suite, la diffusion de cette photographie ne constitue pas une manoeuvre tendant à laisser supposer que M. E... bénéficierait du soutien de la communauté de communes ou en serait salarié.
6. En troisième quatrième lieu, l'article L. 48-2 du code électoral dispose que : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ".
7. Il résulte de l'instruction que le tract de soutien à la liste " Unis, reprenez le contrôle ", dont il est soutenu qu'il aurait été diffusé le 13 mars 2020, n'excède pas les limites de la polémique électorale et, eu égard notamment aux termes des discours prononcés par M. E... le 29 février 2020, n'a introduit aucun élément nouveau dans le débat électoral. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 48-2 du code électoral doit être écarté.
Sur la régularité des opérations électorales :
8. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-2019 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Dans ce contexte, le Premier ministre a adressé à l'ensemble des maires, le 7 mars 2020, une lettre présentant les mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections municipales et communautaires prévues les 15 et 22 mars 2020. Ces mesures ont été précisées par une circulaire du ministre de l'intérieur du 9 mars 2020 relative à l'organisation des élections municipales des 15 et 22 mars 2020 en situation d'épidémie de coronavirus covid-19, formulant des recommandations relatives à l'aménagement des bureaux de vote et au respect des consignes sanitaires, et par une instruction de ce ministre, du même jour, destinée à faciliter l'exercice du droit de vote par procuration. Après consultation par le Gouvernement du conseil scientifique mis en place pour lui donner des informations scientifiques utiles à l'adoption des mesures nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, les 12 et 14 mars 2020, le premier tour des élections municipales a eu lieu, comme prévu, le 15 mars 2020. A l'issue du scrutin, les conseils municipaux ont été intégralement renouvelés dans 30 143 communes ou secteurs. Le taux d'abstention a atteint 55,34 % des inscrits, contre 36,45 % au premier tour des élections municipales de 2014.
9. Au vu de la situation sanitaire, l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a reporté le second tour des élections, initialement fixé au 22 mars 2020, au plus tard en juin 2020 et prévu que : " Dans tous les cas, l'élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l'article 3 de la Constitution ". Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision n° 2020-849 du 17 juin 2020, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de valider rétroactivement les opérations électorales du premier tour ayant donné lieu à l'attribution de sièges et ne font ainsi pas obstacle à ce que ces opérations soient contestées devant le juge de l'élection.
10. Aux termes de l'article L. 262 du code électoral, applicable aux communes de 1 000 habitants et plus : " Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de quatre sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de quatre sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après. / Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour. (...) ".
11. Ni par ces dispositions, ni par celles de la loi du 23 mars 2020, le législateur n'a subordonné à un taux de participation minimal la répartition des sièges au conseil municipal à l'issue du premier tour de scrutin dans les communes de mille habitants et plus, lorsqu'une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés. Le niveau de l'abstention n'est ainsi, par lui-même, pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin, s'il n'a pas altéré, dans les circonstances de l'espèce, sa sincérité.
12. En l'espèce les requérants font valoir, d'une part, que le taux d'abstention s'est élevé à 38,85 % dans la commune de Saint-Eloy-les-Mines et que cette abstention, supérieure à celle observée lors des élections municipales de 2014, résultait des craintes suscitées par le coronavirus et a davantage affecté les personnes âgées de plus de 60 ans, qui constituent une partie de l'électorat traditionnel de Mme C.... Ils soutiennent, d'autre part, que les consignes gouvernementales incitant les électeurs à se munir des bulletins de vote reçus à leur domicile ont été à l'origine de confusions entre les bulletins de vote et la profession de foi de la liste " Saint-Eloy en action " conduite par Mme C..., ce qui aurait conduit à déclarer nuls 19 bulletins qui, sans cette erreur, auraient été comptabilisés en faveur de cette liste. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le vote par procuration aurait été rendu impossible dans la commune, ni que, sur les 56 bulletins de vote déclarés nuls, un nombre particulièrement élevé exprimait un choix en faveur de la liste conduite par Mme C..., ni que les consignes du Gouvernement seraient à l'origine de confusions ayant pénalisé les seuls candidats de cette liste. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'il aurait été porté atteinte au libre exercice du droit de vote ou à l'égalité entre les électeurs ou entre les candidats, ni que le niveau de l'abstention constatée aurait altéré la sincérité du scrutin.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. E..., que Mme C... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la commune de Saint-Eloy-les-Mines et à ce que M. E... soit déclaré inéligible.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, par ailleurs, de mettre à la charge de Mme C... et de M. B... la somme demandée au même titre par M. E....
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme C... et M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme F... C..., à M. A... B..., à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.