Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que le décret litigieux préjudicie de manière grave et immédiate à ses intérêts en le plaçant dans une position financière extrêmement délicate ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- il est entaché d'un premier vice de procédure dès lors que le secrétaire général de l'Elysée n'avait pas compétence pour initier la procédure disciplinaire ;
- il est entaché d'un deuxième vice de procédure dès lors que le courrier de saisine du conseil discipline et le rapport de saisine du conseil disciplinaire caractérisent un préjugement et méconnaissent, par conséquent, le principe d'impartialité ;
- il est entaché d'un troisième vice de procédure dès lors que le requérant n'a pas pu présenter efficacement sa défense en méconnaissance des dispositions de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et le principe général des droits de la défense, du fait qu'il n'a pas pu avoir accès à l'intégralité de son dossier et à l'ensemble des documents annexes ;
- il est entaché d'un quatrième vice de procédure dès lors que la composition du conseil de discipline ne répondait pas aux exigences du principe d'impartialité ;
- il est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits en ce qu'il est entaché de plusieurs inexactitudes matérielles et que les manquements disciplinaires ne sont pas caractérisés ;
- il méconnaît le principe de nécessité et de proportionnalité dès lors que la décision prise est disproportionnée au regard des faits reprochés ;
- il est illégal dès lors que la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire n'a pas adressé un avis motivé à l'autorité disciplinaire ;
- il est illégal du fait de l'insuffisance de l'examen effectué sur l'ensemble des circonstances par l'autorité disciplinaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2019, la ministre des sports conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... et, d'autre part, la ministre des sports et le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 28 novembre à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate M. A... ;
- M. A... ;
- les représentants de la ministre des sports ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au vendredi 29 novembre 2019 à 12 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 28 novembre 2019, présenté par M. A..., qui maintient ses conclusions et ses moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 29 novembre 2019, présenté par la ministre des sports, qui conclut au rejet de la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du sport ;
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2002-53 du 10 janvier 2002 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. M. A... a été directeur général de l'établissement public Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) de mars 2013 à mars 2017. Au cours de cette période, il a envoyé une délégation de l'INSEP à Rio de Janeiro à l'occasion des Jeux olympiques de 2016. Un rapport de la Cour des comptes et un rapport de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) ont révélé que des personnes sans lien avec l'INSEP et proches de M. A... ont pu bénéficier d'une prise en charge de leur voyage et ont accompagné la délégation officielle de l'INSEP. Une procédure disciplinaire a été engagée contre lui et s'est conclue par une sanction de mise à la retraite d'office prononcée par décret du Président de la République en date du 22 septembre 2019. M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° SPOS1924023U du Président de la République en date du 22 septembre 2019, par lequel M. A... a été mis à la retraite d'office à titre disciplinaire et, d'autre part, d'ordonner au Président de la République de le réintégrer, au moins à titre provisoire, dans le nouveau corps de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, dans les sept jours de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai.
Sur la régularité de la procédure :
3. Le requérant soutient que le rapport de saisine du conseil de discipline émanerait d'une autorité incompétente, faute de délégation de signature, et que le secrétaire général de la Présidence de la République qui l'a signé n'en serait pas l'auteur. Il soutient également que le conseil de discipline n'aurait pas émis d'avis. Enoncés par principe sans le moindre commencement de preuve qui pourraient les étayer, ces moyens purement spéculatifs sont dénués de tout sérieux. Au surplus, la délégation de signature au profit du signataire est produite en défense, tandis que la signature atteste par elle-même de ce que le document émane bien par délégation du Président de la République en sa qualité d'autorité disciplinaire. L'administration a, en outre, produit après l'audience copie de l'avis émis par le conseil de discipline, qui, contrairement à ce qui est soutenu, expose suffisamment les éléments de droit et de fait qui le motivent. Enfin, l'acte par lequel le conseil de discipline a été saisi ne présente nullement les faits et la qualification qu'ils peuvent recevoir ou le type de sanctions qui peut en découler comme acquis, mais comme étant l'opinion du corps d'emploi et le motif pour lequel la procédure est engagée, le moyen tiré de l'irrégularité en résultant ne pouvant dès lors être regardé non plus comme sérieux.
