Elles soutiennent que :
- leur recours est recevable ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, les opérations électorales prévues par le décret attaqué, en vue de la mise en place des instances représentatives de la profession de commissaire-priseur judiciaire de la chambre nationale des commissaires de justice sont d'ores et déjà lancées et, d'autre part, les délégués élus devront prendre leurs fonctions le 1er janvier 2019 ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'article 5 du décret contesté, qui prévoit que le président de la section des huissiers de justice assure la présidence du bureau de la chambre nationale ;
- l'article 5 du décret contesté a été pris en méconnaissance des dispositions du III de l'article 61 de la loi d'habilitation n° 2015-990 du 6 août 2015, qui posent le principe du maintien des deux professions d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire et de la progressivité de leur fusion au sein de celle de commissaire de justice ;
- il méconnaît les dispositions du II de l'article 25 de l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016, qui posent les principes de parité, de progressivité, d'égalité et d'indépendance de ces professions au sein des instances de la chambre nationale des commissaires de justice ;
- il a été pris en méconnaissance du principe de démocratie professionnelle ;
- il a été pris en contradiction avec le principe de prohibition des risques de conflit d'intérêts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle soutient que, en premier lieu, les requérantes n'ont pas d'intérêt à agir, en deuxième lieu, la requête n'est pas recevable, en troisième lieu, la condition d'urgence n'est pas remplie et, enfin, il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 26 novembre 2018, la Chambre nationale des huissiers de justice conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux.
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 28 novembre 2018 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Boucard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de la Chambre de discipline de la Compagnie de Paris et autres ;
- la représentante de la Chambre de discipline de la Compagnie de Paris et autres ;
- les représentants de la garde des sceaux, ministre de la justice ;
- les représentants de la Chambre nationale des huissiers de justice ;
et à l'issue de laquelle la clôture de l'instruction a été reportée au 29 novembre 2018 à 18 heures, puis au 30 novembre 2018 à 17 heures ;
Un nouveau mémoire a été présenté le 28 novembre 2018 par la chambre de discipline de la Compagnie de Paris et autres, qui reprennent les conclusions et moyens de leur requête. Ils soutiennent en outre que la condition d'urgence est remplie, dès lors que le bureau de la chambre nationale des commissaires de justice devra proposer début 2019 au ministère de la justice un texte relatif à la formation initiale de la future profession ainsi qu'un projet de décret relatif à la nouvelle chambre nationale qui entrera en fonction le 1er juillet 2022, et qu'il devra également élaborer le règlement déontologique national de la future profession.
Un nouveau mémoire a été présenté le 29 novembre 2018 par la garde des sceaux, ministre de la justice, qui reprend les conclusions et moyens de son précédent mémoire et réaffirme que la condition d'urgence n'est pas remplie.
Un nouveau mémoire a été présenté le 29 novembre par la Chambre nationale des huissiers de justice, qui reprend les conclusions et moyens de son précédent mémoire.
Un nouveau mémoire a été présenté le 30 novembre 2018 par la Chambre de discipline de la Compagnie de Paris et autres, qui reprennent les conclusions et moyens de leurs précédents mémoires.
Vu les autres pièces du dossier :
Vu :
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. La Chambre nationale des huissiers de justice justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présence instance. Son intervention est, par suite, recevable.
3. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 visée ci-dessus a autorisé le gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance afin de créer une profession de commissaire de justice regroupant de façon progressive les professions d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. Sur le fondement de cette habilitation, l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 a organisé la fusion de ces professions et a renvoyé à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser ses modalités d'application. Par le décret n° 2018-872 du 9 octobre 2018, le gouvernement a notamment défini l'organisation et le fonctionnement de la Chambre nationale des commissaires de justice. La Chambre de discipline de la Compagnie de Paris et les autres requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'article 5 de ce décret, qui dispose que le président du bureau de la Chambre nationale des commissaires de justice, est, dans la phase transitoire allant du 1er janvier 2019 jusqu'au 1er juillet 2022, le président de la section des huissiers de justice de cette chambre.
