Résumé de la décision
Dans cette affaire, l'État a engagé une action en revendication contre la société Aristophil et le musée des lettres et manuscrits pour obtenir 313 brouillons de télégrammes rédigés par le général de Gaulle entre 1940 et 1942. Le tribunal de grande instance de Paris a d'abord rendu un jugement en faveur de l'État, mais la cour d'appel de Paris a soulevé une question préjudicielle sur le caractère public de ces documents. Le tribunal administratif de Paris a finalement déclaré ces documents comme des archives publiques, décision contestée par l'association du musée des lettres et manuscrits devant le Conseil d'État. Ce dernier a confirmé la décision du tribunal administratif, considérant que ces documents, même s'ils étaient des brouillons et que leur auteur les avait qualifiés de privés, constitueraient des archives publiques en tant que documents émanant de l'activité de l'État.
Arguments pertinents
1. Caractère d'archives publiques : Le tribunal a établi que tous les documents résultant de l’activité de l'État sont considérés comme des archives publiques, indépendamment de leur forme, statut, ou intention de l'auteur. L'article L. 211-4 du Code du patrimoine stipule que “Les archives publiques sont : /1° Les documents qui procèdent de l'activité de l'Etat (...)”.
2. Continuité de la République : Le Conseil d'État a confirmé que même en période d'occupation, des institutions comme la France libre ont continué à exercer une activité gouvernementale légitime, ce qui inclut les documents qu'elles produisent. Ainsi, ces documents relèvent du patrimoine public.
3. Évaluation de la responsabilité de l'État : Le Conseil d'État a soutenu que peu importe les circonstances mentionnées concernant l'autorité de fait, c'est l'État qui est le débiteur de la responsabilité, affirmant que les actes de l'autorité de fait, même s'ils semblent nuls, continuent de recevoir provisoirement application (article 7 de l'ordonnance du 9 août 1944).
Interprétations et citations légales
- Archives publiques : Le Code du patrimoine - Article L. 211-4 précise que tous les documents issus de l'activité de l'État sont des archives publiques, peu importe l'achèvement ou la nature des documents. Cette interprétation indique une visée inclusive dans la définition des archives, englobant même les documents incomplets et ceux jugés privés par leur auteur.
- Ordonnance du 9 août 1944 : L'article 1er stipule que “La forme du Gouvernement de la France est et demeure la République”, ce qui établit que la légitimité de la République n'a pas cessé d'exister même durant des périodes de conflit, et que les actions entreprises par la France libre relèvent des actes de l'État. Cela renforce l'idée que la continuité institutionnelle donne un statut public à ces documents, comme affirmé dans cet extrait : “les documents qui émanent de ces institutions et de leurs dirigeants et représentants procèdent de l'activité de l'État”.
En conclusion, le Conseil d'État a conforté la décision du tribunal administratif en qualifiant les 313 brouillons manuscrits comme des archives publiques, intégrant une vision large de ce que cela implique sur le plan historique et juridique.