4. Monsieur A... soutient que le dossier disciplinaire qu'il a pu consulter ne comportait pas le rapport de la Cour des comptes qui fonde en partie la sanction qu'il conteste. L'ouverture de la procédure a cependant été opérée par l'envoi d'un courrier qui mentionnait que le rapport était joint à cet envoi, ce que l'intéressé n'a nullement contesté, se bornant à faire valoir l'absence du document au dossier par un courrier de son avocat, plusieurs semaines plus tard et la veille du conseil de discipline. Le moyen tiré de l'absence du document, dont le contenu est en outre parfaitement connu de l'intéressé, n'est donc nullement sérieux. Ne l'est pas plus le moyen tiré de l'absence de pièces justificatives des conclusions ou assertions du rapport, dès lors que la matérialité des faits reprochés par la décision contestée ne repose nullement sur ces pièces, et que les qualifications opérées par le conseil de discipline n'en ont pas dépendu. Du reste, le requérant n'indique pas avoir recouru aux moyens de droit à sa disposition, d'abord dans le cours de l'établissement contradictoire du rapport, puis lors de la procédure disciplinaire, pour accéder à ces pièces.
5. La circonstance que l'un des membres représentant le personnel au sein du conseil de discipline ait antérieurement, en sa qualité de représentant syndical, signé un recours, d'ailleurs ultérieurement accueilli, contestant la nomination du requérant dans le corps des inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports, au titre de la défense des intérêts statutaires de ses adhérents, ne permet pas de regarder la présence de l'intéressé comme ayant pu vicier la régularité de la procédure, dès lors qu'il n'est pas soutenu qu'il aurait fait preuve, lors du déroulement de la procédure, d'une partialité ou d'une animosité particulière, aucune prise de position attestant de son hostilité ou de sa partialité n'étant reprochée à ce membre.
6. Enfin, il était loisible au conseil de discipline de fonder son appréciation sur des rapports d'inspection et de contrôle récents et contradictoires sans avoir à vérifier lui-même l'ensemble des faits et conclusions qu'ils comportaient, dès lors qu'il a fait reposer son avis sur les qualifications qu'il leur donnait lui-même sans s'estimer lié par celles auxquelles les rapports procédaient.
Sur les faits et la sanction :
7. Il n'est pas contesté, notamment à l'issue des débats à l'audience, que neuf ensembles de prestations comprenant chacun un billet d'avion, un hébergement pour trois semaines, et l'accès aux compétions sportives des jeux olympiques de Rio de Janeiro avaient été acquis par l'établissement que dirigeait le requérant, et, à la suite d'instructions, dont la légalité au regard des modalités d'exercice de tutelle sur un établissement public sont sans incidence sur les faits reprochés, ne pouvaient plus bénéficier aux salariés de l'établissement. Il n'est pas plus contesté que ces prestations ont finalement bénéficié à des personnes dénuées de tout lien avec l'établissement, qui, en revanche, étaient des proches ou des connaissances du directeur. Il est également établi que ces bénéficiaires ne se sont acquittés que d'une fraction très faible du prix de ces prestations, ainsi demeurées pour l'essentiel à la charge de l'établissement, et donc financées indûment par des deniers publics, pour un montant qui pour être discuté n'en reste pas moins considérable même dans ses plus basses estimations.
8. A supposer même établies, ou crédibles, ce qu'elles ne sont pas devant le juge des référés, les circonstances que ces dépenses seraient en tout état de cause restées à la charge de l'établissement faute d'être remboursables, que l'intéressé ait cherché à revendre les neuf ensemble à des tiers pour réduire les coûts, et qu'il n'ait découvert la présence, notamment, de membres de sa famille et de leurs conjoints, qu'à la suite de la revente d'une partie de ces ensembles par les tiers en question, l'emploi de deniers publics au bénéfice de tiers dénués de lien avec le service, pour des voyages d'agrément coûteux, à la suite des décisions de gestion prises par le directeur de l'établissement, ne peut qu'être regardé comme fautif. Au regard de la nature des fonctions exercées, et de l'appartenance à un corps dont la crédibilité et l'efficacité dépendent du haut niveau de compétence et de la rigueur morale exemplaire de ses membres, le moyen tiré de ce que les faits ont été inexactement qualifiés de montage délibéré constituant un manquement grave à la loyauté, la probité et l'intégrité, ne peut être regardé comme sérieux.
9. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des conclusions, à fin de suspension et d'injonction, de M. A... ne peuvent, faute de moyen sérieux, et sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, qu'être rejetées, ainsi, par voie de conséquence, que celles tendant à ce que l'Etat lui verse une somme d'argent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qui, l'Etat n'étant pas la partie perdante, y font obstacle.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... et à la ministre des sports.