4. Au titre de l'urgence, les requérantes soutiennent que compte tenu de l'organisation paritaire du bureau de la chambre nationale, qui comprend trois représentants des huissiers de justice et trois représentants des commissaires-priseurs judiciaires, et des dispositions de l'article 6 du décret, aux termes desquelles, en cas d'égalité, la voix du président est prépondérante, les dispositions litigieuses de l'article 5 ont pour effet de donner au président de la section des huissiers de justice la capacité d'imposer le point de vue de cette section en cas de partage des voix entre les deux professions au sein du bureau. Ils soutiennent que cette situation est de nature à porter une atteinte grave et immédiate aux intérêts de la profession de commissaire-priseur judiciaire, dès lors que le bureau ainsi composé commencera à exercer ses fonctions au 1er janvier 2019 et devra prendre rapidement un certain nombre de décisions qui détermineront l'organisation future de la nouvelle profession.
5. Il ressort des dispositions de l'article 7 du décret litigieux que les principales fonctions du bureau de la chambre nationale, pour la période allant du 1er janvier 2019 au 1er juillet 2022, vont consister, en premier lieu, en l'élaboration de propositions de textes à soumettre au gouvernement pour l'organisation de la future profession de commissaire de justice (1° de l'article 7), en deuxième lieu, en la préparation de plusieurs mesures devant être adoptées par l'assemblée générale de la chambre nationale, principalement le règlement déontologique national de la future profession (2°), la formation professionnelle initiale de celle-ci (4°) et le règlement intérieur de la chambre nationale (10°), et en troisième lieu, en l'adoption de plusieurs décisions pour le compte de la chambre, principalement la conclusion des conventions et accords collectifs de travail des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires (3°) et l'organisation de la formation permettant aux membres des deux professions d'acquérir la qualification de commissaire de justice (5°). Le bureau aura également pour tâche, en application de l'article 16 du décret, de proposer la clé de répartition des charges relatives aux actions communes de la chambre nationale et de soumettre à l'assemblée générale le projet de budget annuel.
6. Il ressort par ailleurs des dispositions des articles 4, 6, 16 et 28 du décret litigieux que, en premier lieu, lorsque le bureau national statue sur des questions intéressant spécifiquement la profession de commissaire-priseur judiciaire, la voix du vice-président, qui est de droit le président de la section des commissaires-priseurs judiciaires, est prépondérante, en deuxième lieu, qu'en cas d'égalité des voix lors des votes au sein de l'assemblée générale, composée à parité de représentants des deux professions, la proposition soumise au vote est rejetée, sauf en matière budgétaire où l'égalité des voix entraîne l'adoption du budget, et en troisième lieu, que le budget de la chambre nationale pour 2019 sera adopté au cours du premier trimestre de cette année et qu'à défaut d'adoption du budget proposé, les budgets prévisionnels pour 2018 des deux chambres nationales préexistantes seront reconduits.
7. Il résulte de ce qui précède qu'à supposer que le président du bureau, également président de la section des huissiers de justice de la chambre nationale, fasse systématiquement prévaloir la position des huissiers de justice en cas de partage des voix entre les représentants des deux professions, une telle situation ne priverait pas les représentants des commissaires-priseurs judiciaires de la possibilité de faire valoir leur point de vue lors de l'adoption des principales décisions que la chambre nationale est appelée à prendre, énumérées au point 5. ci-dessus, dès lors que le vice-président issu de leur rang a voix prépondérante sur les questions qui sont spécifiques à cette profession, que ces représentants conservent la possibilité de faire connaître directement au gouvernement leur propre avis sur les propositions de textes nécessaires à l'organisation de la future profession, et qu'en cas de partage des voix entre les deux professions au sein de l'assemblée générale, hors les questions budgétaires, les délibérations mises au vote ne seront pas adoptées. Il résulte de cette organisation, et alors au demeurant que les éléments versés au dossier par les parties ne font pas apparaître à ce stade de sujets fortement conflictuels entre les deux professions, que la désignation du président de la section des huissiers de justice comme président de droit du bureau de la chambre nationale, même combinée avec la voix prépondérante donnée au président en cas de partage des voix, ne paraît pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire courir un risque grave et immédiat aux intérêts de la profession de commissaire-priseur judiciaire lors de la mise en place de la future profession de commissaire de justice. Il en résulte que la condition d'urgence n'est pas remplie et que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner s'il existe un doute sérieux sur la légalité des dispositions attaquées, la demande de suspension doit être rejetée.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de la Chambre nationale des huissiers de justice est admise.
Article 2 : La requête de la Chambre de discipline de la Compagnie de Paris et autres est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Chambre de discipline de la Compagnie de Paris, premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la Chambre nationale des huissiers de justice.