3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, la fermeture de l'établissement ne permettra pas à la société d'honorer ses charges mensuelles fixes et de payer les salaires et les fournisseurs et que, d'autre part, la société détient un stock important de consommations périssables ;
- l'arrêté porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce ;
- il est entaché d'un vice de compétence dès lors que la mesure de fermeture a été prise sur proposition du directeur de cabinet de la préfecture et non sur proposition du directeur interrégional des douanes et droits indirects en méconnaissance de l'article 1825 du code général des impôts, pris ensemble avec l'article 406 L du même code ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, le trouble à l'ordre public ayant cessé depuis au moins trois mois.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient, d'une part, que la requête est irrecevable en ce qu'elle est mal dirigée et que, d'autre part, la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale invoquée.
La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique M. et MmeA..., le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et le ministre de l'action et des comptes publics ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 septembre 2018 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Lyon-Caen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, représentant de M. et Mme A...et de la SARL Mer ;
- le représentant des requérants ;
- les représentants du ministre de l'action et des comptes publics ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...). " ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics :
2. Considérant que le ministre de l'action et des comptes publics soutient que la requête se borne à critiquer l'arrêté du préfet de l'Hérault du 11 septembre 2018 et non l'ordonnance rendue en premier ressort par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier et qu'elle est, par suite, irrecevable ; que, toutefois, la requête, si elle se présente, dans son intitulé, comme étant dirigé contre " l'arrêté de Monsieur le préfet de l'Hérault en date du 11 septembre 2018 emportant fermeture administrative de l'établissement " Saveurs d'ici et d'ailleurs " pour une durée de trois mois ", précise bien, tant dans son corps que dans ses conclusions, qu'elle est dirigée contre l'ordonnance du 20 septembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, auquel elle reproche notamment d'avoir commis une erreur de droit ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics ne peut qu'être écartée ;
Sur l'urgence :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que l'établissement " Saveurs d'ici et d'ailleurs ", dont l'arrêté du préfet de l'Hérault prononce la fermeture administrative pour une durée de trois mois, constitue la seule source de revenus des requérants, qui ont à leur charge deux enfants majeurs ; que, dans les circonstances de l'espèce, la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;
Sur l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1825 du code général des impôts : " La fermeture de tout établissement dans lequel aura été constatée l'une des infractions mentionnées à l'article 1817 peut être ordonnée, pour une durée ne pouvant excéder trois mois, par arrêté préfectoral pris sur proposition de l'autorité administrative désignée par décret (...) " ; que l'article 1817 mentionne notamment les infractions prévues à l'article 1810 du même code ; que constitue une infraction, aux termes du 10° de l'article 1810 : " quelles que soient l'espèce et la provenance de ces tabacs : fabrication de tabacs ; détention frauduleuse en vue de la vente de tabacs fabriqués ; vente, y compris à distance, de tabacs fabriqués ; transport en fraude de tabacs fabriqués ; acquisition à distance, introduction en provenance d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou importation en provenance de pays tiers de produits du tabac manufacturé acquis dans le cadre d'une vente à distance " ; qu'aux termes l'article 406 L de l'annexe 3 au code général des impôts " Le directeur interrégional des douanes et droits indirects (...) est compétent pour proposer la fermeture d'établissement dans le cadre de l'application de l'article 1825 du code général des impôts " ; que ces textes subordonnent donc à la proposition préalable du directeur interrégional des douanes et droits indirects l'intervention d'une décision préfectorale de fermeture administrative d'un établissement impliqué dans l'une des infractions mentionnées à l'article 1810 ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par le ministre de l'action et des comptes publics, que la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a prononcé la fermeture administrative de l'établissement " Saveurs d'ici et d'ailleurs ", au motif de son implication dans un réseau international de trafic de cigarettes, n'a pas été prise sur la proposition du directeur interrégional des douanes et droits indirects ; qu'il résulte tant des termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative que du but dans lequel la procédure qu'il instaure a été créée que doit exister un rapport direct entre l'illégalité relevée à l'encontre de l'autorité administrative et la gravité de ses effets au regard de l'exercice de la liberté fondamentale en cause ; qu'en l'espèce, l'illégalité constatée, qui porte atteinte à la compétence donnée par les textes applicables au directeur interrégional des douanes et droits indirects pour apprécier si les faits constatés justifient une fermeture administrative, est en rapport direct avec l'atteinte grave portée à l'exercice par les requérants de la liberté du commerce et de l'industrie ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme A...ainsi que la SARL Mer sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a refusé de faire droit à leur demande ; qu'il y a lieu, par suite, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 11 mars 2018 du préfet de l'Hérault ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 20 septembre 2018 est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 11 septembre 2018 est suspendue.
Article 3 : l'Etat versera à M. et Mme A...et à la SARL Mer une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme B...et GharaghashA..., à la SARL Mer et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée pour information au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.