Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'attestation de déplacement dérogatoire contestée fait peser une insécurité juridique pour les usagers devant rejoindre des aéroports internationaux dès lors qu'elle ne prévoit pas cette possibilité ;
- les usagers devant rejoindre un aéroport international risquent d'être verbalisés alors même que le Conseil d'Etat a précisé dans une ordonnance n° 440565 du 25 mai 020 que l'interdiction des déplacements n'a pas pour objet de réglementer ou d'interdire la sortie du territoire national.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées.
La requête a été communiquée pour observations au Premier ministre et au ministre de l'intérieur qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 ;
- le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le décret n° 20201331 du 2 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B..., d'autre part, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 5 novembre 2020 à 9 heures 30 :
- Me C..., avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. B... ;
- les représentants du ministre des solidarités et de la santé ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un doute propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L.3131-13 du même code précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Aux termes de l'article L. 3131-15 du même code : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique " prendre un certain nombre de mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, activités et réunions, notamment " Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé (...) / Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité " à condition d'être " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ".
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020, a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.
4. Une nouvelle progression de l'épidémie au cours des mois de septembre et d'octobre, dont le rythme n'a cessé de s'accélérer au cours de la période, a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre dernier, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. Le 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret contesté, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
5. Il résulte de l'instruction que la circulation du virus sur le territoire métropolitain s'est fortement amplifiée au cours des dernières semaines malgré les mesures prises conduisant à une situation particulièrement dangereuse pour la santé de l'ensemble de la population française. Ainsi, au 1er novembre 2020, plus de 1.4000.000 cas ont été confirmés positifs à la covid-19, en augmentation de près de 50.000 dans les dernières vingt-quatre heures, le taux d'incidence national étant de 438 cas pour 100.000 habitants contre 246 au 20 octobre et 118 au 28 septembre, le taux de positivité des tests réalisés étant de 20,4 % au 1er novembre contre 13,2 % au 18 octobre et 9 % au 28 septembre, 38.289 décès de la covid-19 sont à déplorer au 3 novembre 2020, en hausse de 430 cas en vingt-quatre heures. Enfin, le taux d'occupation des lits en réanimation par des patients atteints de la covid-19 est passé de 43 % au 20 octobre à près de 70 % au 1er novembre, mettant en danger l'ensemble du système de santé, quelles que puissent être les raisons du nombre total de lits de réanimation qu'il comporte dans la situation actuelle. Cette évolution particulièrement inquiétante de la propagation du virus sur l'ensemble du territoire national s'est encore accélérée au cours des dernières semaines et des derniers jours du mois d'octobre, malgré les mesures de police sanitaire graduées en fonction de la situation sanitaire de chaque territoire prises sur le fondement de la loi du 9 juillet 2020 pour faire face au risque de reprise de l'épidémie.
6. Pour faire face à cette situation d'urgence sanitaire, le gouvernement, en prenant les mesures détaillées par le décret du 29 octobre 2020, a fait le choix d'une politique qui cherche à casser la dynamique actuelle de progression du virus par la stricte limitation des déplacements de personnes hors de leur domicile. A cette fin, il a, à l'article 4 du décret, interdit tout déplacement des personnes hors de leur lieu de residence et fixé une liste limitative des exceptions à cette interdiction au profit des déplacements à destination ou en provenance du lieu d'exercice ou de recherche d'une activité professionnelle et des déplacements professionnels ne pouvant être différés ; des déplacements à destination ou en provenance des établissements ou services d'accueil des mineurs, d'enseignement ou de formation pour adultes ; des déplacements pour effectuer les achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle, des achats de première nécessité, de retrait de commandes et de livraisons ; des déplacements pour effectuer des consultations, examens et soins médicaux ne pouvant être assurés à distance ou pour l'achat de medicaments ; des déplacements pour motif familial impérieux, pour l'assistance aux personnes vulnérables et précaires, pour la garde d'enfants et les déménagements ; des déplacements des personnes en situation de handicap et leur accompagnant ; des déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile liés notamment à l'activité physique individuelle des personnes ; des déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit pour une demarche qui ne peut être réalisée à distance ; des déplacements pour participer à des missions d'intérêt général sur demande de l'autorité administrative.
7. Si M. B... soutient que le décret du 29 octobre 2020 fait obstacle à ce que les personnes disposant d'un billet d'avion à destination d'un pays hors de l'Union européenne puissent se rendre dans l'aéroport de départ sans courir le risque d'être verbalisé faute d'avoir prévu, à l'article 4, une dérogation spécifique pour les déplacements à l'étranger, il résulte des termes même du décret qu'il ne fait pas obstacle à ce qu'une personne quitte son domicile pour se rendre dans un aéroport afin d'embarquer dans un avion à destination d'un pays étranger dès lors qu'il atteste que ce voyage est entrepris pour l'un des motifs énoncés à l'article 4 ainsi que cela a été confirmé au cours de l'instruction, y compris lors de l'audience publique, et que l'intéressé est muni des documents permettant de confirmer la réalité de son de voyage.
8. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par la requête n'est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées. La requête doit, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, être rejetée.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre.