Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Patrimmo Conseils ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Patrimmo Conseils a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er août 2006 au 31 décembre 2009 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment remis en cause l'inscription en charges déductibles au titre de l'exercice clos en 2009 de nombreux versements d'un montant total de 240 000 euros effectués au cours de cet exercice vers le compte bancaire que son gérant avait ouvert en son nom propre pour réaliser des opérations de placement à haut risque en souscrivant des contrats financiers avec paiement d'un différentiel (contracts for difference ou CFD). L'administration a estimé que ces versements étaient constitutifs d'un acte anormal de gestion et rehaussé en conséquence le bénéfice imposable de la société. La SARL Patrimmo Conseils se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 décembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 22 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs à cette rectification.
2. D'une part, aux termes du III de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier : " Les contrats financiers, également dénommés " instruments financiers à terme ", sont les contrats à terme qui figurent sur une liste fixée par décret. " Aux termes de l'article D. 211-1 A du même code : " I. - Les contrats financiers mentionnés au III de l'article L. 211-1 sont : (...) 6. Les contrats financiers avec paiement d'un différentiel (...) ". Ces contrats s'analysent comme des contrats bipartites aux termes desquels le vendeur s'engage à payer à l'acheteur la différence entre le prix actuel d'un actif sous jacent et sa valeur à une date déterminée, ce dont il résulte un effet de levier important pour l'investisseur, qui peut recevoir un gain ou devoir supporter une perte, supérieurs à sa mise de fonds initiale.
3. D'autre part, il résulte de l'article 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges.
4. En premier lieu, la cour a jugé, d'une part, que si la société soutenait que son gérant aurait effectué les placements financiers sur CFD en raison du refus de la banque de contracter avec des personnes morales, elle n'établissait toutefois pas que ce dernier avait agi en qualité de mandataire ni qu'elle avait conservé la propriété des sommes en litige après leur virement sur le compte de courtage ouvert au nom du gérant, qui devait être regardé comme étant son compte personnel, d'autre part, que les virements opérés n'avaient pas été fidèlement retranscrits sur le compte courant d'associé du gérant, et enfin que la société ne justifiait ni dans son principe, ni dans son montant de l'exactitude de ses écritures comptables correspondant aux opérations en litige. En statuant ainsi, la cour n'a pas méconnu les dispositions des articles 38 et 39 du code général des impôts et de l'article D. 211-1 A du code monétaire et financier ni insuffisamment motivé son arrêt. En particulier, elle n'était pas tenue de répondre au moyen tiré de ce que, par nature, la souscription d'un CFD imposerait à l'acheteur un décaissement immédiat lors de sa clôture en cas d'évolution défavorable des cours de l'actif sous-jacent ou permettrait de forts rendements financiers dans l'hypothèse inverse, lequel était inopérant dès lors qu'en tout état de cause il n'était pas établi que les CFD en cause auraient été contractés par la société ou pour son compte.
5. En deuxième lieu, et par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ou de qualification juridique en jugeant que la société n'apportait pas la justification qui lui incombait de l'existence d'une contrepartie réelle aux virements litigieux effectués sur le compte personnel de son gérant et, par conséquent, que l'administration était fondée à regarder les sommes en cause, que la cour a qualifiées à bon droit de distributions, comme relevant d'un acte anormal de gestion et donc à les réintégrer dans son résultat imposable.
6. En troisième lieu, la société ne peut utilement soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en relevant que les placements financiers en litige excédaient l'objet social de la société, constitué par toutes activités d'achat, de construction, de vente et location de tous biens immobiliers, dès lors que, pour retenir l'existence d'un acte anormal de gestion, la cour ne s'est pas fondée sur cette circonstance mais sur le fait que les virements avaient été effectués sur le compte personnel du gérant dont aucune pièce du dossier n'établissait qu'il ait agi en qualité de mandataire, tandis que la société ne justifiait par ailleurs de l'existence d'aucune contrepartie à ces virements.
7. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que, par voie de conséquence, la cour aurait dénaturé les faits, commis une erreur de droit et porté atteinte aux stipulations du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en jugeant que l'administration avait établi l'existence d'un manquement délibéré justifiant que soit mise à sa charge la pénalité de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Patrimmo Conseils n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Par conséquent, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SARL Patrimmo Conseils est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL Patrimmo Conseils et au ministre de l'action et des comptes publics.